L'Angleterre a remporté vendredi le match d'ouverture de la Coupe du monde face aux Fidji (35-11) devant son public de Twickenham et c'est bien tout ce que l'histoire retiendra de ce match décousu et de médiocre facture.

Voilà une bonne chose de faite. Le XV de la Rose a franchi cahin-caha le cap de ce premier test où la charge émotionnelle, l'énorme pression médiatique, populaire et la ferveur de Twickenham faisaient planer un halo de doute.

Belle construction de l'Angleterre

Versés dans la poule de la mort, aux côtés notamment de l'Australie et du pays de Galles, les hommes de Stuart Lancaster n'avaient aucun droit au faux-pas sous peine d'hypothéquer dangereusement leurs chances de qualification pour les quarts de finale. Mais face à un adversaire limité contre qui l'Angleterre n'avait jamais perdu en cinq confrontations, la principale menace venait de la possibilité d'être happé par l'événement, comme spectateur de son propre destin.

Ce scénario cauchemardesque n'est finalement pas passé loin de se dérouler sous les yeux incrédules des quelque 80 000 personnes, car on n'a guère reconnu l'enthousiasmante équipe anglaise aperçue ces dernières années, il y a même encore six mois face à la France (55-35) en clôture du Tournoi des six nations.

Les Fidji prodigues

L'armée de spectres qui a arpenté, comme perdue, l'impeccable billard de Twickenham a limité la casse tant bien que mal, peinant à structurer son jeu derrière une conquête statique et dynamique toussotante. Et c'est avec la mort aux trousses que les Anglais ont disputé une grande partie de la seconde période, avant de pousser leur avantage à 10 longueurs - une distance raisonnable - à la 68e minute, puis de ravir à l'ultime seconde un point de bonus offensif un peu inespéré.

La presse anglaise ne manquera pas de gloser ces prochains jours sur l'inquiétant niveau de jeu déployé vendredi soir. Si la thèse de l'accident de parcours, lié à l'environnement particulier de la rencontre, tient la corde, il faudra régler bien des détails avant de recevoir le pays de Galles le 26 septembre, puis l'Australie le 3 octobre, pour deux rencontres « à la vie à la mort ».

En face, les Fidjiens repartent parés de l'honneur du courageux vaincu, mais aussi avec beaucoup de regrets en forme de « et si... » dans la tête.

Eux aussi ont absorbé tant bien que mal l'énorme attention que générait la rencontre, refusant d'endosser le rôle de victime annoncée. Et ce malgré l'inquiétante pluie qui s'est abattue en hallebardes au coup d'envoi.

À la place, ils ont déployé beaucoup d'ardeur pour perturber les lancements anglais, par une défense agressive, volant ici un lancer en touche, là une introduction en mêlée.

Brown débloque le match

Les partenaires de Nemani Nadolo, l'ailier vedette du Super 15 très en vue vendredi, ont aussi su laisser passer l'orage après avoir encaissé un essai de pénalité, à la suite d'un joli groupé-pénétrant anglais (13e), doublé d'un carton jaune au demi de mêlée Nikola Matawalu.

À 14 contre 15, l'arrière anglais Mike Brown doublait la mise dans la foulée et creusait l'écart (15-0, 23e). Sans se désunir, les Fidjiens réagissaient toutefois, se voyant d'abord refuser un essai de Matawalu sur un curieux arbitrage vidéo tardif, puis récompensant enfin leurs efforts par Nadolo.

À 18-8 à la pause, les Anglais n'étaient pas vraiment à l'abri. Le début de seconde période n'apportait pas plus de sérénité. Trop indisciplinés, fébriles, brouillons, les partenaires de Chris Robshaw bafouillaient leur rugby tandis que les trois-quarts du Pacifique semaient la panique dans les rideaux défensifs anglais.

Il fallait l'apport massif du banc, une pénalité d'Owen Farrell (67) puis un essai de Brown (73) pour finalement sceller le sort d'une partie sans relief.

Enfin libérés, les Anglais faisaient le siège du camp fidjien jusqu'à inscrire dans les dernières lueurs du match un quatrième essai par le puissant Billy Vunipola. Sans pour autant mériter de pavoiser, loin de là.