MONTRÉAL - Bertrand Charest a réussi à faire réduire sa peine par la Cour d'appel. Condamné à 12 ans de prison pour divers crimes de nature sexuelle commis sur de jeunes skieuses, dont des mineures, l'ex-entraîneur a réussi à se débarrasser de plus de la moitié des chefs d'accusation et voit sa peine diminuée de 21 mois.

Le plus haut tribunal québécois a rendu cette décision de 40 pages jeudi après-midi.

L'homme avait été condamné en juin 2017 sur 37 chefs d'accusation. Le juge Sylvain Lépine de la Cour du Québec lui avait ensuite imposé une peine de 12 ans de pénitencier pour ces crimes commis dans les années 1990 sur neuf skieuses âgées de 12 à 18 ans.

Le juge Lépine avait alors qualifié ses gestes d'« inexcusables » et de « criminels ». Charest avait notamment eu des relations sexuelles complètes avec certaines des adolescentes, alors qu'il était en position d'autorité sur elles. L'une d'entre elles est devenue enceinte et Charest l'avait amenée se faire avorter.

L'ex-entraîneur de 54 ans avait porté en appel à la fois sa condamnation et sa peine.

Dans sa décision rendue jeudi, la Cour a fait tomber 21 chefs d'accusation, pour diverses raisons, dont une absence de preuve ou lorsque la victime était plus âgée que ce qui est prévu dans la disposition du Code criminel sur laquelle certaines accusations étaient fondées. Plus précisément, la Cour a acquitté Charest de neuf chefs, a décrété un arrêt des procédures sur deux chefs, a annulé la condamnation sur un chef (pour absence de compétence du tribunal, vu que les gestes avaient été posés en Nouvelle-Zélande, et qu'un juge canadien n'a pas juridiction sur ce territoire) et ordonné la suspension conditionnelle sur neuf chefs.

Quant à la peine, la Cour la fait passer de 12 ans à 10 ans et trois mois, considérant notamment les chefs d'accusation qui ont été retirés ou pour lesquels Charest a été acquitté. Mais après avoir enlevé le temps que l'homme avait purgé en détention provisoire, cela laisse une peine de prison de quatre ans et neuf mois.

Il demeure coupable de 16 chefs d'accusation. La condamnation pour le chef d'agression sexuelle causant des lésions corporelles, soit pour la victime qui a subi un avortement, a été confirmée par la Cour d'appel et demeure.

Pour lui, il s'agit donc d'une victoire partielle.

Revirement

Après sa condamnation en 2017, la Couronne avait toutefois concédé que 20 des 37 chefs sur lesquels il a été déclaré coupable devaient tomber, pour diverses raisons.

La Cour d'appel a plutôt tranché que 21 n'avaient plus lieu d'être. Charest avait été accusé à l'origine sous 57 chefs d'accusation.

Malgré l'élimination de 21 chefs, la Cour ne réduit la durée d'incarcération que de 21 mois. Dans son analyse de la peine appropriée, elle pose des constats qui ne sont pas tendres.

« On ne note aucun changement radical chez l'appelant (Charest) depuis les infractions. Au contraire, selon la preuve déposée lors des observations sur la peine, il continue à banaliser sa conduite, à dénigrer les plaignantes et veut même faire porter à certaines la responsabilité de ses actes », écrit la Cour d'appel sous la plume du juge François Doyon.

« Sa personnalité narcissique est toujours bien présente », peut-on y lire.

L'homme avait été remis en liberté en mars dernier, en attendant le résultat de son appel.

Une ordonnance de non-publication a été prononcée dans ce dossier, ce qui empêche d'identifier les victimes. L'ordre de la Cour a toutefois été levé en partie à la demande de quatre de ces jeunes femmes afin de pouvoir parler en public de ce qui s'est passé, pour que les abus cessent dans le monde du sport. Il s'agit de Geneviève Simard, de Gail Kelly, d'Anna Prchal et d'Amélie-Frédérique Gagnon.

Jeudi après-midi, Geneviève Simard s'est déclarée satisfaite de la décision de la Cour d'appel.

« Je peux enfin mettre un terme à ce chapitre de ma vie qui fut long et très éprouvant pour moi, ma famille et mes proches et je pense pouvoir parler aux noms des autres filles aussi », écrit-elle dans une déclaration.

Les filles ont été courageuses et ont fait preuve d'une grande force, dit-elle. « C'est ensemble aujourd'hui en ayant été solidaires que l'on peut enfin passer à autre chose. »

Elle juge que la peine imposée à Charest est « exemplaire ».

« La réduction de peine n'est pas du tout ce que je retiens, ce que je retiens c'est le 10 ans et 3 mois, une peine importante qui aura des impacts majeurs dans les futurs dossiers d'agressions sexuelles au pays », insiste la femme en se disant très reconnaissante envers les avocats de la Couronne et des enquêteurs pour leur travail extraordinaire.