MOSCOU – Il était censé être l'homme qui devait sauver l'Espagne d'un échec annoncé depuis l'affaire Julen Lopetegui, le sélectionneur débarqué juste avant l'entrée en lice à la Coupe du monde 2018. Mais le pompier Fernando Hierro n'a pas su éteindre le brasier qui consume la « Roja » depuis son arrivée en Russie.

Tout a commencé avec le psychodrame d'un homme promis aux plus beaux succès. Lopetegui avait redonné de l'allant à une sélection en perte de vitesse depuis le fiasco de la Coupe du monde 2014 au point de faire partie des grandissimes favoris pour l'édition 2018. Mais il a cédé aux sirènes du Real Madrid.

En faisant ce choix, il deviendra le pyromane dans la saga tragique de la sélection espagnole, qui s'est achevée sans gloire dimanche par une élimination en 8es de finale contre la Russie (1-1, 4-3 t.a.b), perpétuant la malédiction contre les pays hôtes de la Coupe du monde.

Ulcéré d'avoir appris son départ « cinq minutes » avant la publication du communiqué du Real, le président de la fédération Luis Rubiales a démis sans ménagement Lopetegui. Trois semaines après l'avoir prolongé jusqu'en 2020.

« Réponse disproportionnée, injuste et sans précédent dans le monde du football » selon le président madrilène Florentino Perez, ou mesure nécessaire pour restaurer le prestige bafoué de la sélection nationale? Qu'importe, un soldat loyal, proche du Real et de la fédération, est là pour sauver la maison en péril : Fernando Hierro.

Débuts prometteurs...

Catapulté au poste de sélectionneur deux jours avant de débuter face au Portugal, le directeur sportif de la sélection n'avait pas pour lui un CV d'entraîneur à la hauteur du palmarès de ses joueurs.

Ancien défenseur charismatique du Real Madrid où il a joué plus de 600 matchs et remporté trois Ligues des champions, Hierro a vécu une expérience qui se limite à une saison sur le banc d'Oviedo... en deuxième division espagnole.

Face à son criant manque de références comme technicien, Hierro, réputé proche de Lopetegui, a toutefois pour lui la connaissance du vestiaire et ressemble à une solution de continuité pour l'équipe espagnole.

Et au vu de la belle prestation contre le Portugal (3-3) les observateurs sont tentés de dire que cette Espagne, rodée et toujours aussi joueuse, pouvait jouer en pilote automatique.

L'ancien international (89 sélections) de 50 ans avait d'ailleurs pour lui le crédit d'avoir, sous sa supervision au poste de directeur sportif entre 2007 et 2011, vécu lui aussi les succès de la « Roja » à l'Euro 2008, la Coupe du monde 2010, puis l'Euro 2012.

Revenu occuper les mêmes fonctions en novembre, il ne se serait jamais douté qu'il devrait batailler pour décrocher une qualification en 8es de finale d'une Coupe du monde.

... mais inexorable chute

Déjà en souffrance pour battre l'Iran (1-0), les champions du monde 2010 ont failli se faire surprendre par le Maroc en étant menés 2-1 jusqu'à la dernière minute... De quoi laisser apparaître au grand jour le dérèglement de la belle mécanique espagnole à l'image de la paire Sergio Ramos-Gerard Piqué, habituellement infranchissable.

Malgré ces signes annonciateurs, Hierro a bénéficié d'un scénario doublement heureux : un nul in extremis face aux « Lions de l'Atlas » (2-2), conjugué à l'égalisation de l'Iran contre le Portugal au même moment. Conséquence, l'Espagne arrache la tête du Groupe B et évite l'épouvantail Uruguay.

Mieux, il hérite de la partie de tableau la plus favorable avec la Russie, la Croatie, le Danemark, la Suède ou la Suisse... Sans pouvoir en profiter.

Impuissant sur son banc, et malgré l'entrée en jeu tardive d'Andrès Iniesta (34 ans), il ne parvient pas à trouver la solution face à l'euphorie russe. De quoi précipiter la fin de sa mission?

« Ce n'est pas quelque chose à laquelle je pense. On est éliminés sans avoir perdu, c'est triste, j'accepte ma responsabilité. J'ai été nommé trois jours avant la Coupe du monde mais si quelqu'un doit prendre sa responsabilité, c'est moi », a-t-il déclaré après la rencontre.

« On ne peut blâmer personne ici, la situation était ce qu'elle était. On a pris la décision qu'on a prise (le licenciement de Lopetegui, ndlr) et ça ne sert à rien de réécrire le passé », a-t-il ajouté. « Je serai honnête, je quitte ce tournoi l'esprit tranquille: on a tous essayé de faire de notre mieux. »