MONTRÉAL - Il y avait des rires, des anecdotes croustillantes et des mines basses. Mais tout le monde croisé sur le parvis de la Cathédrale Marie-Reine-du-Monde, lundi après-midi, avait son mot à dire pour décrire le très coloré Pat Burns.

Martin Brodeur, le gardien de Burns au New Jersey qui lui a permis de mettre la main sur sa seule coupe Stanley en carrière, lors de la campagne 2003, a d'ailleurs été parmi les premiers à faire son arrivée.

"Je me rappelle comment il contrôlait sa chambre, comment il était dur sur les joueurs, et je me rappellerai d'une fois où je jasais avec lui très normalement, et tout à coup il me dit, 'Martin, va t'asseoir dans la chambre, il faut que je pète les plombs devant les gars'. Il est arrivé, il a tout cassé dans le vestiaire et j'ai hoché la tête et je me suis dit 'tabarouette, il l'a l'affaire!', a lancé Brodeur en riant de bon coeur. Il avait cette capacité de passer d'une humeur à l'autre, c'était plutôt intéressant.

"Oui (ç'a fonctionné), on a gagné la coupe Stanley cette saison-là!"

"C'était un batailleur. Il l'a prouvé en se battant contre le cancer et il l'a prouvé quand il était entraîneur. Je suis sûr qu'il aimerait que tout le monde se rappelle de lui pour ça."

L'ancienne gloire des Bruins de Boston, Raymond Bourque, qui a été dirigé par Burns entre les saisons 1997 et 1999, l'a aussi dépeint comme étant un homme bourru, mais intègre dans sa façon de diriger.

"Il avait tout ce qu'on voulait d'un entraîneur. Aucun joueur ne profitait d'une passe-droit et il laissait savoir très clairement quelles étaient ses attentes. J'ai eu beaucoup de plaisir à jouer pour lui, je l'adorais. Il est le meilleur entraîneur défensif que j'aie jamais eu. Tout le monde dans l'équipe savait exactement ce qu'il avait à faire dans sa zone. Tu ne peux pas gagner sans une bonne défensive et il était un maître dans cet aspect-là.

L'ancienne vedette des Bruins s'est aussi avancé sur le mythe que laissera Burns derrière lui.

"Il a dirigé trois des six équipe d'origine et il a finalement gagné la coupe (avec les Devils). Il aurait probablement dû être intronisé au Temple de la renommée cette année. Il le sera un jour.

"Il y a eu un manque à ce niveau-là, selon moi. Ils ont eu une chance de faire quelque chose de bien. Il va se retrouver là de toute manière, c'aurait été le 'fun' que ca se fasse cette année.

Pour sa part, l'ancien gardien de but étoile du Canadien, Patrick Roy, a reconnu ses belles qualités de leader.

"Je vais surtout me rappeler de son intensité. Nous étions mieux de performer. C'est une personne que je respectais énormément. C'était un gars extrêmement intense. J'aimais son franc parler."

De son côté, le dur à cuire des Maple Leafs de Toronto Tie Domi a paru très ébranlé par la mort de Burns, qu'il a qualifié de "meilleur entraîneur que j'aie jamais eu".

"C'était un entraîneur en avance sur son temps, a dit Domi. Il était de la vieille école, et moderne en même temps. S'il y a une chose, je crois, c'est que je l'ai connu encore mieux après (son) départ de Toronto."

Son coéquipier chez les Leafs, Mike Gartner, a aussi qualifié Burns d'entraîneur "dur", mais "passionné" par son sport.

"Il était dur comme entraîneur, mais il était juste. Il avait une passion à fleur de peau, on le voyait match après match, et je pense que les amateurs de hockey le voyaient aussi.

"Il était passionné et il perdait la carte parfois, mais c'est un batailleur, il se battait pour ses joueurs, c'était vraiment un 'player's coach'. Il s'est battu jusqu'à la fin contre le cancer."

L'ancienne vedette des Kings de Los Angeles Luc Robitaille, qui a été dirigé par Burns lors de son stage avec les Olympiques de Hull, a semblé triste et marqué par ce décès.

"C'est une personne vraiment spéciale, très passionnée. On a eu une maison ensemble à Magog, pendant un bout de temps. Je me suis toujours bien amusé avec Pat. C'était un gars qui était vraiment comique l'été. Il était drôle l'été... durant l'hiver, il ne l'était pas autant, des fois! Mais c'était vraiment une bonne personne.

