VANCOUVER - Une ancienne membre de l'équipe olympique canadienne de ski intente une action collective contre la fédération nationale, alléguant que Canada Alpin n'a pas protégé ses athlètes féminines contre les agressions sexuelles de l'entraîneur Bertrand Charest.

Dans une requête déposée en Cour suprême de la Colombie-Britannique, Allison Forsyth allègue que l'instance dirigeante du ski alpin au Canada n'a pas enquêté sur la carrière d'entraîneur de M. Charest et qu'elle est donc en partie responsable de son comportement criminel.

Bertrand Charest a été reconnu coupable en juin 2017, en Cour du Québec, de 37 chefs d'accusation de nature sexuelle impliquant des athlètes féminines de 12 à 18 ans. Il a été condamné à 12 ans de prison, mais ses avocats ont fait appel du verdict et de la peine. Il a passé environ quatre ans en prison, à partir de son arrestation en 2015, mais il a été remis en liberté en mars 2019 dans l'attente du résultat de son appel, entendu au début de juin.

La demande d'intenter une action collective en Colombie-Britannique ne désigne pas Bertrand Charest comme défendeur. La requête allègue par contre que Canada Alpin l'avait embauché comme entraîneur de l'équipe nationale, de 1996 à 1998, alors qu'il était de notoriété publique, dans la petite communauté du ski de compétition, qu'il avait eu des relations sexuelles avec des athlètes féminines.

Ces allégations n'ont pas été prouvées devant les tribunaux et Canada Alpin a déclaré dans un communiqué qu'elle revoyait les détails de la requête concernant des événements qui sont survenus dans les années 1990.

En décembre 2018, au Québec, trois des victimes de Bertrand Charest ont décidé de poursuivre en dommages Canada Alpin, parce que la fédération sportive n'aurait rien fait, selon elles, pour les protéger et aurait préféré fermer les yeux pour préserver son image et conserver ses commandites. Geneviève Simard, Gail Kelly et Anna Prchal réclament de la fédération sportive 300 000 $ chacune en dommages compensatoires pour les abus psychologiques, physiques et sexuels qu'elles ont subis, et 150 000 $ en dommages punitifs.

Dans sa déclaration publiée mercredi, Canada Alpin se félicite de l'immense courage dont ont fait preuve Allison Forsyth et d'autres femmes qui se sont manifestées. « Leur détermination et leur engagement en faveur du changement sont une source d'inspiration », indique-t-on.

Attention aux commandites

Dans sa requête, Mme Forsyth allègue que Bertrand Charest l'a d'abord agressée sexuellement dans une salle de bain, puis lui a dit qu'elle serait obligée de poursuivre les relations sexuelles si elle voulait réussir dans l'équipe nationale. « En janvier 1998, la plaignante a dit à M. Charest que leurs relations sexuelles cesseraient et qu'elle ne voulait plus de son attention sexualisée, indique la requête. M. Charest a déclaré à la plaignante que sa carrière de skieuse était finie. »

Mme Forsyth, qui est maintenant âgée de 40 ans, allègue qu'elle avait rencontré la présidente de Canada Alpin, qui lui aurait dit qu'elle devrait être prudente avec ces allégations, sans quoi l'équipe nationale perdrait des commanditaires. « Canada Alpin a laissé entendre que le fait de parler publiquement mettrait en péril la carrière de skieuse de la plaignante », allègue la requête.

Allison Forsyth avait commencé la compétition au sein de l'équipe nationale canadienne de ski en 1998, à l'âge de 17 ans. Elle a skié pour le Canada aux Jeux olympiques de Salt Lake City en 2002. « En dépit de son succès en tant qu'athlète aux olympiques et en Coupe du monde, les agressions sexuelles de M. Charest et les mauvais traitements infligés par Canada Alpin ont continué d'avoir une incidence sur sa santé physique et psychologique, ce qui a nui à sa capacité de skier en compétition », soutient la requête. Elle a pris sa retraite du sport en 2008.

L'action collective doit d'abord être autorisée par la Cour suprême de la Colombie-Britannique (l'équivalent de la Cour supérieure) avant de procéder sur le fond. Mme Forsyth est la plaignante, mais la requête n'indique pas combien d'autres personnes pourraient prendre part à l'action collective. La poursuite réclame des dommages et intérêts pour préjudice émotionnel, physique et psychologique. On demande également des dommages-intérêts punitifs et majorés pour « la conduite égoïste, téméraire et impitoyable de Canada Alpin ».

« Canada Alpin a tiré des avantages financiers, notamment en conservant et en attirant des commandites, en faisant taire les athlètes de l'équipe nationale et en omettant de prendre les mesures adéquates pour enquêter ouvertement et publiquement sur les agressions sexuelles commises par M. Charest », allègue la requête.