ZHANGJIAKOU, Chine - Tout juste avant qu'il ne s'installe dans le portillon de départ, Mikaël Kingsbury a vu l'Américain Bradley Wilson être déporté dans la portion médiane du parcours. Un peu plus tôt, il avait été témoin d'une rare mauvaise descente du Japonais Ikuma Horishima, qui, voulant trop pousser, a mésestimé la hauteur de son deuxième saut pour conclure au 16e rang cette première séance de qualifications de la compétition de bosses des Jeux olympiques de Pékin.

Kingsbury, champion olympique en titre, voyait bien que la piste du Parc à neige de Genting, dans les montagnes de Zhangjiakou, ne pardonnerait pas la moindre erreur par ce jeudi soir extrêmement froid et venteux. Il a choisi la prudence. Il a été récompensé par une première place, qui lui permettra d'éviter la Q2, samedi.

Le bosseur de 29 ans, aussi médaillé d'argent à Sotchi, a réussi un périlleux arrière avec vrille en haut de la piste et a attaqué avec modération la portion médiane. Son deuxième saut, un périlleux désaxé avec double vrille skis croisés, a été proprement atterri pour lui permettre de récolter 81,15 points de la part des juges et de devancer par plus de deux points le Suédois Walter Wallberg.

« C'est cool de casser la glace et d'être en première position. [...] Je n'ai pas essayé de trop en faire. Ça aurait été stupide de pousser, a-t-il expliqué aux scribes frigorifiés. Je sais que j'ai encore du jus en vitesse, j'ai encore deux sauts plus difficiles à faire, je peux mieux skier. Mais pour aujourd'hui, avec les conditions qu'on avait, je suis vraiment satisfait. »

« C'est dur comme de la roche, les bosses sont carrées. Mais Mik a grandi dans des bosses de glace, a plus tard rappelé l'entraîneur de l'équipe nationale, Michel Hamelin. Tous ceux qui ont tenté de pousser ont fait des erreurs majeures; certains ne se sont pas rendus en bas. Mik a analysé ça, on peut voir les descentes en haut, et il a dit : `Je vais atterrir mon top air (le saut du haut) et je vais 'chiller out'. Il s'est mis dans une position un peu plus neutre, ce qui aide à absorber les bosses. Il a fait ça tout le long.

« Ce qui est fou, c'est qu'il ne se rappelait pas de sa descente en franchissant le fil d'arrivée. Ça veut dire qu'il était vraiment très concentré. »

Sans dire qu'il s'est ménagé, Kingsbury ne visait qu'à accéder directement à la finale 1. L'information fournie par ses adversaires, il s'est élancé 24e sur 30, lui a permis de moduler sa descente.

« Ça ne donnait rien de faire des sauts à plus gros degré de difficultés. Je ne voulais pas gagner cette ronde. Tant mieux que je puisse me retrouver le plus haut possible. »

La soirée a été plus difficile pour Laurent Dumais. ses premiers JO, le bosseur de Québec s'est retrouvé en déséquilibre dès son premier saut et n'a jamais pu s'en remettre, terminant en 24e place.

« Laurent semblait peut-être un peu nerveux, tendu à cette première participation olympique », a expliqué Hamelin. Furieux, Dumais ne s'est pas arrêté dans la zone mixte.

Quant à Horishima, Kingsbury ne le compte pas pour battu.

« Je suis un peu surpris, mais je ne l'ai pas vu souvent sur le parcours ces derniers jours, a-t-il noté. C'est peut-être une erreur due au fait qu'il n'a pas pris le saut du bas assez souvent et qu'il est allé trop gros. Je ne sais pas. Ce que je sais, c'est qu'Ikuma va en sortir une bonne en Q2, qu'il va faire partie des finales et qu'il risque de se rendre loin. Je ne prends rien pour acquis. »

Justine en finale

Chez les dames, Justine Dufour-Lapointe s'est également qualifiée directement pour la finale 1 en prenant la 10e et dernière place y donnant accès, tout juste devant sa s?ur Chloé. Sofiane Gagnon a quant à elle terminé en 14e place.

Justine, championne olympique des Jeux de Sotchi et médaillée d'argent à Pyeongchang, a pu se qualifier avec une descente très propre, particulièrement dans la portion du milieu de parcours. Le manque d'amplitude dans son premier saut lui a coûté de précieux points dans cette séance très relevée, dominée par l'Australienne Jakara Anthony (83,75 points), troisième au classement mondial.

Chloé et Gagnon ont aussi offert des descentes de belle qualité, mais elles ont toutes deux connu de petites ratées à l'atterrissage de leur deuxième saut, alors qu'il fallait être parfaite ce jeudi pour se faufiler parmi le top-10.

« Sofiane aussi était nerveuse, a indiqué Hamelin. Mais on est vraiment content de sa position. Elle a fait une belle descente. »

« En arrivant, j'étais vraiment impressionnée par tout ce que je voyais ici, a admis la Britanno-Colombienne. Mais au fur et à mesure qu'on s'approchait de la compétition, je retrouvais ma concentration.

« J'ai été un peu surprise d'être invitée à la dernière minute (elle n'a obtenu sa place qu'à la suite d'une réallocation des quotas au sein des cinq disciplines formant le ski acrobatique), mais je crois que c'est arrivé pour une raison. Ça m'a beaucoup motivée: je voulais prouver qu'en me donnant cette place, on ne l'avait pas gaspillée. »

Les Jeux de Pékin ne sont pas terminés pour Chloé, Gagnon et Dumais. Contrairement à la formule utilisée en Coupe du monde, les bosseurs ont deux occasions de se qualifier pour les finales. Ceux qui n'ont pas terminé parmi les 10 premiers ce jeudi auront l'occasion de se reprendre samedi (messieurs) ou dimanche (dames). Une deuxième séance de qualification permettra à 10 skieurs de plus d'accéder à cette première phase finale.

De ces 20 bosseurs de la finale 1, les 12 meilleurs accéderont au tour suivant, ou finale 2. Les six premiers se qualifieront pour la super-finale, afin de se disputer une place sur le podium.