MADRID - La finale de la Ligue des champions oppose samedi deux clubs d'une même ville, le Real Madrid et l'Atletico Madrid, pour un derby qui confronte deux mondes, deux philosophies et deux destins entre des « Merengues » très fortunés et des « Colchoneros » qui le sont beaucoup moins.

Deux mondes

D'un côté le stade Santiago-Bernabeu, sur le Paseo de la Castellana, grande artère madrilène avec ses hôtels de luxe, ses boutiques et ses sièges d'entreprises. De l'autre le stade Vicente-Calderon, le long du fleuve Manzanares et entouré d'immeubles populaires et de "cafeterias" bon marché.

Moins de 10 kilomètres séparent les deux enceintes mais chaque camp a son territoire: les « Indios » (Indiens) au sud, près du fleuve, et les « Vikingos » (Vikings) au nord, dans les quartiers d'affaires.

Jouant sur cette image de club ouvrier, l'entraîneur de l'Atletico Diego Simeone a souvent fait vibrer la corde sensible cette saison: « La pression, ceux qui l'ont sont tous ces gens qui luttent pour donner à manger à leurs enfants à la fin du mois ».

Mais il serait hâtif d'en déduire que le Real est le club des classes aisées et l'Atletico celui des classes populaires. On trouve des supporters de chacun des deux camps à tous les niveaux de la société madrilène: le roi Juan Carlos suit régulièrement le Real tandis que son héritier, le prince Felipe, assiste aux matches de l'Atletico.

Ce qui est sûr, c'est que « El Madrid » est, avec plus de 500 millions d'euros, le club qui génère le plus de revenus au monde. « El Atleti » a un budget au moins quatre fois inférieur, ce qui ne l'a pas empêché samedi dernier de remporter la Liga au nez et à la barbe du duo Real-Barça.

Deux philosophies

Entre le Real et l'Atletico, ce sont aussi deux conceptions du football opposées.

Les valeurs d'engagement, de combat et d'abnégation sont au centre de l'identité de l'Atletico, comme le résume l'hymne du club, repris en choeur avant chaque match à domicile: « En jouant, en gagnant, tu te bats comme le meilleur ».

« Être de l'Atletico, c'est être fier de tes joueurs parce que chaque fois qu'ils sont sur le terrain, ils donnent tout et on ne peut rien leur demander de plus », résume le milieu Koke.

Au Bernabeu, en revanche, les supporters chantent beaucoup moins et préfèrent applaudir les beaux gestes, même ceux des joueurs adverses.

L'ère des « Galactiques » a habitué le public à voir évoluer les meilleurs joueurs du monde et l'hymne du club en témoigne: "Madrid, champ d'étoiles où j'ai grandi".

« L'histoire, la tradition de ce club, c'est un jeu offensif, un jeu spectaculaire et nous allons travailler pour pouvoir jouer un football qui puisse rendre heureux les supporteurs », a résumé l'entraîneur italien Carlo Ancelotti le jour de sa prise de fonctions.

Deux destins

Les deux clubs ont été fondés à un an d'intervalle, en 1902 pour le Real et en 1903 pour l'Atletico. Mais en terme de palmarès, le Real est un géant à côté de son voisin, avec neuf C1, deux C3, 32 titres de champion d'Espagne...

Les « Colchoneros » comptent aussi deux C3 mais ils ont perdu la seule finale de C1 qu'ils ont disputée, en 1974 face au Bayern Munich (1-1 a.p., 4-0 en finale rejouée), ce qui a contribué à alimenter leur image de « pupas », un terme désignant des malchanceux chroniques.

Toutefois, la Liga remportée samedi, la dixième de leur histoire mais la première depuis 18 ans, a peut-être conjuré le sort.

Et la fontaine du dieu Neptune, sur le Paseo del Prado, pourrait accueillir une nouvelle célébration samedi soir. À moins que le Real ne l'emporte à nouveau et que ses supporteurs se rassemblent à 500 mètres de là, autour de la fontaine de la déesse Cybèle (« Cibeles »).