Les athlètes canadiens le répètent, leur phobie à quelques semaines du début des Jeux olympiques de Pékin est d'attraper la COVID-19.

Il ne faut toutefois pas en faire une maladie, croit le préparateur mental Jean-François Ménard, qui travaille notamment avec le skieur acrobatique Mikaël Kingsbury et les planchistes Maxence Parrot et Éliot Grondin.

« Ça me fait peur quand j'entends des athlètes dire en entrevue que leur objectif premier est de ne pas attraper la COVID, a confié Ménard lors d'un entretien téléphonique avec La Presse Canadienne. Je crois que ça sous-entend qu'ils ne se soucient pas assez de leur préparation à affronter toutes les petites choses que les Jeux impliquent - qui n'ont rien à voir avec la COVID - et qui pourraient les distraire mentalement. »

« L'objectif premier est d'avoir une tête qui est confiante et concentrée pour aller gagner. Je répète aux athlètes de laisser leurs compétiteurs s'inquiéter de la COVID. Laissez-les perdre de l'énergie et être distrait avec ça, a ajouté celui qui est qui est également conférencier et auteur du bestseller 'L'Olympien au bureau'. Nous, nous allons là-bas pour gagner. C'est quelque chose qu'il faut se rappeler. »

Cela ne veut toutefois pas dire que les Olympiens n'ont pas à suivre à la lettre les consignes en matière de prévention.

Kingsbury a rappelé la semaine dernière avant la Coupe du monde de ski acrobatique à Tremblant qu'il était déjà en isolement afin de limiter les risques d'être infecté par le coronavirus. Le patineur de vitesse Laurent Dubreuil a également noté en entrevue qu'il ne voyait plus que sa famille, son entraîneur et un coéquipier, lui aussi qualifié pour les Jeux de Pékin.

La conjointe de Dubreuil, qui est enseignante, prendra même une semaine de congé pour éviter de retourner en classe avant le départ de Dubreuil vers Pékin.

L'importance des « bulles »

Certains athlètes déjà qualifiés pour les Olympiques ont même fait une croix sur des compétitions à l'étranger pour maximiser leur chance de se rendre à Pékin. Ceux qui doivent y participer dans l'espoir de se qualifier n'ont d'autres choix que de courir le risque d'être infectés lors du déplacement ou sur le site de compétition.

« Nous devons nous dire que ce que nous faisons va continuer de fonctionner, a noté l'entraîneur des équipes NextGen et du Québec de saut acrobatique et ancien Olympien, Nicolas Fontaine. Même si le variant est plus contagieux, si nos continuons à faire attention en portant notre masque tout le temps, à rester dans nos bulles et tout le reste, nous devrions être corrects. Mais c'est sûr que c'est plus stressant présentement à cause des Olympiques. »

Ménard ne croit pas que l'isolement au cours des semaines menant au départ vers Pékin aura des répercussions négatives sur les performances des athlètes. Au contraire, il souligne qu'il s'agissait-là d'un bien petit compromis, rappelant que jusqu'à l'été dernier, les athlètes devaient faire une quarantaine obligatoire de deux semaines à chacun de leur retour au Canada.

« Nous avons calculé et j'ai des athlètes qui ont fait l'équivalent de presque quatre ou cinq mois de quarantaine depuis deux ans! C'est hallucinant! »

« Donc les efforts demandés pour quelques semaines avant le départ pour Pékin sont minimes comparativement à ce qu'ils ont vécu depuis deux ans, a-t-il mentionné. Et au contraire, ça demande une discipline supplémentaire qui va forcer les athlètes à être encore plus concentrés. »

« De toute façon, nous sommes tous dans le même bateau. J'ai des collègues en France, en Suède et aux États-Unis et ils font tous face aux mêmes enjeux. Ce n'est pas une situation unique au Canada. »

« Ne pas lever le pied »

Le Comité international olympique a confirmé seulement la semaine dernière que les Jeux de Pékin auraient bel et bien lieu à compter du 4 février. La situation avait été semblable avant les Jeux de Tokyo, qui ont été confirmés en juin, avant de s'ouvrir le 23 juillet.

Ménard, qui a également travaillé avec Damian Warner et Laurence Vincent-Lapointe lors des Jeux de Tokyo, croit que le plus important pour les athlètes est de ne jamais avoir levé le pied de l'accélérateur malgré l'incertitude entourant la présentation des Olympiques.

« Mon message était de dire à mes athlètes de se préparer comme si les Jeux avaient lieu, parce que si jamais vous leviez le pied de l'accélérateur, si vous décidiez de prendre une pause parce qu'il était possible que les Jeux n'aient pas lieu et qu'ils avaient finalement lieu, vous alliez le regretter le restant de vos jours, a-t-il raconté. Et à l'inverse, si vous ne leviez jamais le pied, que vous poussiez, que vous restiez motivés et que les Jeux n'avaient pas lieu, oui ce serait frustrant, mais vous n'alliez rien regretter. »

Et d'une certaine façon, si un athlète devait rater les Jeux de Pékin en raison de la COVID-19, ce ne serait pas vraiment différent que s'il devait faire une croix sur cet événement en raison d'une blessure subie à l'entraînement ou lors d'une compétition dans les semaines avant les Olympiques.