De la façon dont le navire est mené depuis que les nouveaux propriétaires sont arrivés dans le portrait, il ne faut peut-être pas s'étonner de la tempête dans laquelle est présentement plongée l'organisation du Lightning de Tampa Bay avec toutes les rumeurs qui entourent Vincent Lecavalier.

Selon moi, cette désolante situation découle du fait que les gens qui sont en place - sans dire qu'ils sont de mauvaises personnes - n'avaient aucune idée dans quoi ils s'embarquaient en faisant l'acquisition d'une équipe de la LNH. Ce sont des gars qui avaient de l'argent et qui ont voulu se payer un trip sans vraiment avoir les connaissances ou les ressources pour s'embarquer dans une telle aventure. Un coup de tête pour lequel ils sont en train de payer un prix très élevé.

Pensez à tout ce qui s'est passé à Tampa depuis qu'Oren Koules et Len Barrie ont pris les rênes du Lightning :

- Ils ont jeté leur argent par les fenêtres lors de l'ouverture du marché des joueurs autonomes.

- Ils ont congédié l'entraîneur qu'ils avaient eux-mêmes embauché après seulement une quinzaine de parties.

- Ils ont placé leur principal joueur d'avenir, Steven Stamkos, dans une situation inconfortable.

- Ils ont été maladroits dans le dossier Dan Boyle.

- Et maintenant, la cerise sur le sundae, ils traitent leur joueur vedette et le visage de leur concession comme s'il n'était rien à leurs yeux.

Combien de conneries peut-on faire en six mois à la tête d'une équipe? Je ne sais pas, mais je crois que Koules et Barrie ont battu le record.

C'est malheureux, parce que s'il y a bien une organisation qui n'avait pas besoin de toute cette controverse, c'est bien celle-là. Tout le monde sait que le hockey à Tampa Bay, ce n'est pas la principale préoccupation des amateurs de sports. Inutile, donc, de compter sur des propriétaires qui font des pieds et des mains pour ternir l'image de leur équipe.

Pourquoi en est-on rendu là? Comment le train a-t-il pu dérailler si vite? Tout ça est, selon moi, une histoire de gros sous. Quand tu investis beaucoup d'argent dans un projet et que les choses ne se déroulent pas comme prévu, la panique s'installe, les mauvaises décisions s'accumulent et il devient difficile de prendre du recul pour évaluer clairement la situation.

Je crois que c'est ce qui est arrivé. Présentement, tout semble aller trop vite pour les propriétaires du Lightning et ils ont vraisemblablement perdu le contrôle.

Être intelligent dans sa folie

L'idée d'échanger Vincent Lecavalier, en soi, n'est pas nécessairement mauvaise... en autant que cette décision fasse partie d'un plan bien défini. Tu ne peux pas prendre la mer sans boussole; tu dois savoir où tu t'en vas. Si le départ de Lecavalier s'inscrit dans une structure, une logique, un plan à long terme, la décision peut être bonne parce que le potentiel de tes acquisitions est élevé.

Mais attention! Dans ce dossier, le Lightning n'a pas droit à l'erreur. Jusqu'à maintenant, toutes les gaffes qu'ils ont faites ne leur ont pas fait si mal. Mais ici, s'ils se trompent, les conséquences pourraient être désastreuses. C'est un couteau à deux tranchants : soit tu poses un geste intelligent qui te permet de te relancer pour de bon, soit tu t'achèves en te tirant dans le pied une autre fois.

Je l'ai dit en ondes : tu ne peux pas échanger un filet mignon contre cinq boîtes de thon. Et je ne veux pas dire par là que les cinq joueurs qui seraient échangés contre Vincent ne sont des bons joueurs et qu'ils n'ont pas sans talent. Mais quand tu prends le risque de te départir d'un joueur de la trempe de Vincent, qui est non seulement l'un des meilleurs sur la glace mais qui représente également un outil de marketing puissant, tu ne peux pas obtenir seulement cinq bons joueurs en retour. Tu dois donner à tes partisans quelque chose à se mettre sous la dent.

Bref, tu dois être intelligent dans ta folie.

Si je suis dans la peau de Vincent...

... je suis un peu abasourdi par toute cette histoire et à la limite, je trouve que mes patrons manquent de classe à mon endroit. Depuis son arrivée en Floride, Vincent a fait montre d'un comportement exemplaire, que ce soit au sein de son équipe ou de la communauté de Tampa. Et comme récompense, il se fait aujourd'hui brasser à gauche et à droite par ses supérieurs, qui multiplient les déclarations sans queue ni tête dans les journaux.

À quelque part, Vincent doit se pincer pour se convaincre qu'il ne rêve pas. Un gars intelligent comme lui ne le dira jamais ouvertement, mais il doit trouver que depuis le début de l'année, son équipe est dirigée tout croche. Hey! On ne se contera pas de farce : un restaurant McDonald est géré plus dix fois plus sérieusement que le Lightning de Tampa Bay présentement!

Pendant ce temps, à Montréal...

... des joueurs voient leur nom mentionné dans toutes sortes de rumeurs, une situation qui n'est jamais plaisante.

Dites vous qu'en ce moment, si Vincent se sent en demande et désiré de toutes parts, c'est tout le contraire pour les joueurs dont le nom circule un peu partout. Ceux-là ne se sentent pas flattés parce qu'ils sont désirés par le Lightning, non! Ils se sentent plutôt rejetés par leur équipe actuelle et inévitablement, leur orgueil est affecté.

Dans le vestiaire du Canadien, je ne crois pas que ce soit à l'avantage de qui que ce soit de se prononcer sur la possibilité de voir cet échange se concrétiser, parce que n'importe qui pourrait en faire partie! Quant à moi, contre Vincent Lecavalier, le seul intouchable du Canadien est Carey Price.

Personnellement, je croirai tout ce que j'entends le jour où je serai en conversation avec Bob Gainey et Brian Lawton et que je l'entendrai de leur bouche. D'ici là, même si je respecte beaucoup les journalistes qui font leur travail en couvrant cette histoire, vous ne me verrez pas lancer des hypothèses, tendre des lignes et essayer de déterrer le fond de l'histoire. La vérité, c'est que personne ne sait réellement ce qui passe à l'exception des directeurs généraux des équipes impliquées. Les noms qui sont mentionnés dans les rumeurs sont peut-être sensés, mais je ne vois pas pourquoi un directeur général irait divulguer l'identité des joueurs qu'il s'est fait offrir à des journalistes.

Je ne crois pas que cette histoire dérangera la chimie qui existe au sein du Canadien, pour la simple et bonne raison que j'ai l'impression que tout ça va mourir assez vite. Il y aura de l'eau sur le feu avant longtemps.

Si un jour Vincent Lecavalier aboutit vraiment à Montréal, je serai le premier à m'en réjouir. Mais en ce qui me concerne, le dossier est clos... jusqu'à ce que j'entende le contraire de la bouche de Bob Gainey.

*Propos recueillis par Nicolas Landry.