PYEONGCHANG, République de Corée - Alex Harvey est resté prudent devant les révélations explosives du quotidien Sunday Times et du radiodiffuseur allemand ARD quant à l'ampleur du dopage dans le ski de fond entre 2001 et 2010.

En matinée, ces médias avaient rapporté une fuite de données émanant de la Fédération internationale de ski (FIS) qui montre que pas moins de 13 fondeurs provenant de différents pays présents sur la ligne de départ aux Jeux de Sotchi avaient déjà fait l'objet de tests sanguins indiquant qu'ils pouvaient s'être dopés.

Sept des treize athlètes soupçonnés affichaient des paramètres hématologiques qui avaient moins d'une chance sur 1000 d'être naturels. Pourtant, aucun d'entre eux n'a déjà été sanctionné pour dopage.

Harvey, qui n'en savait rien, a tout de même admis être étonné.

« Je sais qu'il y a une limite aux paramètres hématologiques, et que même si tu la dépasses, c'est possible que ce soit naturel, a-t-il expliqué. Maintenant, avec le passeport biologique (instauré en 2012), il n'y a plus de limites. Elles sont adaptées selon chaque individu, et en fonction des résultats étalés sur plusieurs années. Si les résultats s'inscrivent dans ta tendance à toi, alors il n'y a pas de problème. »

Son compatriote Devon Kershaw a d'ailleurs rappelé que ces résultats ne veulent pas automatiquement dire que les athlètes ciblés sont tous coupables. Il cite en exemple son ex-coéquipier aux Jeux de Turin en 2006, Sean Crooks.

« Je sais que Sean avait des paramètres hématologiques élevés durant les Jeux à Turin, mais je suis un de ses bons amis et j'ai fait de nombreux tests sanguins avec lui au fil des ans (parfois entre cinq et six par année sur 10 ans) et il affichait toujours des paramètres élevés, a-t-il expliqué. On ne peut donc pas dire que parce que ton nom se retrouve dans ces fuites de la FIS, alors tu es automatiquement coupable. Il faut faire attention. »

La base de données de la FIS contiendrait plus de 10 000 résultats de tests sanguins effectués auprès de 2000 fondeurs entre 2001 et 2010, ce qui soulève de sérieuses questions sur la prévalence de la triche dans les sports d'hiver depuis de nombreuses années. Beaucoup de ceux testés sont toujours actifs.

Le Canada ne serait pas en reste puisque selon le quotidien, pas moins d'une dizaine de fondeurs du pays auraient affiché des taux anormalement élevés pendant cette période. Harvey, qui a entamé sa carrière sur le circuit de la Coupe du monde en 2008, assure qu'il n'en savait rien.

« À ma connaissance, non, mais c'est possible parce que je ne suis pas avec eux 365 jours par année, a-t-il dit. Mais selon moi, non, et de toute façon mes premiers Jeux étaient à Vancouver en 2010. »

D'ailleurs, selon Harvey, il n'est pas inhabituel de rencontrer des fondeurs qui affichent naturellement des paramètres hématologiques anormaux dans le sang. Selon lui, c'est d'ailleurs pour cette raison que la plupart des camps d'entraînement des fondeurs se déroulent en altitude, dont le sien, à Val di Fiemme en Italie, avant les Jeux de PyeongChang.

En ce sens, il ne s'inquiète pas de la possibilité que des fondeurs soient dopés aux Jeux de PyeongChang.

« Tu ne peux rien garantir, mais je crois que les athlètes dopés seront absents de ces jeux, a-t-il mentionné. Je le crois fermement. Premièrement, parce que les athlètes suspects sont suspendus, et ensuite parce que ces sanctions ont eu un effet disuasif sur ceux qui pourraient songer à se doper. C'est un message fort, et c'est ça la plus grande victoire des autres athlètes propres. »

Une décision qui redonne espoir

D'autre part, Harvey a applaudi la décision du Comité international olympique de ne pas inviter les athlètes russes blanchis par le Tribunal arbitral du sport aux Jeux de PyeongChang, sans toutefois les condamner complètement.

« Si on regarde tout ce qui s'est produit dans les huit derniers mois, je crois que c'est (leur décision) justifié », a d'abord évoqué Harvey, qui étudie également le droit en parallèle de sa carrière sportive. La Russie est suspendue des Jeux, et leurs athlètes qui y participeront le feront en vertu d'une invitation.

« Vous savez, les Jeux olympiques, ce n'est pas un droit fondamental, a-t-il poursuivi. Personne ici ne clame qu'il a le droit de participer aux Jeux. Il faut se qualifier, remplir les standards et répondre aux critères, parmi lesquels il faut démontrer que tu n'es pas dopé, ni associé à un entraîneur qui a participé à une opération de dopage. »

Harvey, de St-Ferréol-les-Neiges, s'est exprimé à peine 24 heures après que le CIO eut annoncé qu'il n'inviterait pas les 13 athlètes russes et deux entraîneurs, bannis pour dopage puis blanchis jeudi dernier par le Tribunal arbitral du sport (TAS), aux jeux de 2018.

Selon le fondeur âgé de 29 ans, la décision du CIO était devenue un mal nécessaire, afin « de redonner espoir aux athlètes russes ».

« À un certain moment, des décisions doivent être prises pour changer le futur de ces athlètes-là, parce que certains d'entre eux sont pris dans un système où ils n'ont pas le choix de se doper ou non. S'ils veulent faire partie de l'équipe, ils faut qu'ils suivent les conseils du médecin de l'équipe. Il faut donc changer le cours des choses, et ça prend parfois des mesures draconiennes, et je pense que celles qui ont été prises (par le CIO) sont les bonnes », a-t-il conclu.