Un an plus tard que prévu, le Championnat de football d'Europe a pris son envol, vendredi, avec 24 nations qui joueront dans 11 villes différentes du Vieux Continent, et ce, jusqu'au 11 juillet avec la présentation de la finale au stade Wembley, à Londres.

Le Portugal se porte à la défense de son titre, remporté en 2016 en prolongation 1-0 contre la France, au Stade de France. Le hasard faisant bien les choses, le Portugal et la France évolueront au sein du groupe F, baptisé le « groupe de la mort », dans lequel se trouvent aussi l'Allemagne et la Hongrie.

Si le Portugal se présente à titre de champion en titre, la France arrive à la compétition trois ans après son triomphe à la Coupe du monde, en Russie. Et si les Français sont perçus par plusieurs comme les grands favoris de la compétition, la Belgique et l'Angleterre pourraient fort bien s'interposer sur leur chemin.

« Je ne sais pas si les qualifications vont donner ça, mais je verrais la Belgique contre l'Angleterre en finale », avance Patrick Leduc, un fin connaisseur du soccer international et directeur de l'Académie du CF Montréal, qui a accepté de brosser un portrait des six groupes pour le compte de La Presse Canadienne.

« Est-ce que ce sera France-Belgique? Je serais heureux de voir une finale France-Belgique; je pense que ça donnerait quelque chose de spectaculaire. Je pense qu'Angleterre-Belgique, ça donnerait une bonne finale aussi.

« Je vais rester sur mon favori : je crois que c'est la Belgique qui va l'emporter », a ajouté Leduc, qui admet souhaiter une finale réunissant deux équipes qui prônent l'attaque.

Pour mériter le premier titre de son histoire à l'un des deux plus prestigieux tournois de soccer international, la Belgique (groupe B) pourrait devoir jouer dans cinq villes différentes, soit à Saint-Pétersbourg et à Copenhague pendant la phase de groupes, de même qu'à Séville, Munich et à Londres lors du volet éliminatoire. En comparaison, l'Angleterre (groupe D) pourrait disputer tous ses matchs à Londres, sauf un, à Rome lors des quarts de finale.

« Je dirais que c'est l'inconnu du tournoi, l'expérience qui va peut-être déranger certaines équipes et en favoriser d'autres », note Leduc, en parlant du fait que le tournoi se déroulera dans plusieurs villes de pays différents.

Voici un portrait sommaire des six groupes du tournoi, incluant le calendrier des matchs, accompagné des analyses de Patrick Leduc.

Groupe A : l'Italie, en principe, mais?

Forces en présence (position au classement de la FIFA) :

Italie (7e), Suisse (13e), Pays de Galles (17e), Turquie (29e)

Matchs (heures du Québec)

Vendredi 11 juin : Turquie 0 Italie 3

Samedi 12 juin : Pays de Galles c. Suisse (Bakou – 9 h)

Mercredi 16 juin : Turquie c. Pays de Galles (Bakou – 12 h)

Mercredi 16 juin : Italie c. Suisse (Rome – 15 h)

Dimanche 20 juin : Suisse c. Turquie (Bakou – 12 h)

Dimanche 20 juin : Italie c. Pays de Galles (Rome – 12 h)

« Je le trouve très ouvert, note Leduc, en parlant du groupe. C'est sûr que, traditionnellement, la nation forte, c'est l'Italie. Est-ce qu'ils sont encore en transition? J'ai l'impression que oui. L'équipe a été, disons, moins compétitive lors des grandes compétitions internationales des dernières années. Donc, il y a un renouvellement. Est-ce qu'ils sont prêts?

« Je pense que quand les Italiens ont du succès, c'est quand ils commencent lentement, ils se qualifient de peine et de misère, mais après, ils vont aller faire tomber des têtes de série lors de la phase éliminatoire. »

Or, la formation italienne a entamé le tournoi avec aplomb en signant une victoire claire et nette de 3-0 lors du match inaugural, vendredi, à Rome, contre la Turquie.

« Est-ce que le Pays de Galles peut faire aussi bien qu'au dernier Euro? Ils sont étonnants. Je pense que Gareth Bale est un joueur qui transporte cette équipe, et derrière, ça défend quand même bien. Sauf que l'élément surprise n'est pas aussi grand qu'il l'était il y a quatre ans, souligne Leduc.

