LE CAP, Afrique du Sud - Les Bafana Bafana ont quitté la Coupe du monde la tête haute. Mais les Sud-Africains auront encore plusieurs défis à relever pour effectuer une véritable percée sur la scène mondiale et devenir de véritables aspirants.

Les jeunes joueurs ont besoin de bons entraîneurs, d'une bonne éducation et d'une garantie qu'ils auront au moins un bon repas par jour dans un pays où la majorité noire, la pierre d'assise du football, demeure confrontée à la pauvreté et à une pénurie de bonnes écoles.

L'entraîneur de l'Ajax du Cap, Foppe de Haan, un Néerlandais qui a déjà piloté la sélection des moins de 20 ans des Pays-Bas, voit un bon potentiel mais il est avant tout conscient du travail qu'il reste à accomplir.

Il a déclaré mercredi que l'Afrique du Sud a besoin d'un "plan directeur" et doit utiliser les profits découlant de l'organisation de la Coupe du monde pour investir dans la jeunesse, créer une ligue de premier niveau et attirer des entraîneurs étrangers.

La victoire de 2-1 contre la France, l'une des puissances du football ces 30 dernières années, a donné lieu à un quasi délire en Afrique du Sud, faisant croire que la sélection nationale est en forte progression, même si ça n'a pas suffi à éviter l'élimination au premier tour.

"Je crois qu'il y a la fondation d'un avenir brillant pour le football sud-africain", a déclaré l'entraîneur des Bafana Bafana Carlos Alberto Parreira, un Brésilien.

La réalité, par contre, est tout autre. C'est une réalité que le président du conseil de l'Ajax du Cap, John Comitis, connaît trop bien.

Pour l'entraînement quotidien, l'Ajax envoie cinq autobus dans les villages environnants du Cap, qui ont vu se développer des joueurs tels que Benni McCarthy et Quinton Fortune. Ce qu'ils en ramènent encore aujourd'hui, ce sont surtout des ventres vides.

"Certains de ces joueurs-là ont droit à un repas satisfaisant par jour, et c'est celui qu'ils mangent à l'Ajax, a noté Comitis. Ils n'ont pas eu de petit déjeuner, à peine deux tranches de pain.

"La nutrition, selon moi, est quelque chose qui va prendre beaucoup de temps à corriger. Nous le vivons encore aujourd'hui."

L'éducation est également une source d'inquiétude.

"Les jeunes n'ont pas appris à apprendre quelque chose", a souligné De Haan.

Les enfants noirs se retrouvent souvent dans des classes trop nombreuses, où la créativité vient loin derrière le souci d'une discipline très stricte.

Dans le contexte, un bon coaching devient essentiel. Mais même cela fait cruellement défaut en Afrique du Sud.

L'Ajax du Cap a été mis sur pied en relation étroite avec l'Ajax d'Amsterdam, qui profite d'une excellente structure de coaching au niveau juvénile. Ailleurs en Afrique du Sud, toutefois, il est difficile de trouver de bons entraîneurs chez les jeunes.

"C'est la plus grande faiblesse du football sud-africain dans son ensemble et pour cela, nous pouvons seulement blâmer (la Fédération sud-africaine de football)", a déclaré Comitis.

De Haan s'est d'ailleurs plaint que la Fédération sud-africaine ne lui a jamais demandé, ni à l'entraîneur serbe des Kaiser Chiefs, Vladimir Vermezovic, de travailler à développer le football juvénile au pays.

"Nous savons comment ça marche. Ils devraient s'asseoir à la même table que nous, a lancé De Haan. Mais ils nous voient davantage comme l'ennemi."

"En 10 années avec l'Ajax du Cap, jamais un employé technique (de la Fédération) ne m'a rendu visite", s'est quant à lui plaint Comitis.

Et s'ils ne veulent pas se tourner vers les entraîneurs étrangers, ils devraient au moins chercher à s'inspirer du programme de rugby du pays, qui a produit deux équipes championnes du monde au cours des 15 dernières années.

"Ce sont les meilleurs au monde, a souligné De Haan. Ils recherchent des athlètes de talent et les envoient à des écoles spéciales. Ils devraient faire la même chose au football."