On peut toujours relever plusieurs similitudes entre le conflit de 1994 et celui de 2004 mais il y a un élément - et c'est le plus important - qui se détache et qui tranche vraiment entre les deux conflits. C'est la confiance des propriétaires. Pierre Boivin a affronté les membres de la presse en compagnie de Bob Gainey et il dégageait une assurance et une sérénité qui reflètent bien dans quel esprit les propriétaires sont engagés dans cet affrontement avec l'Association des joueurs.

Il n'a pas tiré des flèches en direction de l'Association des joueurs, il a tout simplement exposé les difficultés financières auxquelles sont confrontées les équipes du circuit. Il n'a pas cherché à jouer sur les chiffres même si ces propos au sujet du bilan du Canadien, remis à l'AJLNH, il y a trois ans pour examen en profondeur, ont été démentis par Vincent Damphousse, hier, dans le cadre des amateurs de sport à CKAC.

Pierre Boivin a mentionné que les joueurs avaient pu juger de la pertinence des états financiers du Tricolore sauf que l'ex-capitaine du Canadien affirmait de son côté que les joueurs ont effectivement pris connaissance des bilans de quatre équipes mais qu'ils ne savaient pas quelles formations il s'agissait. Mais, j'imagine que c'est un peu ça la guerre des mots dans une négociation qui a bien mal démarré et qui risque de s'aggraver au cours des prochaines semaines.

Le président du Tricolore et son directeur général ont insisté sur ce que vous savez tous que le hockey est malade, qu'il a besoin d'un plafond salarial ou si vous préférez d'un contrôle des salaires versus les revenus générés par l'entreprise du hockey. Qu'il n'y a pas d'autres solutions pour remédier à la situation, ajoutant que le Canadien accusait des pertes de plus de $10 millions par saison depuis quelques années.

Dans toutes les villes de la Ligue nationale, les propriétaires ont été invités à faire le même exercice et il est clair que, contrairement à 1994, ils ont pris les moyens pour atteindre leurs objectifs et si les joueurs croient que les proprios baisseront le bouclier d'ici quelques mois, il s'agit alors d'un pari audacieux. Les propriétaires ont les yeux sur le modèle de la NFL, on le devine facilement lorsqu'ils parlent d'un contrôle des dépenses. Ils pourraient éventuellement soulever la clause de « l'impasse » en dernier ressort et s'accorder le droit d'imposer unilatéralement un plafond salarial, comme l'avaient fait les propriétaires de la NFL, il y a plusieurs années.

Pour le moment, ils souhaitent que les joueurs reconnaissent que le succès d'une entreprise sportive aujourd'hui passe par un partenariat solide, un partenariat qui a permis à la NFL de produire les résultats suivants au cours des 10 dernières années.

1994 2004
Nombres d'équipes 28 32
$ des billets (moyenne) 30,83 $ 54,75 $
Salaire moyen 627 000 $ 1 260 000 $ (2003)
Plus haut salarié John Elway Brian Urlacher
4 648 000 $ 15 055 600 $ (2003)
Plus bas salaire 108 000 $ 230 000 $
+ haute masse salariale 42 901 600 $ 95 103 750 $ (2003)
Washington Nouvelle-Orléans
+ basse masse salariale 31 349 900 $ 53 849 750 $
Pittsburgh Cleveland
Plafond salarial 34 600 000 $ 78 780 000 $ 2003)
Assistance moyenne 60 079 66 328

Des chiffres qui donnent raison à ceux qui prônent le fameux plafond salarial à l'intérieur d'un partenariat où 64% des revenus générés par les équipes de la ligue sont consacrés aux salaires des joueurs.

Sur ce plan, il faut préciser par ailleurs que la Ligue nationale de football n'offre pas de contrat garanti. Le joueur peut signer un contrat de plusieurs saisons, la totalité de l'entente dépend évidemment des performances de l'athlète.

Une telle structure financière a été réalisée sans pour autant y laisser des séquelles. Il a fallu plusieurs années pour panser les plaies. On se souviendra que les propriétaires avaient imposé le plafond salarial et que l'Association des joueurs de la LNF avait à son tour voté pour la grève. La NFL avait alors eu recours à des scabs et c'est finalement l'intervention de John Elway auprès des autres joueurs pour relancer les discussions et en arriver à une entente.

Depuis, la NFL n'a pas cessé de grandir. Elle vient d'atteindre des sommets inespérés en terme de revenus. Le système est loin d'être parfait sauf que le produit ne se détériore pas au contraire. Damphousse soulignait hier qu'il contestait un tel concept : « Regardez ce qui est arrivé à Emmet Smith, à Ed George, Jerry Rice, ils ont tous les deux été congédiés par leur formation. » Mais ils ont trouvé preneur ailleurs.

Je ne sais pas si les propriétaires de la LNH parviendront à créer un tel système économique mais ils semblent bien déterminés à tenter leurs chances.