OTTAWA – Quand il se la coulera douce, cet été, sur son bateau, André Tourigny sait qu’il appréciera l’impressionnant programme qu’il vient de bâtir à une vitesse fulgurante avec les 67 d’Ottawa.

 

En seulement deux ans, Tourigny a mené sa nouvelle organisation à la finale de la Ligue junior de l’Ontario. Impliqué dans cette confrontation face au Storm de Guelph, l’entraîneur québécois de 45 ans ne peut guère avoir la tête à savourer le moment.

 

Plusieurs entraîneurs sont parvenus à renverser la vapeur aussi rapidement avec une organisation, mais ce n’était pas la tangente envisagée pour ce club. À vrai dire, personne ne les attendait en finale de ce circuit lors des séries 2019.

 

C’est donc dire que Tourigny et son entourage (qui inclut notamment le directeur général James Boyd et l’adjoint Mario Duhamel) ont propulsé le potentiel de leurs joueurs à un autre niveau. L’influence de Tourigny a été validée sans tarder par l’attribution du titre d’entraîneur de l’année avec une priorité écrasante sur ses poursuivants.

 

« (Ce succès rapide) ça repose sur beaucoup de facteurs, c’est plus grâce à un environnement qu’à un seul individu. Premièrement, on travaille pour des propriétaires qui nous accordent les moyens de nos ambitions. C’est fantastique d’avoir un environnement comme celui-ci, ça aide les joueurs », a souligné Tourigny. 

 

En parlant d’ambitions et de moyens, il fait allusion à l’encadrement digne d’une équipe de la LNH qu’il a implanté dans ce charmant aréna du superbe Parc Lansdowne. On peut citer les entraîneurs d’habiletés qui multiplient les séances avec les joueurs, le préparateur physique, les repas spécifiques fournis aux joueurs et bien plus.

 

Tout ça peut sembler fabuleux, mais ça vient avec des exigences élevées. Des critères imposés par Tourigny et ses collègues.

 

« Bien sûr, ça te prend aussi les joueurs, les chevaux. Je parle de bons meneurs qui sont prêts à travailler. Ce n’est pas facile jouer dans un programme comme le nôtre, les gars doivent investir les efforts sans négliger l’école. Si tu n’es pas enclin à travailler, tu ne peux pas venir jouer pour les 67, tu ne seras pas heureux », a reconnu Tourigny sans couvrir le portrait de glaçage.

 

Avant d’aller plus loin, c’est l’heure de freiner pour appuyer le tout avec un exemple, celui de Tye Felhaber. À sa cinquième saison (sa troisième à Ottawa) dans l’OHL, l’attaquant a haussé sa production de 70 à 109 points.

 

« Il a pas mal tout changé autant sur la patinoire qu’à l’extérieur. Il a vraiment consacré du temps à chaque joueur. J’en suis un bon exemple, il m’a rendu un bien meilleur joueur et une meilleure personne aussi. Il m’invitait toujours dans son bureau pour visionner des vidéos. C’est surtout sa manière de se soucier de ses joueurs, il a vraiment pris soin de moi », a vanté Felhaber qui a disputé quatre matchs avec le Rocket de Laval la saison dernière.

 

Collectivement, Tourigny ne prêchait pas dans le vide. Après seulement quelques matchs, ses nouveaux joueurs ont constaté qu’ils étaient bien plus énergiques que leurs adversaires au dernier tiers.

 

Après des arrêts avec les Huskies, les Voltigeurs, l’Avalanche du Colorado, les Olympiques, Duhamel découvre aussi le contexte favorable des 67 dans le rôle d’adjoint.

 

« Les propriétaires ont donné carte blanche à André et James, ça part vraiment d’en haut. À travers le leadership d’André et James, on ajoute notre grain de sel en les supportant. On est traités comme des pros et ça fait la différence », a maintenu Duhamel qui peut avoir recours à des ressources extérieures quand le besoin s’en fait sentir.

 

Un respect qui ouvrira des portes ?

 

Même si son règne à Ottawa demeure récent, Tourigny incitera peut-être des organisations à l’imiter. Bref, sa méthode pourrait « faire des petits ».

 

« Il n’y a pas de mauvaise façon de procéder, mais tu dois croire en ta méthode. Quand je regarde les bons programmes, peu importe le niveau, la première chose qui prime c’est le niveau de responsabilité (accountability). Tu ne peux pas avoir deux catégories de règlements », a-t-il prononcé en citant de bons modèles comme Tampa Bay.

 

Durant son passage d’une année à Halifax, Tourigny n’était pas tant limité par les moyens, mais la proximité des ressources n’était pas optimale.

 

« Nos entraîneurs pour les habiletés viennent du coin d’Ottawa, on ne pourrait pas se permettre leurs services si on devait les embaucher à temps plein à 100 000 $ par année.

 

« Il y a des organisations qui veulent bien, mais les moyens ne sont tout simplement pas là. Quand j’étais avec l’Avalanche - il y a des personnes extraordinaires dans cette organisation - mais on n’avait pas les mêmes ressources que le Canadien et les Maple Leafs. On aurait bien aimé avoir un programme de statistiques avancées qui vaut des millions sauf qu’il n’y avait aucune chance que ça arrive », a admis Tourigny avec franchise.

 

Avec de tels résultats, Tourigny s’est intégré à merveille dans le circuit ontarien. Ses homologues le respectent comme l’a démontré George Burnett, l’entraîneur du Storm de Guelph, qui a déjà travaillé avec lui comme adjoint pour l’équipe canadienne au Championnat mondial junior.

 

« C’est un homme axé sur les détails. Il a connu quelques saisons très impressionnantes au niveau des résultats et il est passé par la LNH. Quand tu arrives dans une nouvelle place, tu as immédiatement le respect des joueurs avec un tel parcours. Je sais aussi qu’il n’accepte pas les non-sens de personne, il veut que ça fonctionne d’une façon. C’est un entraîneur de haut calibre et il l’est depuis plusieurs années », a jugé Burnett, un ancien de l’Université McGill qui a aussi œuvré dans la LNH.

À ce propos, Tourigny s’est permis une petite parenthèse dans sa préparation pour la finale. Il a reconnu qu’il serait enchanté d’avoir ouvert la porte de l’OHL pour d’autres entraîneurs québécois.

Storm 2 - 67s 7
Finale de la OHL : Suzuki contre Tourigny
« Je me suis vraiment amélioré cette saison »