« Il s'estompe. Je pense que personne ne va les négliger. (Les clubs adverses) vont vraiment neutraliser Bale du mieux possible et après, il n'y a pas beaucoup d'alternatives. Je ne pense pas que le Pays de Galles va faire aussi bien cette année. »

« La Suisse, dont on attend moins, est une équipe qui compte beaucoup de joueurs qui arrivent au sommet de leur carrière. S'ils s'unissent, je pense que ce sont eux qui vont surprendre dans le groupe. Les Suisses, je les vois faire mal dans cet Euro si tout le monde est en forme. »

« Après, il y a la Turquie. On peut parler d'un "outsider", mais c'est une belle équipe, c'est une équipe avec pas mal d'offensive, avec des joueurs qui sont en train de prendre de la place. Ça ne m'étonnerait pas, si la Turquie fait bien, que des joueurs sortent de l'ombre. »

Groupe B : la Belgique semble bien en selle

Belgique (1), Danemark (10e), Russie (38e), Finlande (54e)

Samedi 12 juin : Danemark c. Finlande (Copenhague – 12 h)

Samedi 12 juin : Belgique c. Russie (Saint-Pétersbourg – 15 h)

Mercredi 16 juin : Finlande c. Russie (Saint-Pétersbourg – 9 h)

Jeudi 17 juin : Danemark c. Belgique (Copenhague – 12 h)

Lundi 21 juin : Russie c. Danemark (Copenhague – 15 h)

Lundi 21 juin : Finlande c. Belgique (Saint-Pétersbourg – 15 h)

« (Une surprise) peut toujours se produire, mais je pense qu'il y a une nette différence », affirme Patrick Leduc, lorsque vient le temps de comparer la Belgique avec ses trois rivaux du groupe B.

« Avec la Belgique, on a des joueurs qui, individuellement, devraient avoir faim. Kevin De Bruyne vient de participer à la finale de la Ligue des Champions (Manchester City). Il s'est blessé, il devrait participer au tournoi quand même (NDLR : il devrait être absent, samedi), mais il n'est pas encore repu. Il veut gagner quelque chose. Eden Hazard a été blessé toute l'année, mais on dirait qu'il va arriver en forme juste à temps pour connaître, peut-être, un bon tournoi. Romelo Lukaku vient de gagner le championnat d'Italie, et il est l'un des meilleurs marqueurs.

« La Belgique a tous les ingrédients, elle n'a pas vraiment de faiblesses. Elle a des joueurs qui ont gagné dans leur club et une équipe qui a un travail à finir. »

« La Finlande participera pour la première fois à un tournoi comme celui-là; elle est heureuse d'être là.

« La Russie a surpris à la dernière Coupe du monde, mais elle était le pays-hôte. Il y a de bons joueurs, mais je ne trouve pas que c'est une équipe extrêmement forte. Je me souviens que lors d'un Euro – je pense que c'est en 2008 – les Russes avaient été très bons alors que personne ne les attendait. Je serais étonné qu'ils reproduisent une performance comme ça. »

« Il y a le Danemark qui, d'après moi, devrait se qualifier. Le Danemark a un bon gardien en Kasper Schmeichel, il compte sur des défenseurs qui jouent en Premier League. Il y a (le milieu de terrain) Christian Eriksen, qui a vieilli un peu, mais qui est un très bon joueur, et il y a des attaquants qui pourraient nous surprendre, Yussuf Poulsen, entre autres. Il y a un petit quelque chose dans cette équipe. Le Danemark a souvent bien fait à l'Euro, et l'a même déjà gagné. Je ne suis pas sûr que c'est une année où il pourrait aller jusqu'au bout. »

Groupe C : les Pays-Bas, même sans Van Dijk

Pays-Bas (16e), Autriche (23e), Ukraine (24e), Macédoine du Nord (62e)

Dimanche 13 juin : Autriche c. Macédoine du Nord (Bucarest – 12 h)

Dimanche 13 juin : Pays-Bas c. Ukraine (Amsterdam – 15 h)

Jeudi 17 juin : Ukraine c. Macédoine du Nord (Bucarest – 9 h)

Jeudi 17 juin : Pays-Bas c. Autriche (Amsterdam – 15 h)

Lundi 21 juin : Macédoine du Nord c. Pays-Bas (Amsterdam – 12 h)

Lundi 21 juin : Ukraine c. Autriche (Bucarest – 12 h)

« Je m'attends à ce que les Pays-Bas, qui ne veulent pas trop assumer l'étiquette de favoris, le soient quand même. C'est sûr qu'ils n'ont pas (Virgil) Van Dijk, leur défenseur central (blessé). C'est vraiment un gros morceau. Mais ils ont de bons jeunes joueurs un peu partout, en défense, au milieu. J'ai encore un peu de doutes à l'attaque, mais ce sont les favoris (du groupe).

