PARIS (AFP) - Dix mois après son titre de championne du monde, l'équipe d'Angleterre de rugby se retrouve décapitée par le départ de ses meilleurs joueurs, de ses capitaines, de son entraîneur emblématique Clive Woodward et confrontée à un rajeunissement forcé dans la perspective du Tournoi des six nations.

La photo a jauni. On devine Clive Woodward, couvant du regard un objet baroque, la Coupe William Webb Ellis, entouré de sa garde rapprochée, Martin Johnson, Jason Leonard, Neil Back, Lawrence Dallaglio et Richard Hill.

Une bande de grognards trentenaires, aux gueules minées par les chocs, qui vient de décrocher le titre de champion du monde, aux dépens de l'Australie, ce 22 novembre 2003 à Sydney.

Depuis son arrivée à la tête du XV de la Rose, en septembre 1997, Clive Woodward s'était appuyé sur eux, attisant parfois les ego ou froissant les susceptibilités. Mais toujours présent pour clamer sa confiance.

Ainsi, lorsque Lawrence Dallaglio s'était fait piéger par une journaliste au printemps 1999 en se vantant d'avoir gagné beaucoup d'argent en vendant de la drogue, Woodward lui avait exprimé son soutien.

Dilemme

Se retirer ou tirer profit ? Danser avec l'honneur ou compter les livres sterling ? Ce dilemme taraude les trentenaires anglais depuis le titre mondial et freine le rajeunissement du XV de la Rose, en bout de cycle.

Un seul joueur s'est enfui en pleine gloire, le ténébreux Martin Johnson. Le capitaine avait annoncé sa retraite internationale le 17 janvier, sur les braises du titre, la tête encore emplie des souvenirs de la parade triomphale dans les rues de Londres.

La suite fut moins glorieuse, forcément. Pour le début du Tournoi des six nations 2004, Clive Woodward, anobli par la Reine, offrit un simple strapontin à Jason Leonard, détenteur du record mondial des sélections (114). Neil Back cracha publiquement sa rancoeur de n'avoir pas été invité.

Lawrence Dallaglio ? Il fut le capitaine de l'ordinaire, d'un XV de la Rose battu deux fois dans un même Tournoi, face à l'Irlande à Twickenham puis en France, pour la première fois depuis 1993. Un leader en détresse lorsque les Anglais encaissèrent trois sévères défaites face aux All Blacks (36 à 3 et 36 à 12) et à l'Australie (51-15), en juin dernier.

Alternative

Eclaboussé par ces revers, Lawrence Dallaglio a préféré quitter le navire lui aussi. Après un été de réflexion, il a annoncé sa retraite internationale le 31 août. A peine vingt-quatre heures avant Clive Woodward.

Ces départs successifs laissent le XV de la Rose orphelin de ses cadres, d'autant que la longévité de la "génération Woodward" n'a pas facilité l'accession aux responsabilités.

Catapulté à la tête de l'équipe, Andy Robinson, ancien adjoint de Sir Clive, va devoir trancher. Nommé à titre transitoire, au moins pour les trois tests-matches de novembre face au Canada, l'Afrique du Sud et l'Australie, il peut choisir de s'appuyer sur les trentenaires restant, le centre Will Greenwood, le demi de mêlée Matt Dawson ou le troisième ligne Richard Hill.

Il peut également se tourner vers l'avenir, en confiant davantage de responsabilités à Jonny Wilkinson, de retour sur les terrains après de longs mois d'absence pour cause de blessure, voire à Phil Vickery ou Trevor Woodman, les piliers.

Mais, pour l'instant, Andy Robinson n'est qu'un entraîneur intérimaire et la Fédération anglaise (RFU) va lancer un appel à candidature afin de pourvoir le poste.

Tenu par une obligation de résultats, alors que le XV de la Rose reste sur quatre défaites consécutives et que les clubs rechignent à libérer les joueurs internationaux pour des rassemblements réguliers, il devrait opter pour la voie de la raison et se focaliser sur le court terme. Le grand chambardement attendra.