"Il était si jeune, c'est un départ dur à encaisser après qu'il ait dû livrer une aussi longue lutte contre le cancer.

"Pat Burns, c'était un homme de courage et de passion. Il s'est battu jusqu'à la fin. Même cette fois-là, récemment, où tout le monde croyait qu'il était mort et qu'il a rappelé pour dire qu'il ne l'était pas... C'était du Pat typique!' a dit en riant.

"Moi, il m'a vraiment aidé parce qu'on a grandi ensemble. On était les trois ensemble - moi, lui, Pat Brisson, Guy Rouleau, il y avait plusieurs joueurs à Hull, on a commencé ensemble. On a toujours continué à se parler au fil des ans. Je ne l'ai jamais eu comme entraîneur dans la LNH, mais on est toujours resté de bons amis.

"Il y a plusieurs anecdotes que je pourrais raconter, mais comme ça se passait dans le vestiaire, je ne crois pas que je pourrais raconter ça publiquement!"

Burns a pavé la voie chez les Olympiques

Burns vient d'une longue lignée d'entraîneurs-chefs qui ont connu du succès avec les Olympiques de Gatineau. Benoît Groulx, l'actuel entraîneur de cette formation de la Ligue de hockey junior majeur du Québec, s'était d'ailleurs déplacé lundi pour rendre un dernier hommage à l'un de ses influents prédécesseurs, parmi lesquels se retrouve aussi Alain Vigneault, aujourd'hui à la barre des Canucks de Vancouver.

"C'était important pour les Olympiques de venir rendre un dernier hommage à Pat. Il a inspiré plusieurs entraîneurs qui sont passés par Gatineau - Hull à l'époque. Je pense à Alain Vigneault, et tous les gars de l'Outaouais après lui. Donc il a été sans aucun doute une source d'inspiration pour nous, mais pour tous les entraîneurs, tous sports confondus.

"Burns, c'était un homme très coloré, et qui, de par sa façon de faire les choses, ne laissait personne indifférent. Et puis, surtout en fin de carrière, il était très aimé de tout le monde. Je pense que le fait d'avoir gagné la coupe Stanley lui a permis d'atteindre les sommets de son art. C'est certain qu'il fera son entrée au Temple de la renommée, maintenant s'il avait été admis de son vivant c'aurait été bien. Aurait-il pu s'y rendre vu son état à la fin? On ne sait pas, mais je suis certain que ses enfants auront un jour l'occasion d'honorer sa mémoire."

Brisson, qui a aussi gravité dans l'univers des Olympiques à ses débuts, a aussi livré un vibrant plaidoyer en faveur de Burns.

"Il m'a toujours donné beaucoup de temps, et j'ai apprécié cela, a dit Brisson. Il était devenu un grand 'coach', puis il n'était pas obligé de faire ce qu'il faisait pour moi. Pat mérite totalement sa place (au Temple de la renommée). J'ai été déçu dernièrement (qu'il ne soit pas intronisé), et je crois fortement qu'on devrait honorer les gens lorsqu'ils sont vivants. Pat aurait dû être là, il y a un mois, un mois et demi, parce que le hockey, c'était sa vie."

Marcel Aubut, l'ancien propriétaire des Nordiques de Québec, a souligné avec nostalgie qu'en dépit de l'adversité qui existait entre Burns et lui, des liens d'amitié tissés serrés s'étaient créés au fil des ans.

"On a compétitionné, on s'est respecté, c'était un amoureux de la moto - je suis un amoureux de la moto - alors on avait beaucoup de points en commun. Il a toujours raté nos voyages d'été en raison de sa maladie, mais on était restés en contact, parce qu'on avait un ami en commun en Christopher Wood. C'était donc naturel que je sois ici pour lui rendre hommage.

"Puis, au fond, surmonter deux cancers, être atteint d'un troisième, lutter six ans contre cette maladie, c'est toute une leçon sur l'art de réagir face à l'adversité", a-t-il rappelé.

Enfin, Jacques Demers, le dernier entraîneur à avoir remporté la coupe Stanley avec le Canadien lors de la saison 1992-93, a même dit "envier" la carrière d'entraîneur-chef de Burns.

"Il faut le faire quand même, récolter 500 victoires en carrière dans la LNH, parce qu'il n'y a plus beaucoup d'entraîneurs qui vont atteindre ce plateau, c'est sûr. Il sera au Temple de la renommée, alors j'envie ce qu'il représentait dans la société de tous les jours - c'était un bon policier - mais je retiendrai surtout ses 500 victoires."