L’effort et la fréquence cardiaque sont au maximum pour les fondeurs au sommet d’une montée. À leur arrivée, ils cherchent leur souffle dans un nuage de fumée dans lequel se mêlent suie et odeurs de barbecue, le tout au son des cloches et des encouragements des dizaines de milliers de spectateurs. Bienvenue au stade de ski de fond et de saut à ski d’Holmenkollen, à Oslo, en Norvège.

Alex Harvey y a décroché le premier de ses deux titres mondiaux, tandis que son père Pierre a conclu sa carrière avec une victoire au 50 kilomètres style libre. Ce stade n’a pas seulement une place spéciale dans la carrière des deux fondeurs. Il en a aussi une dans l’histoire du sport.

« En ski de fond, Holmenkollen, c’est La Mecque pour nous ! La Norvège est le pays dominant en ski de fond et parmi tous les sites en Norvège, c’est le plus prestigieux », avance Alex Harvey, qui a pris part à une quinzaine de courses à cet endroit, dont celle du sprint classique par équipe des Championnats du monde de 2011, en compagnie de Devon Kershaw, où ils avaient devancé les Norvégiens pour la médaille d’or dans le brouillard.

Avant sa première présence en 2010 dans le cadre d’une Coupe du monde, on lui avait parlé de l’ambiance dans le stade, mais aussi en bordure du parcours où elle s’apparente au Tour de France.

« J’ai pu constater cette ambiance de tailgate (en 2010), mais ce sont surtout les mondiaux de 2011 qui m’ont marqué. Les Championnats du monde durent une dizaine de jours et en plus des courses de ski de fond, il y a le combiné nordique et le saut à ski. Il y avait du monde tous les jours. Il y a des gens qui avaient fait du camping d’hiver pendant deux semaines sur le bord du parcours et on commençait à les reconnaître. Ça m’avait vraiment frappé de voir comment le monde trippait. »

Génératrices, feux de camp, écrans géants, tout est en place pour être au chaud et bien suivre l’action qui se déroule sur les pistes, mais aussi pour festoyer sur le site qui a présenté un premier concours de saut à ski en 1892 et son premier 50 kilomètres de ski de fond en 1902.

Harvey se souvient que ses coéquipiers Dasha Gaïazova et Stefan Kuhn avaient passé une nuit sous la tente avec des partisans une fois leurs épreuves terminées.

« Ils avaient de belles histoires à nous raconter et nous ont dit que ça brossait assez fort. »

« C’est comme si c’était un gros party ! » avance Cendrine Browne , 26e au 30 km style libre disputé à cet endroit en mars 2018. « Les gens arrivent quelques jours avant pour planter leur tente pour réserver leur place et c’est la fête sur le bord de la piste. Ils boivent, ils sont saouls, tout le monde crie, il y a des feux… c’est vraiment, vraiment différent courser là. C’est du jamais vu ! »

Les fêtes sont si intenses que cela se répercute sur le déroulement de la course comme a eu l’occasion de le constater Alex Harvey en faisant référence à la fumée des feux de camp.

« En arrivant au point le plus haut du parcours, le Frognerseteren - c’est là où il y a le plus gros campement et où les gens passent la nuit – c’était presque suffocant. Tu cherches ton air et là, tu es dans la boucane. Même la neige est sale aux endroits-clés parce que toute la nuit, les gens font le party et traversent la piste. La machine trace ensuite la piste, sauf que la neige reste sale. »

Le parcours le plus relevé

En plus de l’ambiance survoltée, le parcours d’Holmenkollen se distingue aussi comme étant le plus difficile du circuit international.

Un peu comme en architecture où des villes se font concurrence à savoir laquelle aura le plus haut gratte-ciel, les organisateurs des épreuves veulent eux aussi s’enorgueillir de présenter le parcours avec le plus grand dénivelé. Holmenkollen s’était fait ravir la palme par le parcours des mondiaux 2013 de Val di Fiemme (Italie), mais pas pour longtemps comme l’explique Harvey.

« Ils (les organisateurs norvégiens) ont ajouté une petite côte au milieu d’une descente. Quand on a vu ça, on s’est dit que cette mini bosse avait été créée de toute pièce pour aller chercher huit mètres de plus sur huit tours. C’était pratiquement ridicule, mais cela leur a permis d’avoir le parcours avec le plus haut dénivelé. »

Il faut être un athlète complet pour s’imposer à Holmenkollen croit Alex Harvey. « Les gens qui performent bien là ce sont des super skieurs, parce que c’est impossible d’avoir de l’équipement parfait partout sur le parcours. »

Cendrine Browne a hâte de retourner dans la capitale norvégienne pour s’élancer à nouveau en piste.

« Juste d’être là, sur ce site mythique, je me suis laissée emporter et j’ai réussi une très bonne course, même si j’étais tombée quelques fois […] C’est la fête du ski de fond où l’on célèbre le sport. »

Pas pour rien que c’est à cet endroit où l’on retrouve le musée du ski qui est niché sous le tremplin du saut à ski.