« L'Ukraine a un groupe qui a été extraordinaire chez les jeunes, il y a quelques années, je pense que c'est en catégorie U20. Donc, c'est un pays qui va s'améliorer dans les prochaines années. Je pense que là, c'est un peu tôt, mais il va gagner de l'expérience. »

« L'Autriche pourrait être deuxième de ce groupe. Mais ce n'est pas une puissance.

« Puis la Macédoine du Nord, c'est un pays qui profite du fait qu'il y a plus d'équipes à l'Euro pour se qualifier. Mais elle a vraiment de bons joueurs. Donc, un match Autriche c. Macédoine du Nord, ce n'est pas gagné pour l'Autriche. Je pense qu'il peut y avoir des surprises là. Même Ukraine-Macédoine du Nord. J'aime beaucoup (les milieux de terrain) Enis Barhdi et Eljif Elmas. Ce sont des joueurs qui ont un peu d'expérience internationale. C'est sûr que c'est plus inégal, mais elle pourrait créer des problèmes à certaines équipes.

« Mais je crois que les Pays-Bas et l'Autriche vont se qualifier. »

Groupe D : l'Angleterre, un groupe de joueurs affamés

Angleterre (4e), Croatie (14e), République tchèque (40e), Écosse (44e)

Dimanche 13 juin : Angleterre c. Croatie (Londres – 9 h)

Lundi 14 juin : Écosse c. République tchèque (Glasgow – 9 h)

Vendredi 18 juin : Croatie c. République tchèque (Glasgow – 12 h)

Vendredi 18 juin : Angleterre c. Écosse (Londres – 15 h)

Mardi 22 juin : Croatie c. Écosse (Glasgow – 15 h)

Mardi 22 juin : République tchèque c. Angleterre (Londres – 15 h)

« Si on parlait de la Belgique comme d'un favori qui est affamé, je pense que l'Angleterre est l'autre pays qui est dans la même catégorie, estime Patrick Leduc.

« C'est l'autre pays qui se dit "là, on a vraiment une bonne équipe, même qu'à la dernière Coupe du monde, on aurait dû se rendre plus loin, on l'a échappé contre la Croatie". Là aussi, il y a des histoires à régler.

« Je pense que l'Angleterre devrait remporter le groupe. Elle a beaucoup de profondeur, elle a du mal à faire une sélection de 26 joueurs; ça fait scandale quand tu écartes le 27e.

« L'Angleterre est moins forte, je pense, à chaque position que la Belgique, mais elle a énormément de défenseurs, des latéraux. En attaque, elle a Harry Kane. C'est très, très intéressant. Elle a de bons jeunes joueurs qui sont en train de pousser. Le débat, ça va être qui va jouer, qui devrait jouer, qui devrait faire ceci.

« Je pense que la Croatie est sur le déclin, malgré sa présence en finale lors de la dernière Coupe du monde. C'est une équipe qui vieillit. Je la vois probablement se qualifier, mais ne pas aller très loin.

« L'Écosse est surprise d'être là. Il va y avoir beaucoup d'émotions quand elle va jouer contre l'Angleterre. Oui, ça va être un match sur la fierté, mais je pense que l'Angleterre est plus forte.

« Quant à la République tchèque, il ne faut pas trop la négliger. Il y a quelque chose qui est en train de se mettre en place. Il y a de bons joueurs, mais je pense qu'elle n'est pas encore forte comme d'autres pays qui sont en émergence. Je ne la mettrais pas aux deux premières places. Je resterais avec l'Angleterre et la Croatie dans ce groupe. »

Groupe E : des questions entourent l'Espagne

Espagne (6e), Suède (18e), Pologne (21e), Slovaquie (36e)

Lundi 14 juin : Pologne c. Slovaquie (Saint-Pétersbourg – 12 h)

Lundi 14 juin : Espagne c. Suède (Séville – 15 h)

Vendredi 18 juin : Suède c. Slovaquie (Saint-Pétersbourg – 9 h)

Samedi 19 juin : Espagne c. Pologne (Séville – 15 h)

Mercredi 23 juin : Slovaquie c. Espagne (Séville – 12 h)

Mercredi 23 juin : Suède c. Pologne (Saint-Pétersbourg – 12 h)

« Sur papier, l'Espagne est seule dans ce groupe. Mais là, c'est vraiment de savoir dans quel état l'équipe va être. Est-ce que tout le monde va pouvoir jouer, parce qu'il y a eu un cas positif avec Sergio Busquets. À quel point ça les affecte?

« Ça fait deux ou trois tournois où ils vivent une crise juste avant de commencer. À la Coupe du monde, ils ont perdu leur entraîneur deux jours avant le premier match, ils n'ont jamais vraiment été dans le coup, même si c'est une belle équipe, même s'ils savent ce qu'ils font.

