LONDRES - L'entraîneur de l'Angleterre Brian Ashton a annoncé une très mauvaise nouvelle aux Français avant "Le Crunch" dans le Tournoi des six nations samedi: son pilier gauche Andrew Sheridan est remis de sa blessure.

A l'automne, ce colosse (1,93 m, 125 kg) à tête de nounours surpris, doté de drôles d'oreilles en choux-fleurs, a prouvé qu'un match de rugby pouvait encore se décider en mêlée, en détruisant la première ligne australienne en quart de finale du Mondial.

La première ligne française, pas le point fort de l'équipe de Marc Lièvremont, peut légitimement s'inquiéter de subir à son tour la loi de "Big Ted".

"Il est très fort physiquement sur les phases statiques, peut-être un peu moins techniquement, explique le pilier du XV de France Lionel Faure, qui joue avec lui à Sale (ENG). Il est aussi très présent sur les regroupements et fait énormément de +pick and go+."

Aussi timide en dehors du terrain que destructeur quand il y entre, Sheridan est le "Monsieur Univers du rugby", selon son partenaire de Sale, Jason White. Cinquième des championnats britanniques juniors de lancer de poids, il soulève 300 kilogrammes de fonte.

"S'il s'était concentré sur l'haltérophilie, il aurait fait les jeux Olympiques", assure l'ancien préparateur physique du club anglais Nick Johnston selon qui il "ravageait le matériel de la salle de musculation".

Son entraîneur d'adolescence dans le collège privé londonien de Dulwich, Peter Allen, se souvient: "Je n'avais jamais vu un joueur inspirer autant de peur chez ses adversaires."

Mais ce fils de financier de la City, titulaire de diplômes de maçon et de plombier, qui a appris seul le Français, ne se résume pas à une brute. "Je ne vois pas un autre pilier qui porte le ballon comme lui", assure l'ancien entraîneur de la mêlée anglaise Phil Keith-Roach. "Il peut dominer seul un match en associant sa stature, sa vitesse et sa taille", selon Allen.

Perfectionniste

Sheridan connaît tout du travail des avants. A l'entrée dans l'âge adulte, il est un N.8. Quand il est retenu pour sa première tournée avec l'Angleterre (sans jouer), en 2000, c'est comme deuxième ligne. Ce n'est que lorsqu'il rejoint Sale, à 24 ans, en 2004, année de sa première sélection, qu'il revient à ses amours d'enfance et retrouve le poste de pilier.

Un an plus tard, il marque les esprits en détruisant à Twickenham (déjà) la mêlée australienne, avec un pilier wallaby évacué sur un brancard et l'autre exclu du terrain. Cette humiliation est marquée d'une pierre noire par les Australiens, qui décident de rebâtir un pack digne de ce nom. Ce qu'ils pensent avoir réussi... jusqu'à ce qu'ils croisent de nouveau Sheridan.

Victime de blessures qui l'ont longtemps tenu éloigné des terrains, il est devenu, de l'avis de Johnston, "le meilleur pilier du monde". "Maintenant, il travaille pour s'assurer de n'être pas rattrapé."

"La force n'a jamais été un problème. Mais il a travaillé sur sa mobilité et son endurance. Quand il est arrivé à Sale, il avait un taux de graisse de 18 ou 19%. Maintenant, c'est moins de 10%", se souvient Johnston.

Doté d'une technique impeccable en mêlée, il dissèque avec minutie le jeu de ses adversaires, traque sur vidéo leurs moindres faiblesses. "Vous ne pouvez pas imaginer combien de temps il a pris pour analyser Shepherdson", son malheureux vis-à-vis australien du Mondial, se souvient le successeur de Keith-Roach, Graham Rowntree.

Selon lui, Sheridan est "le joueur le plus humble de l'équipe". Au moment de la première mêlée, l'humilité ne sera pas forcément l'aspect de sa personnalité qui viendra spontanément à l'esprit du pilier droit français, Nicolas Mas.