CONAKRY, Guinée - Quand Khadim Ndiaye arrive en voiture au vieux stade du 28-Septembre de Conakry, une nuée d'enfants l'acclament aux cris de « le Lion » ou « Le gardien international », montant sur son capot et improvisant une haie d'honneur.

À 33 ans, le gardien de la sélection du Sénégal, qui s'apprête à vivre sa première Coupe du monde, est la « star » du Horoya Athletic Club, qui domine le modeste championnat de Guinée.

Il fait aussi figure d'exception dans le football d'aujourd'hui, puisqu'il sera le seul Sénégalais en Russie à évoluer sur le continent africain, selon la liste des 23 dévoilée mi-mai par le sélectionneur Aliou Cissé.

« Pas de complexe, je suis professionnel comme eux », expliquait-t-il à l'AFP à l'issue d'un entraînement de fin de championnat à Conakry, alors que ses coéquipiers en sélection font les beaux jours de clubs européens, tels Sadio Mané, qui s'est imposé à Liverpool aux côtés de l'incroyable Mohamed Salah.

« Eux, ils sont à Liverpool, moi je suis à Horoya, mais on partage la même sélection, j'ai le même niveau de compétitivité, les mêmes valeurs », ajoute le natif de Dakar qui, à part un bref passage en Suède, n'avait joué qu'au Sénégal avant de rejoindre la Guinée en 2013.

Porter la culotte

En cinq saisons avec le Horoya AC, il a remporté quatre titres de champion, dont celui de la saison 2017-18 est encore chaud, trois Coupes de Guinée et trois Super coupes. Il a aussi été désigné deux fois meilleur footballeur étranger évoluant en Guinée.

International depuis 2010 (23 sélections), quart-de-finaliste de la CAN 2017, roublard à ses heures quand il faut gagner du temps, il est l'un des tauliers du vestiaire sénégalais, même si sa place de titulaire en Russie n'est pas garantie face à la concurrence du Rennais Abdoulaye Diallo.

Malgré les différences de statut, de notoriété et de salaire, « au niveau de l'ambiance, ça se passe très bien », dit-il. « On est une famille maintenant », une « bande de copains ». 

Le gardien sénégalais dit se « contenter » de « sa » Guinée et de « son » Horoya. « Je ne calcule même pas ça », dit-il. 

Sur le terrain, « chacun va porter une culotte, un maillot, des bas et des protèges tibias ». « Il n'y a pas d'argent (qui compte). Seule la compétitivité va compter là-bas », ajoute-t-il en évoquant le rendez-vous russe – « un rêve d'enfance qui se réalise » –, où le Sénégal affrontera dans le groupe H la Pologne, la Colombie et le Japon.

« C'est un rêve »

Khadim Ndiaye pourra en tout cas compter sur le soutien de son club.

« Tout footballeur rêve de jouer la Coupe du monde. Lui y va avec des professionnels qui jouent en Europe. Je pense qu'il n'y a aucune différence. Il est fin prêt mentalement », confie l'ex-gardien international guinéen et entraîneur-adjoint du Horoya AC, Kemoko Camara.  

« Ça va nous faire plaisir de le regarder à la télévision et de dire à nos amis: lui, c'est un frère, un ami, on joue dans le même club, dans le même championnat », se réjouit l'attaquant burkinabè du club de Conakry, Ocansey Mandela.

« Tous ses amis jouent en Europe mais lui joue la Ligue africaine des champions. Chaque week-end, eux, ils jouent là-bas. Mais nous aussi, on attend les Mamelodi Sundowns (Afrique du Sud), les WAC de Casablanca (Maroc), on est sur les jambes comme les Européens », soutient son capitaine en club, Aboubacar Camara.

Evoluer en Guinée a même constitué une chance, explique Khadim Ndiaye. « C'est au moment où je n'avais plus d'espoir, que je ne pensais plus à cette équipe nationale, que cette famille de Horoya m'a adopté, m'a donné un temps de jeu », se souvient-il.

« Cette Coupe du monde, c'est une chance qui sourit pour l'Afrique. Mon challenge personnel, c'est de montrer à toute l'Afrique que ce n'est pas qu'en Europe que ça se passe. En Afrique aussi, il y a des joueurs pétris de talent. »