21 ans, c’est l’âge de la légalité universelle et, pour de nombreux étudiants, le passage ardu sur les bancs universitaires. Le début de la vie adulte, un monde de possibilités, d’espoir et de découvertes.

21 ans, c’est aussi la durée de la carrière de Geneviève Goulet qui, avec la sagesse et le recul des 38 bougies sur son dernier gâteau d’anniversaire, peut regarder son parcours entre les câbles et pousser un long soupir de satisfaction – même si elle n’est pas encore à l’étape d’accrocher ses bottes.

Lufisto, une pionnière de la lutte québécoise

Connue sous le nom de Lufisto sur la scène indépendante, la lutteuse québécoise roule encore sa bosse très activement malgré une année 2018 plus tumultueuse sur le plan personnel.

Elle a profité d’un de ses rares passages à Montréal pour venir nous rendre visite dans les studios de la Lutte à RDS2 et, même sans être familier avec elle avant cette rencontre, je sentais le poids des derniers mois sur ses épaules pourtant accoutumées aux mauvais traitements des années passées dans le ring. La Lufisto qui est venue nous rendre visite, loin des feux de la rampe, n’avait pas la même hargne qu’on lui connaît lorsqu’elle enfile ses bas résille et ses bottines de lutte.

Ceci dit, lui reprocher cette apparente fatigue serait d’une malhonnêteté qui ne rendrait pas service à l’ampleur de sa contribution à la scène de la lutte féminine québécoise.

En début d’année, le jour après son 38e anniversaire, Lufisto annonçait à ses fans qu’elle devait composer avec une forme de cancer du col utérin en plus de jongler avec des épisodes dépressifs. On a connu des fêtes plus heureuses, assurément, mais Goulet est restée fidèle à sa carrière entre les câbles et elle a affronté l’épreuve avec un couteau entre les dents. Depuis, elle est passée sous le bistouri pour retirer les cellules cancéreuses et elle est retournée dans le ring comme elle le fait chaque semaine depuis deux décennies. Que ce soit en Pennsylvanie, où elle réside avec son mari et avec qui elle opère la Atomic Championship Wrestling, ou partout sur le territoire dans de multiples fédérations qui profitent de l’expérience et de la polyvalence de Lufisto entre les câbles.

Lufisto (montage)

Elle a été autant une championne féminine servant à remonter le grade des plus jeunes qu’une farouche combattante chez les hommes dans les combats les plus extrêmes. En 21 ans, l’ancienne Precious Lucy au look inspiré des mangas japonais à tout vu dans le ring et à l’extérieur de celui-ci. Certains diront même qu'elle en a trop vu, mais dans une pratique aussi compétitive que la lutte professionnelle, l'expérience est une alliée précieuse.

Son retour au Canada la semaine dernière afin d'y lutter pour la première fois en quatre ans avait un petit quelque chose d’émotif après ses combats à l’extérieur du ring en début d’année.

Lors de sa discussion avec le collègue Jean-François Kelly, Lufisto nous parle de ses accomplissements dans l’arène. Comment elle a détenu un championnat masculin pendant plus d’un an et comment elle s’est imposée comme une figure de marque aux États-Unis en détenant un championnat sur une durée record pour une fédération féminine. Récemment, elle partageait aussi, sur son compte Twitter, ses rencontres partout à travers le monde avec des lutteuses présentement à la WWE comme Becky Lynch et Asuka, pour ne nommer qu'elles.

Elle a fait son ascension de Montréal vers le monde en même temps que Kevin Steen et El Generico, maintenant Kevin Owens et Sami Zayn à la WWE de Vince McMahon. Elle a lutté contre les deux amis du grand 514 et elle lutte encore contre la nouvelle garde de la lutte féminine indépendante qui, avec des vedettes montantes comme l’Australienne Toni Storm, s’impose de plus en plus comme un spectacle incontournable pour les amateurs.

Lufisto

Lufisto a survécu aux années de vache maigre où les femmes n’étaient qu’un agent de remplissage lors des galas masculins et elle survit encore malgré les épreuves que la vie lui a envoyé en 2018. À l’aube de la quarantaine, elle pourrait songer à une pause afin de constater ses accomplissements, mais la passion pour le sport-spectacle ne s’éteint pas aussi facilement. Lorsqu’elle ne lutte pas, elle aide les autres lutteurs et lutteuses avec des idées de personnages, de costumes et de scénarios. Elle travaille étroitement avec son mari tout en menant par l’exemple ses contemporaines dans l'arène.

Lufisto, d’une certaine façon, représente le passé et l’avenir de la lutte féminine et, quand elle est de passage dans la région, c’est un cadeau qu’elle fait aux partisans.

Écoutez son histoire avec le même plaisir que nous avons eu à l’entendre pour la première fois dans nos studios et, surtout, encouragez la lutte locale – vous n’imaginerez jamais la passion mise par ses artisans pour vous divertir quelques heures par fin de semaine.