NAPLES (AFP) - "J'ai l'impression de respirer le même parfum qu'à l'époque de Maradona": les 60.000 spectateurs du mythique San Paolo de Naples s'apprêtaient lundi à retrouver la splendeur d'un match contre la Juventus, devenu pour une saison le sommet du Championnat d'Italie de soccer de 2e division.

C'était il y a vingt ans, mais Giovanni, "jeune retraité" de 58 ans, s'en souvient comme hier. "On venait d'acheter Maradona, raconte-t-il aux abords du stade. Contre la Juve, il avait marqué un but extraordinaire et nous l'avions emporté ici, à San Paolo. Ce soir-là, Naples commençait à grandir, et c'était aussi fort que de remporter le Championnat."

"Si l'on m'avait dit qu'on se retrouverait en 2e division vingt ans plus tard, je ne l'aurais pas cru", ajoute-t-il.

Depuis l'époque glorieuse de la fin des années 80, les Napolitains ont connu l'enfer de la 3e division. La "Vieille Dame", elle, a été championne d'Europe, mais elle se retrouve aujourd'hui au purgatoire pour une énorme affaire de matches truqués.

Un Naples-Juventus ne revêt plus le même enjeu qu'autrefois, mais à deux heures du coup d'envoi - prévu à 20H00 GMT -, les chants venus des deux virages, la bordée de sifflets accueillant les joueurs bianconeri et les coups de tonnerre assourdissants des pétards donnent plutôt des airs de Ligue des Champions à la rencontre.

"La rivalité avec la Juve, ça fait quarante ans qu'elle dure, c'est une lutte perpétuelle", explique Giuseppe, la quarantaine, qui se dit "en extase" avant le match. "Peu importe le classement au Championnat (après dix journées, la Juventus est 5e, Naples 8e), si on gagne ce soir, on se fout du reste", poursuit-il.

"On ne parle plus que de ça"

Au pied du "San Paolo", une immense structure de fer peu éloignée du centre-ville, les vendeurs à la sauvette font le plein pour cette soirée particulière, tandis que de jeunes resquilleurs tentent d'escalader des grilles de quatre mètres de haut pour entrer sans payer.

Les autorités ont déployé près d'un millier de policiers et de carabiniers pour une rencontre qui, malgré la 2e division, demeure à hauts risques. Dans le ciel, un hélicoptère effectue des va-et-vient incessants au-dessus de la pelouse.

"Ici, les gens venaient à 30.000 pour des rencontres de 3e division. Alors tu imagines, revoir la Juve à Naples, ce que ça représente pour eux", explique Sergio, un enseignant de 42 ans venu d'Avellino, à une cinquantaine de kilomètres de la grande métropole du sud.

"Pour une rencontre comme celle-ci, toute la ville se mobilise. Dans les écoles, au bureau, on ne parle plus que de ça, il n'y a qu'ici qu'on vit la chose de cette manière", raconte-t-il, une écharpe bleu ciel autour du cou.

"Avec un stade pareil et autant de tifosi, Naples ne mérite vraiment pas la 2e division", pense-t-il aussi, avant d'ajouter: "pour l'image de la ville, mais aussi pour l'économie locale, ce serait bon que Naples remonte dans l'élite."