LONDRES, Royaume-Uni - Qu'il fut long le voyage pour la Russie! Harry Kane est peut-être le capitaine de l'Angleterre et la star de Tottenham, mais son ascension vers le sommet a été tortueuse, secouée par des rafales de doutes et inspirée par... Tom Brady.

À 24 ans, Kane portera les espoirs des « Trois Lions » à la Coupe du monde: celui qui était trop lent et trop petit a marqué 147 buts en club et en sélection lors des quatre dernières saisons.

« Il est l'un des nôtres » : les « Spurs » peuvent le crier haut et fort, le Londonien n'a pas pris l'autoroute pour rejoindre White Hart Lane.

Né à Walthamstow, à 15 minutes du stade, Kane a plutôt pris les chemins de traverse, passant notamment par Arsenal, Millwall et Leicester.

« On pouvait le voir tout de suite, même s'il était jeune, il pouvait frapper un ballon », se rappelle pour l'AFP David Bricknell, entraîneur de l'équipe de jeunes des Ridgeway Rovers, célèbre pour avoir aussi lancé David Beckham.

« Je fais ça depuis plus de 20 ans et il n'y en a probablement qu'une poignée qui s'est démarquée comme ça », ajoute le recruteur de Tottenham. « Nous l'avons eu pendant deux saisons. Il a marqué beaucoup de buts. Arsenal l'a repéré très tôt. Mais, là-bas, ça a été dur à cause de sa mobilité. »

« Harry... Arsenal t'a renvoyé »

La suite, Kane l'a confiée en février dans un article écrit par ses soins sur le site américain The Players Tribune

« Un jour, j'avais huit ans et je me rendais au parc avec mon père », raconte le joueur. « Il a mis son bras sur mon épaule, et il a dit : "Harry... Arsenal t'a renvoyé". Je ne me souviens pas vraiment de ce que j'ai ressenti à ce moment-là. [...] Mais je me souviens de la réaction de mon père et de ce qu'il m'a fait ressentir. Il ne m'a pas critiqué. Il n'a pas critiqué Arsenal. [...] Il a juste dit : "Ne t'inquiète pas, Harry. On travaillera plus dur et on trouvera un autre club, d'accord?" »

Ce fut le premier coup de semonce des difficultés à venir. Kane n'a en effet pas suivi la voie tracée des Michael Owen et Wayne Rooney, destinés depuis le plus jeune âge à devenir les stars de l'Angleterre.

En fait, il rebondit à Watford. Et c'est un triplé contre les Spurs qui a convaincu son club de cœur de l'attirer en 2004. Mais encore une fois, rien n'a été facile.

« Quand il a eu environ quatorze ans, c'était limite pour le garder », assure l'ancien dirigeant de Tottenham, Chris Ramsey, dans le magazine FourFourTwo. « Il a toujours eu du talent, mais il était petit et les petits joueurs ont toujours du mal à percer. »

Ce qui lui manquait à l'accélération, Kane l'a compensé par la volonté. « Un volume de travail » et une « mentalité » impressionnante pour celui qui était alors directeur du centre de formation, Alex Inglethorpe; il se souvient d'un buteur « obsédé par sa finition ».

La lumière dans le canapé

Prêté à Leyton Orient, Millwall et Norwich avant même d'avoir 20 ans, il a pourtant bien failli se décourager. Il part à Leicester, à l'époque en D2, au début de l'exercice 2012-2013.

Barré par la concurrence, Kane touche le fond à force de cirer le banc des « Foxes » (avec Jamie Vardy!). Persuadé par son père de tenir le coup, c'est un documentaire sur Tom Brady, le plus grand quarterback de l'histoire du football américain, qui a alors complètement changé sa vie.

Raillé pour son physique ordinaire, négligé par les recruteurs, Brady n'a été que le 199e choix à la draft, au sixième tour (sur sept). Vexé, Brady en a fait une force pour remporter cinq Super Bowls avec les Patriots de la Nouvelle-Angleterre. 

« J'ai été époustouflé », raconte Kane. « C'était une véritable source d'inspiration. Brady croyait tellement en lui, il a continué à travailler et à travailler, presque obsessionnellement [...] C'est comme si une lumière s'était allumée dans ma tête ce jour-là, là, dans mon canapé à Leicester. »

L'été suivant, trop déterminé à prouver qu'il possède le talent pour au moins s'entraîner avec les Spurs, Kane refuse un nouveau prêt. 

« C'était comme si je pouvais voir mon rêve d'enfant, là devant mes yeux, mais qu'il était hors de portée. J'attendais que quelqu'un me l'apporte. Mais la vie ne vous donne jamais rien, hein? Il faut l'attraper. »

Reste maintenant à le faire avec l'équipe d'Angleterre.