Un joueur qui parvient à mériter une place au sein d'Équipe Canada junior a passé à travers un long processus qui a commencé il y a quelques mois lors du pré-camp estival et qui regroupait une soixantaine des meilleurs juniors au pays.

Le bassin de joueurs pour l'équipe nationale est vaste. Au Canada seulement, il y a 60 équipes juniors en plus des joueurs canadiens qui évoluent dans la NCAA aux États-Unis. C'est donc la crème de la crème que l'on retrouvait au camp estival et ceux qui ont mérité une place cette semaine ont dû surmonter beaucoup de stress.

Le camp estival permet aux dirigeants de l'équipe de déterminer quel type de joueur il s'agit. Le joueur est mis à l'épreuve dans différentes situations qui détermineront de quelle façon l'athlète sera utile à l'équipe. Par exemple, on ne retrouvera pas six défenseurs à caractère offensif au sein de la même équipe. Il y en aura aussi des joueurs qui seront plus physiques ou plus défensifs. C'est la même chose aux autres positions. Après ce camp estival, le joueur est suivi par l'équipe nationale en septembre, octobre et novembre. Il s'agit d'une courte période au cours de laquelle la marge de manoeuvre des joueurs est courte.

L'objectif des dirigeants d'ECJ est de mettre sur la glace la meilleure équipe mais pas nécessairement avec les meilleurs joueurs présents au camp. Il s'agit de dénicher les meilleurs joueurs dans des créneaux particuliers. Ça prend aussi des spécialistes pour gagner des mises en jeu et pas seulement des marqueurs. Malheureusement, il y a tellement de talent qu'on pourrait faire deux équipes pour le championnat du monde. On pourrait avoir une équipe A et une équipe B et je suis persuadé que l'équipe A et B pourrait gagner l'or et l'argent et pas necessairement dans l'ordre.

Le camp final d'évaluation n'était pas un camp de développement, c'était un camp pour déterminer quels joueurs pouvaient aider l'équipe à gagner sur une courte période.

Beaucoup de joueurs qui défendront les couleurs du Canada auront une belle carrière dans la LNH alors qu'il y en aura d'autres qui ne joueront jamais chez les professionnels. J'ai déjà vu des joueurs retranchés de l'équipe nationale junior et connaître une belle carrière dans la LNH. D'autres qui avaient été sélectionnés n'ont pas atteint la grande ligue.

Les joueurs sélectionnés vont maintenant oublier leur rang de repêchage dans la LNH ou encore leur club junior. Tout le monde voudra gagner l'or car personne ne voudra se voir étiqueter comme ayant fait partie de l'équipe du Canada qui n'a pas eu de succès. Aucun d'entre eux ne voudra être le dindon de la farce.

Le Canada a tellement eu de succès par le passé qu'on prend parfois la médaille d'or pour acquise. Quand le Canada ne repart pas avec l'or au cou, tout le monde se fait planter. Les joueurs ne veulent pas faire partie du groupe qui a échoué, ce qui génère un gros stress pour un jeune homme. Pour eux, il s'agira sans doute de l'épisode le plus stressant qu'ils auront jamais vécu. Pour ajouter leur stress, le tournoi a lieu au Canada.

J'ai eu l'honneur de porter les couleurs d'Équipe Canada junior deux fois et de gagner l'or à deux occasions; en 1993 à Falun et Gävle en Suède et 1994 à Frýdek-Místek en République tchèque. Nous, nous étions tissés serrés et il n'y avait pas de distraction. En Europe, on pouvait par contre se sentir seul. La dynamique sera différente pour les jeunes de l'édition actuelle.

Mais, c'est bonnet blanc, blanc bonnet pour les joueurs de cette année qui vont jouer devant une foule partisane. Durant le championnat, les joueurs canadiens se feront dire qu'ils sont beaux, bons et qu'ils vont gagner l'or. Pour ces jeunes, il s'agira d'un tournoi intense où il y aura beaucoup d'émotion.

Le stress de faire l'équipe est maintenant évacué. Pour ces jeunes, ils viennent de traverser une belle épreuve, qu'ils vivront à nouveau s'ils aspirent à faire une carrière professionnelle. Les joueurs pourront aussi s'auto-évaluer et les équipes professionnelles pourront voir ce que le joueur a dans les tripes. Les clubs de la LNH vont aussi regarder comment vont réagir les joueurs retranchés à leur retour avec leur club junior. Ce sont des épreuves de vie qui devraient permettre à un joueur de grandir et de s'améliorer.

Esposito : détermination, leadership et maturité

Il est remarquable pour Angelo Esposito de s'être taillé une place au sein de l'équipe nationale après avoir été retranché trois fois. Mentalement, il a vécu des émotions qu'aucun autre joueur n'a vécues avant lui. Actuellement, il vit les beaux côtés de faire partie de l'équipe nationale.

Personne n'a vécu ce que ce jeune homme a vécu. Très jeune, il a été catalogué comme le premier espoir professionnel. Angelo a déjà connu des déceptions mais pour nous maintenant, il est un exemple de détermination, de leadership et de maturité.

Angelo a obligé les dirigeants de l'équipe nationale à rouvrir leurs yeux, eux qui n'avaient même pas cru bon l'inviter pour le camp estival. Il est beaucoup plus constant. De plus, il est un jeune homme très respectueux de ses coéquipiers, de ses entraîneurs et des partisans. Ça ne peut donc pas arriver à un meilleur bon gars. Il ne voulait pas être celui qui a été retranché quatre fois.

Angelo a déjà moins de pression sur les épaules. Maintenant, il se retrouve dans son élément. Il jouera bien le rôle qu'on voudra lui confier. Il fait parti de l'équipe du Canada et j'espère qu'il remportera l'or. Il n'a pas besoin d'être le meilleur pointeur du club pour prouver aux gens qu'il mérite sa place au sein de la formation.

Chapeau à lui. Il est facile pour nous à dire n'importe quoi à son sujet mais je peux vous assurer qu'il y a peu de monde qui aurait été capable de passer au travers et d'aller performer lors de cet exténuant camp final de sélection.

*propos recueillis par Robert Latendresse