« Je serais surpris qu'ils ne se qualifient pas pour le tour suivant, mais j'ai l'impression qu'ils vont peut-être faire des matchs nuls au lieu de gagner. Je ne les sens pas, cette année. Mais en disant ça, et je ne suis pas le seul à penser ça, peut-être que ça leur enlève de la pression et qu'ils vont être un peu mieux qu'on pense.

« Je dirais que la Pologne repose beaucoup sur (Robert) Lewandowski. Si leur attaquant est en forme, je pense qu'elle peut faire quelque chose de bien.

« Une équipe qui n'est pas la plus agréable à voir jouer, mais qui est souvent rudement efficace en tournoi, c'est la Suède. C'est une équipe qui est forte défensivement, qui est très solidaire, qui neutralise ses adversaires et qui peut gagner sur une contre-attaque, un corner. Ses joueurs sont très grands, ils sont puissants.

« Dans ce groupe, l'Espagne, logiquement, devrait passer, mais après, la Pologne et la Suède, ce sont des équipes qui devraient logiquement, aussi, se qualifier.

« Être un favori, je ne voudrais pas tomber sur la Suède en quarts de finale. Ce serait le genre d'équipe qui ne te ferait pas peur avec son attaque, mais qui va te neutraliser, qui va t'amener en penalty. Tu ne veux pas que ça se règle comme ça. Je vois la Suède comme une équipe qui pose des problèmes. »

Groupe F : la France devrait gagner une lutte à trois

France (2e), Portugal (5e), Allemagne (12e), Hongrie (37e)

Mardi 15 juin : Hongrie c. Portugal (Budapest – 12 h)

Mardi 15 juin : France c. Allemagne (Munich – 15 h)

Samedi 19 juin : Hongrie c. France (Budapest – 9 h)

Samedi 19 juin : Portugal c. Allemagne (Munich – 12 h)

Mercredi 23 juin : Portugal c. France (Budapest – 15 h)

Mercredi 23 juin : Allemagne c. Hongrie (Munich – 15 h)

« C'est sûr que la France, championne du monde, devrait être considérée comme la favorite. Elle ne vit pas toujours bien avec cette étiquette. Mais il n'y a pas de faiblesse au sein de cette équipe. C'est l'embarras du choix pour l'entraîneur. C'est même là où c'est difficile, c'est de prendre des décisions qui vont se retourner contre l'entraîneur si le résultat n'est pas là.

« Mais là, il y a peut-être une inquiétude. Ils ont amené Karim Benzema, il s'est blessé cette semaine lors d'un match amical, est-ce que c'est grave? À la fin, et c'est malheureux, mais ça clarifie la situation pour l'entraîneur. Il n'a pas à faire un choix entre lui et (Kylian) Mbappé, entre lui et (Antoine) Griezmann, entre lui et un autre. La France devrait logiquement s'en sortir.

« L'Allemagne est moins forte qu'à d'autres années. Elle a eu une grosse contre-performance à la dernière Coupe du monde. C'est le dernier projet de Joachin L?w, leur entraîneur. Je pense que l'Allemagne doit miser sur des plus jeunes, mais elle a quand même ramené quelques vétérans, en défense entre autres. C'est comme un signe qu'elle n'est pas encore en pleine confiance avec les jeunes qui sont en émergence.

« Le Portugal, c'est un bel alliage. Cristiano Ronaldo est encore très, très bon. Il doit se placer dans un rôle où il laisse les jeunes se mettre à son service. C'est juste que les jeunes, il faut que ça colle. Il faut que tout le monde accepte que l'on va quand même utiliser Ronaldo là où il est bon, c'est en pointe de l'attaque. Est-ce que ça va faire, disons, de la jalousie dans le groupe parce que d'autres, qui sont en progression, sentent qu'ils n'ont pas assez de place? Je ne crois pas parce que c'est une équipe qui a quand même gagné l'Euro la dernière fois.

« Ce n'est pas une énigme, mais c'est une équipe à deux vitesses, on dirait. Tu as les jeunes, Joao Felix, Diogo Jota, Bernardo Silva; si leur leader, si Ronaldo n'était pas là, ils prendraient énormément de place, ce seraient eux, les nouveaux leaders du groupe et ça ferait une équipe qui n'est peut-être pas aussi forte parce qu'il lui manquerait un attaquant – le meilleur marqueur de l'histoire de la Ligue des Champions – mais ils prendraient plus de place.

« Soit que le Portugal va être super uni et que ça va bien marcher, soit qu'il sera un peu insatisfait, et que ça va partir dans un peu n'importe quelle direction, chacun pour soi. Ça va être intéressant, mais je pense que je vais le mettre troisième. »