Diego Armando Maradona, légende du football, est une idole controversée: ses accès en tous genres indisposent nombre d'Argentins qui lui préfèrent la personnalité plus lisse de Lionel Messi.

Irrévérent, charismatique et provocateur, Maradona est une idole y compris pour les générations qui ne l'ont pas vu jouer du temps de sa gloire.

Depuis qu'il a illuminé le Mondial-1986 de sa classe, tous les Argentins sont devenus « maradoniens ».

Lors du quart de finale Argentine-Angleterre, il a marqué deux buts mémorables: un des plus beaux buts de l'histoire, en éliminant cinq Anglais et la fameuse « main de Dieu ».

Avec un ballon, il venait de venger l'Argentine, écrasée 4 ans plus tôt par la puissante armée britannique lors de la Guerre des Malouines.

Naples et décadence

Formé dans le modeste club d'Argentinos Juniors à Buenos Aires, il est ensuite parti pour Barcelone et Naples, où s'est enclenché le début de la décadence, en raison d'une addiction à la cocaïne.

« On l'aime car il a défié les pouvoirs, parce que sur le terrain il ne baissait jamais les bras, et quand il perdait, on le lisait sur son visage, cet engagement pour un footballeur est vital », dit de lui Bruno Sollner, un chef d'entreprise de 55 ans.

« C'est un passionné et il dérape », regrette Sollner. Pour lui, l'amour pour Diego Maradona est tel « que quand il déconne, on tourne la tête ».

Fâché avec ses filles, en procès avec son ex-femme, jadis arnaqué par un proche ou pris pour dopage au Mondial-94 aux Etats-Unis, toujours à la Une de la presse people, la vie turbulente de Maradona le rend pourtant détestable pour beaucoup d'Argentins, notamment ceux issus des classes aisés.

Ami de Fidel Castro

Ces derniers lui reprochent en plus son engagement politique du côté de dirigeants de la gauche latino-américaine comme Fidel Castro à Cuba ou Hugo Chavez au Venezuela.

Il est le symbole du gamin pauvre, devenu une légende planétaire grâce au football.

Il dit ne plus consommer de cocaïne, mais son comportement lors du match Argentine-Nigeria déroute. Son attitude excentrique dans la loge VIP du stade de Saint-Pétersbourg a fait honte à beaucoup d'Argentins, pourtant habitués à ses dérapages.

« Il a besoin de s'illustrer coûte que coûte, mais en renvoyant une image lamentable », estime Laura Orsi, une habitante de Buenos Aires.

Pour cette informaticienne de 56 ans, « il a effacé sa gloire passée en sombrant dans la drogue, l'alcool: la célébrité lui est monté à la tête ».

Toujours politiquement incorrect, il insultait et accusait de corruption, avant le Fifagate (scandale de corruption qui a fait tomber plusieurs dirigeants de la Fédération internationale de football, dont son puissant président Joseph Blatter), les dirigeants du football international.

Si les champions du monde se gardent généralement de critiquer la sélection de leur pays en pleine Coupe du monde, Maradona n’hésite pas à critiquer un joueur ou à crucifier Jorge Sampaoli, le sélectionneur de l'Albiceleste. Sans filtre.

Plus que Messi

Ceux qui le connaissent le décrivent comme explosif et même s'il a atteint l'Olympe, il a toujours gardé les pieds sur terre.

« Diego était un gamin d'un bidonville, il s'est fabriqué un cerf-volant, il a écrit Maradona dessus, et il a commencé à courir, le cerf-volant s'est envolé, mais lui, il est resté sur terre », dit l'auteur d'une biographie de Maradona, Guillermo Blanco.

Selon lui, « El Pibe de Oro » mélange tout: « bonté, méchanceté, ego, solidarité... mais à la différence des gens équilibrés, quand il dit quelque chose, cela prend d'énormes proportions ».

La comparaison entre Maradona et Messi est un grand classique en Argentine, où celui qui est également surnommé « El Diez » occupe une place à part.

« Messi est un crack, mais le monde du football, jusqu'ici, n'a pas donné naissance à un joueur du calibre de Maradona », a déclaré récemment Claudio Caniggia, ancien compagnon de sélection.

Julio Olarticoechea, qui a disputé avec lui les Mondiaux 1982, 1986 et 1990, ne veut retenir que les grands moments: « Il était admirable, pas seulement en match, si tu avais vu ce qu'il faisait à l'entraînement... Diego était magique ».

Paula Garcia Paz, une institutrice de 37 ans, n'avait que 6 ans mais elle se souvient du Mondial-1986: « Il s'est pris pour Dieu et il a commis de nombreuses erreurs », dit-elle, mais malgré cela, « il n'existe pas d'autre joueur comme Diego, il nous a procuré tant de bonheur. Ce que Messi n'a pas encore fait ».