PARIS - Le relais de la flamme olympique à Paris a tourné au fiasco. C'est avec d'immenses difficultés que la torche, éteinte et mise à l'abri dans un autocar à plusieurs reprises lundi par les organisateurs, a finalement atteint le Stade Charléty, en bordure sud de la capitale, à l'issue d'un parcours émaillé de très nombreux incidents, et dont les dernières étapes ont tout simplement été annulées.

Selon un premier bilan livré par une source policière, 28 personnes ont été interpellées au long du parcours, où on a pu observer des heurts parfois très francs entre forces de l'ordre et manifestants, qui ont répondu nombreux aux appels des associations à protester contre la situation au Tibet et les atteintes aux droits de l'Homme en Chine.

En raison des perturbations causées par les manifestants, la torche a dû être éteinte en tout au moins cinq fois, mise à l'abri dans un autocar qui transportait également la lampe olympique. Finalement, les organisateurs ont décidé de couper court au relais. Le dernier quart du parcours a été effectué en bus, et seulement les derniers mètres à pied, avant qu'Amélie Cazé, championne du monde de pentathlon et ultime relayeuse, puisse allumer la vasque vers 17h30 à Charléty.

"Je suis dégoûté...", a simplement commenté le président de la commission des athlètes du Comité national olympique et sportif français (CNOSF).

"Je ne pense pas qu'on puisse faire avancer les choses sans communication, sans exposition, sans main tendue, sans comprendre l'autre", a déclaré pour sa part dans la matinée Jean-Claude Killy, multiple champion olympique de ski et membre français du CIO.

Mais des milliers de personnes se sont rassemblées dans les rues de la capitale lundi, dont plusieurs centaines étaient déjà présentes sur le parvis des droits de l'Homme au Trocadéro avant le début du relais, avec le champion du monde du 400m haies Stéphane Diagana parti du premier étage de la Tour Eiffel, juste en face, un peu avant 12h30.

Le premier incident est intervenu avant même que le coureur n'ait pu quitter l'édifice: l'élu Vert de Paris Sylvain Garel a tenté de bloquer sa progression en criant "liberté pour les Chinois". Il a été maintenu à l'écart par les forces de l'ordre.

Alors que la torche était éteinte pour la première fois et mise à l'abri dans l'autocar pas plus d'un kilomètre plus loin en raison de l'intervention de manifestants pro-tibétains, Reporters sans Frontières (RSF) trompait la vigilance des forces de sécurité pour la première fois en escaladant le pilier nord de la Tour Eiffel et en accrochant au premier étage une bannière arborant leur désormais célèbre logo aux anneaux olympiques en forme de menottes. Ils récidivaient dans l'après-midi avec une banderole semblable sur la façade de la cathédrale Notre-Dame.

Quelque 3000 policiers étaient mobilisés pour escorter la flamme sur son parcours de 28 kilomètres qui devait être effectué par 80 athlètes relayeurs. Les porteurs de flamme devaient être protégés par plusieurs centaines de policiers, certains à bord de véhicules anti-émeutes et d'autres à moto ou à pied. Trois bateaux patrouillaient sur la Seine, tandis qu'un hélicoptère survolait Paris.

Cet important dispositif policier n'a pas empêché les manifestants, munis pour nombre d'entre eux de drapeaux tibétains ou de drapeaux du logo de RSF, de tenter de passer outre les cordons de sécurité et de bloquer le passage des relayeurs, traités parfois même d'"égoistes" par les activistes, selon des journalistes de l'Associated Press présents sur le terrain. Ils ont fait l'objet d'interventions policières parfois musclées. Les policiers ont également usé de gaz lacrymogène au moins une fois, contre environ 300 manifestants qui s'étaient assis sur le parcours.

Au passage de la procession, des banderoles ont été déployées sur de nombreux immeubles. La mairie de Bertrand Delanoë avait orné sa façade d'un "Paris défend les droits de l'Homme partout dans le monde", alors que l'Assemblée nationale, où 35 députés ont même manifesté en chantant, entre autres, "La Marseillaise", a été plus loin en affichant une bannière frappée des mots "Respect des droits de l'Homme en Chine", alors que la séance avait été suspendue pendant une demi-heure.

Mais les députés n'ont pu apercevoir la flamme, déjà réfugiée, pour la cinquième fois, dans l'autocar sous lourde escorte.

"On a l'impression que c'était un défilé militaire", a remarqué le président du groupe socialiste Jean-Marc Ayrault.

Après les derniers discours devant le siège du CNOSF, protégé des manifestants par les forces de l'ordre, la flamme devait s'envoler en soirée vers San Francisco, prochaine étape du relais mondial qui, décidément, à en juger des réactions à Paris et à Londres, a du mal à faire l'unanimité.