L'Allemagne découvre le huis clos, adieu spectacle et bonjour silence
Europe lundi, 11 mai 2020. 08:38 jeudi, 12 déc. 2024. 01:29BERLIN - Silence de cathédrale, consignes audibles de tous... Jouer au football à huis clos, comme la Bundesliga doit le faire samedi pour sa reprise, représente un crève-coeur pour les joueurs et les supporters, d'autant que l'Allemagne n'a pas la culture des tribunes vides.
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« On ne prend aucun plaisir ». Le constat implacable est signé par l'entraîneur de Mönchengladbach Marco Rose, le 11 mars dernier, après la victoire contre Cologne (2-1) lors de l'unique match à huis clos de l'histoire de la Bundesliga.
« Nous avons gagné mais ça ne change rien au fait que sans fans, ce n'est pas le football que nous aimons. Nous avons tous été très professionnels, mais nous tous savons maintenant encore mieux qu'avant combien les supporters sont importants dans ce sport », avait-il ajouté.
Premier championnat majeur à reprendre après une interruption de plus de deux mois en raison de la pandémie de coronavirus, le championnat allemand va renouer avec le fil de la saison 2019-2020 le 16 mai dans des enceintes vides.
« C'est différent, il manque quelque chose, on dirait un match amical, c'est dur de le prendre au sérieux. Sur le terrain j'ai même trouvé que c'était un peu plus pénible qu'un match normal, parce qu'on se sent en mode entraînement », expliquait mi-mars Christoph Kramer, milieu du Borussia.
« Il manque quelque chose, et quelque chose d'énorme. C'est juste angoissant et d'une certaine façon, ça n'a rien à voir avec du football », renchérissait Deniz Aytekin, l'arbitre de la rencontre.
Un football coupé des émotions
L'impossibilité de rassembler du public, désormais appelée à devenir monnaie courante en raison de la pandémie, a conduit plusieurs pays comme l'Espagne, l'Angleterre ou l'Italie, à faire du huis clos leur « doctrine » pour une éventuelle reprise des compétitions.
Une configuration qui donne lieu à des scènes surréalistes.
« Nous étions tous un peu plus à cran que d'habitude, parce qu'on entend plus ce que dit le banc adverse et ce que se disent les arbitres entre eux. On entend aussi le moindre mot des joueurs, et je peux coacher d'un bout à l'autre du terrain », fait valoir Markus Gisdol, l'entraîneur de Cologne.
En Espagne, l'image d'un Camp Nou de 99.000 places vide, silencieux, fantomatique lors du dernier match joué à huis clos à Barcelone, le 1er octobre 2017 entre le Barça et Las Palmas, restera gravée longtemps dans les mémoires des Catalans, privés de gradins en raison de la crise politique en Catalogne.
En mars lors de Juventus-Inter Milan, la scène montrant Cristiano Ronaldo en train de faire semblant de taper dans des mains à sa sortie du car, là où attendent normalement quelques tifosi, a attesté du caractère inhabituel de la mesure.
Autre anecdote absurde durant la rencontre: Maurizio Sarri, l'entraîneur de la Juventus, se retournant vers les tribunes en agitant les bras, comme pour exhorter le public à faire du bruit. Un public pourtant inexistant.
Lors de Marseille-Bordeaux en 2019, le buteur du match Boubacar Kamara avait même avoué qu'au moment de son but, il « ne savait plus quoi faire » comme célébration, regrettant l'absence de « la folie du public ».
Matchs tordus »
Au-delà de rendre audibles les consignes des entraîneurs, les échanges entre les joueurs, le retentissement des frappes sur les poteaux et les cris de douleur suivant certains duels comme lors de PSG-Dortmund, le huis clos perturbe beaucoup les participants, peu enclins à s'enthousiasmer devant des sièges vides.
« Ces matches-là sont souvent tordus, tu es plus concentré sur des choses extérieures que sur le jeu », résumait en 2017 Ernesto Valverde, alors entraîneur du Barça.
Le manque à gagner financier, enfin, est une donnée non négligeable, souvent déplorée par les équipes sanctionnées de matches à domicile sans spectateurs. Entre les revenus de billetterie, de loges, de restauration, les pertes peuvent se compter en millions d'euros.
Pour le huitièmes de finale retour de Ligue des champions entre le PSG et Dortmund, disputé à huis clos le 13 mars, le club parisien a estimé les pertes à 6 M EUR d'euros. Et d'après la presse, le Barça avait lui perdu 3,4 millions d'euros de billetterie en 2017. Une double peine pour des clubs déjà privés de la chaleur de leur public...