ROME (AFP) - Gangréné par la violence, le soccer italien n'a plus le choix: l'émoi provoqué par la mort de Filippo Raciti, le policier tué lors d'affrontements avec des tifosi à Catane vendredi, doit conduire le gouvernement et les institutions sportives à décider de mesures énergiques.

L'ensemble du soccer s'est arrêté net depuis 48 heures. Et on ne sait pas quand et comment il reprendra: du jamais vu en Italie.

Romano Prodi, le chef du gouvernement, et les dirigeants sportifs sont au diapason: tant que tout ne sera pas mis en oeuvre pour mettre fin à la violence incontrôlée qui pourrit le Calcio, il n'y aura pas un seul match dans le pays.

"La suspension des championnats est une décision sur laquelle je ne bouge pas tant que je n'aurai pas affronté les questions les plus importantes avec le gouvernement", a déclaré dimanche Luca Pancalli, le commissaire extraordinaire de la Fédération italienne de soccer (FIGC).

Dès lundi matin, une réunion extraordinaire doit rassembler Romano Prodi, le ministre de l'Intérieur Giuliano Amato, la ministre des Sports Giovanna Melandri, le président du Comité olympique (Coni) Gianni Petrucci et Luca Pancalli.

"Nous prendrons les mesures nécessaires, a affirmé de son côté M. Amato. Nous ferons comprendre à ces gens que c'est fini, qu'on ne peut pas aller au stade avec des bombes ou des barres de fer. Nous les arrêterons, quitte à arrêter le soccer".


Responsabiliser les clubs

La presse italienne estimait dimanche que les différents championnats pourraient être suspendus deux semaines et recommencer ensuite à huis clos.

D'autres mesures envisagées par le gouvernement pourraient également conduire à l'interdiction pour les supporteurs de se déplacer lors des matches à l'extérieur, voire à l'organisation des rencontres à hauts risques le matin.

L'Italie dispose toutefois déjà d'un arsenal législatif - la loi Pisanu - destiné à réduire les violences dans les stades et qui impose notamment des billets numérotés et nomimatifs ainsi que des contrôles de sécurité renforcés.

Mais, pour l'instant, de très nombreuses dérogations ont rendu son application inopérante.

Dimanche, à la suite d'une réunion extraordinaire, le Coni a notamment préconisé de responsabiliser les clubs par rapport à leurs tifosi.

Cela fait des années que la violence, mais aussi le racisme, était devenue chose coutumière autour des terrains de football. Coutumière au point d'en devenir anodine.

La mort d'un policier de 38 ans, qui plus est quelques jours après le décès d'un dirigeant d'une équipe amateur à la suite d'une altercation avec des supporteurs adverses, a violemment rappelé le pays à la réalité.

Un peu comme en janvier 1995, lorsqu'un jeune supporteur avait été poignardé et tué en marge d'un match entre le Genoa et l'AC Milan. La tragédie avait à l'époque elle aussi provoqué un fort émoi entraînant notamment l'annulation, le dimanche suivant, de toutes les manifestations sportives.

"Plus jamais ça", avaient alors dit en choeur tous les responsables politiques et sportifs, ce qui devrait aujourd'hui encore plus inciter gouvernement et dirigeants sportifs à frapper fort.

De leur côté, selon la presse, les présidents de clubs et de la Ligue professionnelle (Lega Calcio), inquiets d'éventuelles conséquences économiques, opposeraient eux une "ligne plus souple" de mesures.