VANCOUVER - La conversation se déroulait, il y a huit mois, alors que Pat Lafontaine assistait à un match du Rocket de Montréal au Centre Molson. Actionnaire de l'équipe, actionnaire également dans le groupe Thibault, Messier, Savard et associés, Lafontaine prête maintenant son expertise et surtout fait bénéficier de son expérience d'athlète professionnel, le conseil national des neurologues des Etats-Unis, de plus en plus inquiet par le nombre de commotions cérébrales dans le sport professionnel.

Lafontaine, on se souvient, a mis un terme à sa carrière après avoir subi une cinquième commotion cérébrale des suites d'une collision au centre de la patinoire avec son coéquipier des Rangers de New York, Mike Keane.

Un an auparavant, il était demeuré inconscient sur la surface de jeu à la suite d'une solide mise en échec de François Leroux, des Penguins de Pittsburgh.

Lors de cet entretien, Lafontaine avait avoué : " J'aurais probablement pu prolonger ma carrière mais le risque de ne plus être en santé pour voir grandir mes enfants était trop grand. Je ne pouvais pas prendre une telle décision au détriment de ma famille. "

Contexte différent Eric Lindros n'a pas d'enfant et par le fait même ses responsabilités diffèrent totalement de celles de Lafontaine. Aussi, quand il soutient qu'il a le hockey dans les tripes et qu'il se voit mal dans un rôle de retraité à l'âge de 28 ans, on peut saisir la portée de ses propos. Il reste qu'il va prendre une risque énorme en renouant avec le compétition active.

" Le problème avec les commotions cérébrales, disait Lafontaine, c'est que tu te retrouves dans l'inconnu au sens propre du mot et au sens figuré. Quelles seront les séquelles d'une autre commotion cérébrale? Uu ne le sais pas. Personnellement, je ne voulais pas me retrouver dans une situation où mes facultés seraient diminuées, conséquences de six commotions cérébrales.

Je me suis retiré parce qu'il n'y avait aucune garantie que je serais à l'abri de graves séquelles. "

Le dossier Lindros est encore plus particulier. Comme Lafontaine, la famille joue un rôle primordial dans la carrière des deux joueurs mais dans des directions opposées. Lafontaine a choisi de prendre sa retraite afin de ne pas hypothéquer sa santé et de voir au bien-être de ses enfants et de son épouse. Dans le cas de Lindros, c'est la famille qui choisit, enfin, presque. C'est en tout cas la famille qui fait du grenouillage dans l'environnement de l'athlète.

Dans le cas de Lindros, le contexte est le suivant : il a, comme je le mentionnais, 28 ans. En principe, il devrait connaître présentement les meilleures années de sa carrière. Il est un joueur que le Canada anglais idolâtre depuis ses beaux jours dans les rangs juniors.

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Toronto sur le qui-vive
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A Toronto, on salive à la pensée qu'il pourrait éventuellement endosser l'uniforme blanc et bleu. Mais, Pat Quinn est confronté à une pression énorme exercée par le public qui veut à tout prix voir Lindros se produire sur la patinoire du ACC Center. Ce même public veut également une équipe championne. Dans la réalité cependant, Quinn ne veut surtout pas que l'embauche de Lindros vienne justement stopper le processus enclenché, il y a deux ou trois ans, pour mener les Leafs sur le podium. Si son acquisition doit coûter aux Leafs deux ou trois joueurs d'avenir et si Lindros se retrouve à l'infirmerie après une autre solide mise en échec, les Leafs et Quinn se retrouvent dans un cul-de-sac.

Autre point que Quinn n'avouera jamais publiquement mais qui doit trotter dans sa tête. Peut-il se permettre d'embaucher un athlète sachant fort bien qu'éventuellement la famille Lindros viendra foutre le bordel dans l'équipe?

Ça s'est produit à Sault Ste.Marie dans la Ligue de hockey junior majeur de l'Ontario alors que la famille ne voulait pas voir le fils Eric évoluer pour les Greyhounds. Il fut échangé aux Generals d'Oshawa.

Ça s'est produit à Québec alors que Marcel Aubut et la famille Lindros n'ont jamais pu trouver un compromis afin de permettre au fils Eric d'entreprendre sa carrière avec les Nordiques. La famille ne voulait pas que le fils Eric évolue dans un marché francophone et dans une formation dirigée par le bruyant Marcel.

Ça se produit maintenant à Philadelphie parce que la famille Lindros ne peut plus blairer Bobby Clarke et parce que Bobby Clarke ne veut plus entendre le père Carl jouer le propriétaire en lui disant comment mener son organisation.

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Les interventions du paternel
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Clarke me disait ce printemps pendant les séries éliminatoires que le père Carl avait fortement suggéré aux Flyers de ne pas embaucher Mark Recchi parce qu'il ne faisait pas bon ménage avec la famille et le fils Eric. Le père Carl passait son temps à rejoindre Clarke pour lui dire comment les trios des Flyers devraient être composés et comment Eric devrait être utilisé.

Quinn a fait son enquête, il connaît bien la famille, il connaît l'égo du père Carl. Et la dernière chose qu'il souhaite, c'est justement de se voir pris dans le même environnement que son homologue Bobby Clarke.

Je discutais de la prise de position de Lindros avec le commissaire Gary Bettman, hier, lors de l'envolée entre Edmonton et Vancouver. Le grand patron de la Ligue nationale ne veut surtout pas soulever la controverse et prend la route la plus sure en affirmant : " Nous avons des règlements très clairs à propos des joueurs autonomes avec restriction, soulignait-il. Et, dans les circonstances, M. Lindros devra se soumettre à ces règlements. "

Pour l'instant, cependant, Eric Lindros encore une fois dicte sa ligne de conduite. Pas étonnant que la position prise par le gros joueur de centre a fait monter la moutarde au nez de plusieurs directeurs généraux de la ligue, notamment Kevin Lowe, des Oilers d'Edmonton.

" Ma foi, pour qui se prend-il? "

Pour Eric Lindros, un joueur qui traine constamment la controverse mais que tout le monde voudrait bien avoir au sein de sa formation. Mais, en parfaite santé. Et ce Lindros-là n'est peut-être plus disponible.