MONTRÉAL - Quand il s'est retiré, en 2002, Bruny Surin a dit vouloir demeurer impliqué. En étant nommé chef de mission du Canada pour les Jeux olympiques de Paris, en 2024, il réalise rien de moins qu'un rêve... qui a mis du temps à se concrétiser.

« Ça fait plusieurs années. Ça ne s'est pas fait en un ou deux ans. Ça fait au moins une dizaine d'années que je démontrais mon intérêt, a-t-il dit vendredi à la Maison olympique de Montréal, où le Comité olympique canadien (COC) a confirmé sa nomination. Ç'a été long, mais je n'ai pas lâché. Finalement, pouf! C'est fait! Paris ne pouvait pas mieux tomber. »

Le Québécois de 54 ans ne pouvait pas espérer mieux comme expérience de chef de mission que de vivre les Jeux de Paris, ville dont il est grandement entiché.

« Paris, ça colle à moi! J'adore Paris! Quand j'étais athlète, j'allais à Paris presque chaque année. Chaque compétition en France, je les ai presque toutes faites. Je pars pour la France ce soir; j'y retournerai dans deux semaines pour assister à des matchs à Roland-Garros. On sait comment sont les Français: tout est gros. Les Jeux olympiques seront magiques! »

Le COC n'a pas caché qu'il allait de soi qu'il ait un chef de mission francophone pour ces Jeux.

« Quand je parle d'avoir la bonne personne au bon endroit, pour nous, Bruny et Paris, je mets quiconque au défi de remettre en question cette nomination », a indiqué le chef des sports du COC, Éric Myles.

Ça fait plusieurs mois, voire quelques années, que le COC a Surin dans sa mire. Il a même été pressenti pour les Jeux de Tokyo, où la rameuse Marnie McBean avait été nommée.

« Ce qu'on a fait dans ce processus-ci, c'est qu'on avait intégré notre décision pour Paris dans le processus pour Tokyo. On a regardé les deux Jeux, dans l'ensemble, pour identifier les bons candidats », a précisé Myles.

Le COC est d'ailleurs très fier que Surin ait accepté leur offre.

« Son style de leadership est très collaboratif; il travaille en équipe. Il l'a démontré comme athlète et dans tout ce qu'il a entrepris par la suite, que ce soit en affaires ou avec sa fondation, a noté la présidente de l'organisme, Tricia Smith. Nous, au COC, tentons d'être tout ce qu'il est: de bons partenaires, des bons appuis aux athlètes. »

Surin est au courant depuis plusieurs mois et le secret a été très difficile à garder, autant pour lui que pour la direction du COC.

« Ç'a été très difficile de ne pas en parler. Je n'ai jamais failli m'échapper, mais je peux vous dire que je relançais chaque jour le COC », a dit Surin.

« Ç'a été un secret très difficile à garder, car nous sommes si excités de l'avoir comme chef de mission, a renchéri Smith. Je l'ai vu en action pour la première fois à Buenos Aires et il est tellement bon avec les athlètes. Il attire les gens: il marche le long de la rue et les gens courent à sa rencontre. Il est inspirant, et il sera un excellent chef de mission. »

Il compte rencontrer tous les athlètes canadiens d'ici l'ouverture des Jeux de Paris.

« Je peux voir tous les aspects: les jeunes qui vivent un rêve à leurs premiers Jeux olympiques, ou l'athlète qui sera plus stressé parce qu'il est un espoir de médaille. Ce sont toutes des situations que j'ai vécues. En toute humilité, qu'ils vivent une bonne ou une mauvaise expérience, je peux avoir cette conversation avec eux et comprendre leur situation », a-t-il évoqué.

« La relation avec les athlètes, c'est la clé, a poursuivi Surin. J'ai dit au COC que j'avais l'intention de m'investir dès maintenant afin d'essayer de connaître le plus d'athlètes possible. Je vais me rendre aux compétitions, je veux connaître leurs parents, leurs entraîneurs, leur environnement. Et le plus important, c'est de leur demander quelle est la situation optimale pour livrer leur plein potentiel à Paris. Dans la mesure du possible, je vais m'organiser pour que les athlètes aient tout ça. »

Parcours exceptionnel

L'ex-sprinter a participé quatre fois aux Jeux olympiques: à Séoul (au saut en longueur, en 1988), Barcelone (1992), Atlanta (1996) et Sydney (2000).

Il a fait partie du mythique relais canadien ayant remporté l'or au 4x100 m des Jeux d'Atlanta, en compagnie de Donovan Bailey, Glenroy Gilbert, Robert Esmie et Carlton Chambers.

Surin a également remporté deux titres mondiaux au relais 4x100 m, en 1995 et 1997, en plus de terminer troisième en 1993. Il est aussi monté sur le podium des Championnats du monde deux fois au 100 m, remportant l'argent en 1995 et 1999.

Son temps de 9,84 secondes réussi en 1999 lui avait permis d'égaler le record canadien, établi par Bailey pour remporter l'or olympique à Atlanta. Cette marque tient toujours et constitue à ce jour le 16e temps le plus rapide de l'histoire sur cette distance. Il espère qu'Andre De Grasse sera en mesure de le battre bientôt.

« Peut-être cet été, aux Championnats du monde? Les records sont faits pour être battus et quand je me suis retiré, j'ai dit ouvertement que j'avais hâte de voir quel jeune sprinter allait le battre, a indiqué Surin. J'ai même dit que j'aimerais que ce soit un Québécois, et que je suis prêt à faire tout ce que je peux pour aider. »

Surin est aussi un double médaillé des Jeux du Commonwealth. Il a remporté le bronze au 100 m en 1990 et l'or au relais 4x100 m en 1994.

Il a été intronisé au Temple de la renommée olympique du Canada et au Panthéon des sports du Québec en 2004, ainsi qu'au Panthéon des sports canadiens en 2008, en même temps que ses coéquipiers du relais d'Atlanta.

Surin a été le chef de mission d'Équipe Canada aux Jeux olympiques de la jeunesse en 2018, à Buenos Aires, en Argentine.

Né à 1967 au Cap-Haïtien, Surin et sa famille ont émigré au Canada en 1975, alors qu'il était âgé de 8 ans. Après avoir goûté au basketball, il s'est rapidement tourné vers l'athlétisme, où il est remarqué par l'entraîneur Daniel St-Hilaire.

S'il pratique le saut en longueur et le triple saut à ses débuts, des ennuis aux chevilles poussent l'un de ses entraîneurs à lui suggérer de se concentrer sur les épreuves de sprint. Le choix s'avéra des plus judicieux.

Surin est aujourd'hui entrepreneur, conférencier et philanthrope grâce à la Fondation Bruny-Surin.