BERLIN (AP) - La scène se passe un fameux soir de juillet 1998. A la 27e minute d'une finale de Coupe du monde désormais entrée au panthéon du sport français, Zinédine Zidane se tient sagement à l'angle de la ligne des six mètres de la surface de réparation.

Bientôt le ballon va s'élever dans les airs, et bientôt Zidane va le propulser au fond des filets brésiliens. En récidivant de l'autre côté du but 18 minutes plus tard, celui qui deviendra "Zizou" pour tous les Français dans les jours qui suivront, vient de donner un tournant décisif à sa carrière et à sa vie.

C'est ce soir de sacre mondial, auréolé de deux buts décisifs et d'une prestation d'exception qui lui vaudra le titre de meilleur joueur de la finale, que Zinédine Zidane est devenu l'icône du soccer français, son visage et son guide.

Plus encore, son aura déborde d'un coup le cadre sportif pour envahir les rues, à l'image des Français inondant le pays au coup de sifflet final: Zidane est le modèle d'une France qui gagne. Dans les enquêtes d'opinion, il devient la personnalité la plus aimée des Français, détrônant au passage l'abbé Pierre.

Le capitaine des Bleus, 34 ans depuis le 23 juin, disputera dimanche soir à Berlin une deuxième finale de Coupe du monde, contre l'Italie, avant de tirer sa révérence.

L'enfant de La Castellane, un quartier de Marseille, avait marqué de son empreinte son entrée chez les Bleus, le 17 août 1994. D'un maître doublé (déjà), réalisé en deux minutes contre la République tchèque, "Yahzid" avait été le sauveur d'une équipe de France en reconstruction après le désastreux échec de la campagne de qualification pour le Mondial 94.

En 1996, lors de l'Euro anglais, Aimé Jacquet, futur entraîneur adulé, avait compris toute l'influence prépondérante que pouvait avoir le nouveau numéro 10 des Bleus sur le jeu français, malgré une prestation très décevante. Fatigué par une saison sans fin avec Bordeaux et affaibli par un accident de la route peu avant la compétition, Zidane n'avait été que l'ombre de lui-même, mais avait tout de même disputé toutes les rencontres de la France.

Mais pour Zidane comme pour le soccer français, il y aura donc eu un "avant" et un "après" 12 juillet 1998. Au sortir de cette campagne triomphale, l'équipe de France est au sommet et les Bleus seront inaccessibles pendant deux années.

Pour "Zizou", l'équipe de France est une deuxième maison, plus chaleureuse sans doute que celle de la Juventus Turin, avec laquelle il n'arrive pas à soulever de trophée majeur après 1998. L'Euro 2000 le consacre définitivement comme l'un des plus grands meneurs de jeu de l'histoire du football. Sa régularité dans l'excellence propulse la France vers un doublé Mondial-Euro inédit dans ce sens, et "Zizou" change à nouveau de statut.

En plus d'être un artiste, les premiers signes d'un leadership apparaissent chez lui, à un moment où certains cadres historiques des Bleus décident de tirer leur révérence (Deschamps, Blanc). En inscrivant le penalty en or en demi-finale de l'Euro face au Portugal, Zidane assume son rôle de Messie en sélection.

C'est aussi, sans doute, le début d'une erreur, pour lui comme pour l'ensemble des joueurs et des supporters des Bleus. A trop souvent sauver la France, on en oublierait que Zidane ne peut pas tout faire tout seul, du moins pas toujours.

L'échec lamentable de la sélection française à la Coupe du monde 2002 est à mettre à ce crédit: bâtie "autour de" et "pour" Zizou, l'équipe de France se retrouve sans voix quand celui-ci se blesse cinq jours avant le début de la compétition. Son retour pour le dernier match de poule est programmé comme celui du "Sauveur". Peine perdue, à court de préparation, la France fait ses valises sans gloire.
L'Euro 2004, c'est sûr, sera celui de la rédemption. La France du soccer croit avoir raison quand un Zizou transparent dans le jeu anéantit en deux minutes les espoirs anglais dans les arrêts de jeu: un coup franc divin, un penalty miraculeux, et Zidane est définitivement l'Elu.

Pourtant, ce sont d'autres futurs Dieux, les Grecs, qui mettront un coup final à l'illusion: les Bleus sont battus, et Zidane n'aura même pas pu multiplier les passes.

Zidane annonce peu après sa retraite internationale mais se laisse convaincre de revenir en équipe de France un an plus tard. Il explique avoir pris cette décision après plusieurs discussions avec le sélectionneur national Raymond Domenech et "après une longue réflexion". Son retour contribue à la qualification sur le fil des Bleus pour le Mondial en Allemagne, où sa maestria couplée à l'esprit d'équipe retrouvé des Bleus leur a permis d'atteindre la finale.

Zidane, c'est aussi une immense carrière en club. Un autre aspect de sa carrière qui l'aura vu débuter dans les rangs chez les professionnels de l'AS Cannes en 1986, avant de rejoindre les Girondins de Bordeaux en 1992 pour quatre années marquées par son amitié avec Christophe Dugarry et Bixente Lizarazu, deux autres champions du monde. En 1996, il marche sur les traces de Michel Platini en signant à la Juventus Turin. Son transfert record à l'été 2001 pour 75,1 millions d'euros au Real Madrid lui permet d'assouvir son rêve: remporter enfin la Ligue des Champions, avec à la clé un but d'anthologie en finale contre Leverkusen en mai 2002.

La vie et la carrière de Zidane

34 ans, né le 23 juin 1972 à Marseille (Bouches-du-Rhône)
1,87 m, 81 kg
107 sélections, 30 buts
- Clubs successifs:
US Saint-Henri, SO Septèmes
AS Cannes (1986-1992)
Girondins de Bordeaux (1992-1996)
Juventus de Turin (1996-2001)
Real de Madrid (2001-2006)
- Palmarès:
Vainqueur de la Coupe du monde 1998
Vainqueur du championnat d'Europe des Nations 2000
Vainqueur de la Ligue des Champions 2002
Double vainqueur de la Coupe intercontinentale 1996 et 2002
Double vainqueur de la Supercoupe d'Europe 1996 et 2002
Double finaliste de la Ligue des Champions (1997 et 1998)
Finaliste de la Coupe de l'UEFA (1996)
Deux fois champion d'Italie (1997 et 1998)
Champion d'Espagne 2003
Vainqueur de la Supercoupe d'Italie 1997
Deux Supercoupes d'Espagne (2001 et 2003)
Deux fois finaliste de la Coupe d'Espagne (2002 et 2004)
Ballon d'Or (1998)
Meilleur joueur de l'année FIFA (1998, 2000 et 2003)
Meilleur joueur de l'année UEFA (2002).[[PUBPC]]