BRUXELLES - Les « Diables rouges » n'ont pas encore gagné leur billet pour le Mondial 2014 de football au Brésil, mais les bons résultats de l'équipe d'Eden Hazard font souffler un rare souffle d'unité sur une Belgique très divisée entre Wallons et Flamands.

Privés de tout grand tournoi depuis le mondial 2002 au Japon et en Corée du Sud, les Belges rêvent déjà des plages de Rio, espérant revivre l'épopée mexicaine de 1986 qui avait conduit leur équipe jusqu'en demi-finale.
 

À quatre matches de la fin des qualifications, Eden Hazard (Chelsea), Vincent Kompany (Manchester City) et les autres membres de la nouvelle « génération dorée » du foot belge trônent en tête de leur groupe, à égalité avec la Croatie.
 

Mardi dernier, les hommes du sélectionneur Marc Wilmots ont battu la Macédoine 1 à 0 à Bruxelles, devant plus de 47.000 spectateurs enthousiastes, alors qu'aux abords du stade et dans les cafés de Bruxelles, francophones et néerlandophones fraternisaient autour d'une fierté retrouvée, verre de bière à la main.
 

« On a eu beaucoup de conflits politiques en Belgique mais j'ai remarqué que le football ramène les gens ensemble. Wallons, Bruxellois et Flamands, on est tous les mêmes et on est tous là pour supporter la Belgique », s'enthousiasmait un partisan flamand.
 

Coupe du monde et élections
 

Hasard du calendrier, la prochaine Coupe du monde de football débutera dans la patrie de Pelé le 12 juin 2014, deux semaines à peine après les élections législatives belges, prévues le 25 mai.
 

Si les « Diables rouges » se qualifient pour le Brésil, leur préparation, qui coïncidera donc avec la campagne électorale, mettra en avant de jeunes Flamands et Wallons unissant leur talent pour porter haut les couleurs du pays.
 

Bien loin donc des images de deux communautés incapables de former un gouvernement pendant plus de 500 jours après les élections de 2010.
 

Au sein de l'équipe, joueurs et entraîneur s'aventurent parfois sur le terrain politique. En octobre, après une victoire sur l'Écosse, Marc Wilmots, le sélectionneur, respecté tant en Flandre qu'en Wallonie, avait encouragé ses compatriotes à « rester unis ».
 

Le capitaine, Vincent Kompany avait de son côté lancé « La Belgique est à tout le monde, mais ce soir, elle est surtout à nous ».
 

Pour les Belges, l'allusion était claire: elle visait le chef des indépendantistes flamands, Bart De Wever, qui venait de remporter deux jours plus tôt la mairie d'Anvers (nord) en déclarant « Anvers est à tout le monde, mais ce soir, elle est à nous ».
 

« Moi je joue avec mes collègues belges, je ne joue pas avec mes collègues flamands », explique le Wallon Eden Hazard.
 

Supporter la Belgique et voter flamand
 

Pour le politologue flamand Dave Sinardet, il n'est toutefois pas certain que ce regain de patriotisme belge pénalise en mai 2014 la Nouvelle Alliance flamande (N-VA) de De Wever, actuellement créditée de 35 à 40% des intentions de vote en Flandre.
 

« On peut très bien être un grand partisan de l'équipe nationale de football et voter pour la N-VA, parce que les électeurs de ce parti ne sont pas tous séparatistes ou anti-Belges, ou pour une Flandre indépendante. Ce sont souvent aussi des gens qui votent pour le discours plutôt libéral, anti-taxes de la N-VA », souligne-t-il.
 

Les partis prônant l'unité de la Belgique tentent déjà malgré tout de profiter de l'engouement croissant autour de l'équipe nationale. Le Premier ministre, le socialiste francophone Elio Di Rupo, s'est d'ailleurs affiché mardi, le jour du match contre la Macédoine, avec une écharpe aux couleurs de la Belgique en plein conseil des ministres.
 

La monarchie belge, autre institution décriée par la N-VA, n'est pas en reste. « Cette équipe nationale, c'est formidable pour la Belgique », a confié à l'AFP le prince héritier Philippe en quittant le stade mardi soir.