MONTRÉAL – Pendant six jours, Serge Aubin a bien voulu y croire. Christoph Schubert, son capitaine, allait peut-être sauver son emploi. À condition qu’il amasse 2 millions $.
 
En moins d’une semaine...
 
Si la collecte de fonds express de l’ancien des Sénateurs d’Ottawa atteignait son objectif, elle financerait les opérations des Freezers d’Hambourg pendant encore une saison, le temps de permettre aux propriétaires de trouver un acheteur.
 
« Les fans et toute la ville se sont rangés derrière lui et ils ont ramassé tout près de 2 M$ [NDLR 1,2 M$], chiffre Aubin. Mais leur idée était faite. »
 
L’Anschultz Entertainment Group n’allait en effet pas revenir sur sa décision. À l’aube de la saison 2016-2017, la clé était déjà dans la porte.
 
« Aux mois de mai et juin, ce n’est pas le temps idéal pour perdre ton emploi en tant qu’entraîneur, note Aubin. À ce moment-là, il ne restait que deux postes encore ouverts en Europe : Kloten et Vienne. »
 
Aubin, un Abitibien en exil depuis une dizaine d’années, était prêt à se rendre à l’évidence.
 
« J’ai alors dit à ma femme qu’on devrait possiblement rentrer en Amérique du Nord et attendre qu’il y ait des changements en milieu de saison. »
 
Dix jours. C’est finalement tout ce qu’il a attendu avant de devenir l’homme de confiance des Capitals de Vienne, un club évoluant dans le circuit autrichien de la Erste Bank Hockey League.
 
« Comme père et comme entraîneur, j’étais surtout soulagé, souligne celui qui veille au bien-être de trois adolescents. Tout est rentré dans l’ordre et ça m’a enlevé tout un poids sur les épaules. Je n’avais plus qu’à aller bosser. »
 
Pour bosser, il a bossé.
 
Dès leur première saison sous la gouverne d’Aubin, les Capitals ont conclu le calendrier régulier au premier rang du classement général, avant de remporter chacun de leurs 12 matchs de séries éliminatoires, en route vers les grands honneurs.
 
Serge Aubin, l’entraîneur-chef autrefois esseulé, avait maintenant toute l’attention du hockey européen.
 
À commencer par celle des Lions de Zurich.  
 
Serge AubinLe grand saut... bientôt
 
D’ici quelques mois, Aubin prendra les commandes de ce club phare de la Ligue nationale A suisse (LNA). Mais pas avant d’avoir respecté ses engagements envers l’organisation qui l’a propulsé sur la grande scène.
 
« Les Lions m’ont approché vers la fin novembre. Ils cherchaient un entraîneur pour l’an prochain, pas cette année. Il n’y avait donc pas de soucis de ce côté-là. Trois semaines, un mois après notre première discussion au téléphone, ils sont venus me rencontrer et les négociations se sont poursuivies gentiment au cours des deux, trois semaines suivantes. Ça s’est réglé tout juste avant Noël », raconte le pilote de 42 ans.
 
Engagé dans la dernière portion de la saison régulière des Capitals, qui sont premiers au classement général, Aubin aura donc l’occasion d’écouler la dernière année de son contrat et de mener son projet à terme avant de faire le grand saut.
 
« Ce fut une belle aventure et elle n’est pas terminée. Vienne va toujours rester une place spéciale pour moi et si je peux les aider de quelque manière que ce soit, je vais toujours le faire », promet-il.
 
Un deuxième championnat, c’est pour l’instant tout ce qu’il a en tête.
 
« Quand il nous a annoncé qu’il quittait pour Zurich, ç'a été la dernière fois qu’on en a parlé », jure l’attaquant Kelsey Tessier, un ancien des Remparts de Québec qui a joint les Capitals quelques semaines après l’arrivée d’Aubin.
 
« Les gars comprennent que c’est une opportunité que je ne pouvais pas laisser passer, signale Aubin. Avant que ça sorte dans les journaux et que ça devienne public, j’ai annoncé à mes joueurs que j’avais pris cette décision, tout en leur faisant comprendre que ce n’était que pour l’an prochain. Que pour moi, il n’y avait absolument rien qui changeait. Je suis ici jusqu’à la fin juin et je veux vraiment qu’on finisse ça en beauté ensemble. »
 
« Je pense qu’il nous l’a appris avant même de l’annoncer à ses enfants, soulève Tessier. Tu le vois que c’est un gars qui a l’équipe à cœur et qui pense à l’équipe avant tout. »
 
Le rêve
 
La communication, voilà ce qui est au cœur de la philosophie – et des succès – de l’entraîneur en pleine ascension.
 
« Ce n’est pas parce que je suis en entrevue que je dis ça. Serge, je te le dis, c’est le meilleur entraîneur professionnel que j’ai eu. Facile », insiste Tessier, qui a disputé trois campagnes dans la Ligue américaine avant de jouer les cinq dernières en Suède, en Finlande et en Autriche.
 
« C’est un player’s coach, précise le Néo-Brunswickois de 28 ans. Ce n’est pas un gars qui va crier après toi. Il va trouver une manière de se faire comprendre. Il coache ses 30 joueurs différemment. »
 
Il faut dire que la nouvelle génération, Aubin la connaît très bien. Il y a cinq ans à peine, il complétait à Hambourg une carrière de 18 ans dans le hockey professionnel au cours de laquelle il a notamment disputé 374 matchs dans la LNH avec l’Avalanche du Colorado, les Blue Jackets de Columbus et les Thrashers d’Atlanta.
 
« Les gars le trouvaient cool, se souvient Tessier du premier contact d’Aubin avec l’équipe, l’an dernier à Vienne. Il comprend les joueurs, il comprend la game. Je pense que beaucoup de monde a vu ça. Il a joué dans la LNH, il a joué en Europe et il sait comment gagner. »
 
« Je suis quand même un entraîneur très strict sur les détails, mais quand vient le temps de communiquer, je suis plutôt de la nouvelle méthode, se décrit Aubin. Aujourd’hui, les joueurs veulent comprendre, on doit être capable de leur parler. On doit être un petit peu un psychologue parfois. »
 
Une approche qui a jusqu’à maintenant fait ses preuves. Reste à voir si elle aura le même effet sur les Lions de Zurich, dont les derniers titres remontent à 2014 et 2012, alors qu’ils étaient dirigés par Marc Crawford et Bob Hartley.
 
« Là, c’est la LNA, mais la prochaine étape c’est peut-être la LNH, ose avancer Tessier. On l’a vu avec Guy Boucher et Marc Crawford. [...] Je vois Serge plus loin que la Suisse. Il a vraiment un gros potentiel pour aller encore plus loin. »
 
Si le principal intéressé se garde une petite gêne, il ne cache toutefois pas ses ambitions.
 
« Mon rêve, c’est simple, ce serait d’avoir la chance d’aller dans la LNH. Je pense qu’il y a beaucoup de travail à faire de mon côté et je dois faire mes classes. J’ai eu la chance de goûter en tant que joueur à la LNH. J’aime bien y aller pour de gros défis », aspire celui qui dirigera entre autres quatre membres de l’équipe nationale olympique suisse à Zurich.
 
« Je dois m’assurer d’avoir du succès. Ça, c’est la première chose. »