MONTRÉAL – Le refrain s’en venait usé. À ses quatre premières saisons à la barre du club-école du Canadien, Sylvain Lefebvre n’avait pas été en mesure d’amener ses troupes en séries éliminatoires. À Montréal, les insuccès du petit frère commençaient à attirer les railleries.

Mais la guigne a été brisée cette année. Dernière des quatre équipes qualifiées dans la division Nord de la Ligue américaine, les IceCaps de St. John’s affronteront à partir de vendredi le Crunch de Syracuse, filiale du Lightning de Tampa Bay, dans une série 3-de-5.

« À chaque année, quand on commence notre saison, notre but est de faire les séries et d’aider le Canadien à faire les séries. C’est ça notre but », insiste Lefebvre quand on lui demande s’il est un entraîneur soulagé à quelques jours du début d’une étape qu’il n’a pas atteint depuis sa première année comme entraîneur-adjoint de l’Avalanche du Colorado en 2009-2010.

« D’une année à l’autre, il y a plein de petits détails que tu ne peux pas contrôler. Des blessures ici, des blessures à Montréal... Sans trouver d’excuses, c’est la réalité. Il s’agit de trouver le moyen de s’ajuster et je te dirais que cette année, les joueurs ont bien géré l’adversité, les rappels, les retours. Ce n’est pas toujours évident et les gars ont bien fait ça. »

Les hommes de Lefebvre se sont qualifiés pour les séries avec 82 points, sept de plus que leur total récolté l’année précédente. Mais les plus importants, ils les ont mis en banque à leur 76e et dernier match de la saison. Vingt-quatre heures après avoir laissé filer une première chance de garantir leur place en éliminatoires, les IceCaps ont dû se préparer pour une revanche cruciale contre les Marlies de Toronto tout en sachant que les Comets de Utica, qui pouvaient toujours les rejoindre au classement, étaient simultanément en action à Syracuse.

Les IceCaps ont finalement fait le travail en l’emportant 4-1, notamment grâce à deux buts de Chris Terry.

« Quand tu commences une saison, si je te dis que tu as un seul match à jouer pour faire les séries, prends-tu ta chance?, questionne Lefebvre. On était rendu là. C’était comme un septième match. Ça passait ou ça cassait et c’est comme ça qu’il fallait le voir. On voulait une chance d’aller en séries et on avait une opportunité de le faire. Idéalement, on l’aurait fait la veille, mais dans un match où l’enjeu était vraiment important, les gars ont bien répondu. »

Le Crunch a terminé la saison au premier rang de la division Nord, huit points devant les IceCaps, et fait donc office de favori. Mais Lefebvre est encouragé par le fait qu’à ses yeux, son équipe joue des matchs à haute tension depuis un mois et demi.

« La parité dans la Ligue américaine est pratiquement au même niveau que dans la LNH. Juste cette année, il y a des équipes qui ont plus de points que nous qui ont raté les séries. Pour nous, même si ça a été une bataille jusqu’à la fin, on n’a pas fini si loin que ça de la première place. C’est sûr qu’on se prend contre une bonne équipe, mais ça nous donne un beau défi. »

En raison de la réalité géographique des deux rivaux, les deux premiers matchs de la série seront disputés dans les Maritimes avant qu’elle se conclue dans l’État de New York.

« Commencer deux matchs à la maison, ça peut être une bonne chose, reconnaît Lefebvre. Notre but, c’est de mettre de la pression sur eux en partant. »

Survivre sans Lindgren

Lefebvre s’est fait lancer le genre de balle courbe que tout entraîneur de la Ligue américaine redoute quand, avec huit matchs à jouer en saison régulière, son gardien numéro un a été rappelé par le grand club.

Privés de Charlie Lindgren jusqu’à nouvel ordre, les IceCaps ont d’abord perdu trois matchs sur quatre au cours desquels Yann Danis a concédé 14 buts. Ils ont ensuite profité d’une solide performance de Zachary Fucale, qui a blanchi les Senators de Binghamton.

« Il faut faire confiance aux joueurs qu’on a et il faut aussi que les joueurs aient confiance en eux aussi. Il n’y a pas une fois où on a même pensé à lancer la serviette. On s’est dit qu’on allait se battre jusqu’à la fin. »

Lindgren est finalement revenu à temps pour disputer les trois derniers matchs de la saison, signant deux victoires, dont une par jeu blanc. Il sera à son poste vendredi pour le début des séries. À sa première saison complète chez les professionnels, l’Américain de 23 ans a impressionné son entraîneur.

« Il nous a tiré toute une saison, louange Lefebvre. Il y a une petite portion dans l'année où il a ressenti un peu de fatigue – je dirais fin janvier, début février – mais il nous a gagné des gros matchs. C’est un gars très mature. Pour une recrue, il a démontré beaucoup de sang-froid et même s’il avait un mauvais match, même s’il connaissait un début de rencontre difficile, il se reprenait. Sa force de caractère va l’amener loin. »

Daniel Carr : un point d’interrogation

Lefebvre cultive le mystère quant au statut de Daniel Carr, inactif depuis qu’il a été frappé à la tête par le défenseur Charles-David Beaudoin, des Senators de Binghamton, le 31 mars.

Le jeune vétéran de 25 ans, qui a 56 matchs d’expérience dans la Ligue nationale, pourrait fort bien ne pas voir d’action au premier tour, mais du même souffle, son entraîneur refuse de confirmer son absence pour le premier match de la série.

« Présentement, son retour au jeu, ça va dans le bon sens. Ça fait un bout de temps qu’il patine et on y va au jour le jour présentement », se contente de révéler Lefebvre.

Jérémy Grégoire, qui n’a pas joué depuis le 1er avril, est un autre éclopé pour qui « c’est juste une question de temps », selon Lefebvre. Le coach semble toutefois un peu moins optimiste en ce qui concerne la participation de Markus Eisenschmid.

En prenant aussi en considération la présence de Michael McCarron à Montréal, Lefebvre se retrouve privé de quelques éléments qui amélioreraient grandement les chances de survie de son équipe ce printemps. Surtout que dans le clan adverse, son vis-à-vis Benoît Groulx aura le luxe de compter sur une formation bonifiée par la présence des Yanni Gourde, Adam Erne et autre Joel Vermin, tous disponibles depuis que le Lightning de Tampa Bay est tombé en vacances.

« Ils vont tous être là, prévoit Lefebvre. Le seul qui n’y sera pas, c’est le défenseur [Luke] Witkowski, qui était leur capitaine en début de saison. Mais on le savait, on s’en doutait et nous autres, ça nous donne juste un plus gros challenge. C’est certain que les gens nous voient un peu comme les négligés, mais c’est un rôle qu’on est capable de jouer et on va essayer de les surprendre. »