Le destin de Blatter et Platini est entre les mains de la commission d'éthique de la FIFA, réunie jusqu'à vendredi, avec dans le pire des scénarios un carton rouge final pour le Suisse, patron du soccer mondial depuis 17 ans, et l'inéligibilité pour le Français, grand favori à sa succession.

Les rumeurs ont enflé en fin d'après-midi mercredi, quand plusieurs médias britanniques ont affirmé que la chambre d'instruction de la commission d'éthique avait recommandé à la chambre de jugement que Sepp Blatter soit suspendu 90 jours. Le tout sur la base des déclarations de Klaus Stoehlker, un ancien proche du président sortant de la FIFA.

Mais cette information a été rapidement démentie dans la soirée par Richard Cullen, l'avocat du Suisse de 79 ans : « Le président Blatter n'a pas reçu de notification d'une recommandation prise à son encontre », a affirmé le ténor du barreau américain, dans un communiqué.

Et « nous nous attendrions à ce que la commission d'éthique veuille auditionner le président et ses conseils, et qu'elle examine les preuves, avant de faire un recommandation disciplinaire », conclut le texte.

Aucune des sources contactées précédemment par l'AFP n'avait permis de valider la rumeur née des propos de M. Stoehlker, y compris un proche de M. Blatter, à ses côtés en fin d'après-midi.

En juin, Stoehlker s'était déjà exprimé dans la presse au nom de Blatter, mais la FIFA avait alors dénié toute légitimité à cet ex-conseiller du président, insistant sur le fait que ses fonctions avaient pris fin le 31 mai.

Une certitude cependant: la commission d'éthique de la FIFA est bel et bien saisie des cas Blatter et Platini. Ce qui n'était plus qu'un secret de Polichinelle est devenu officiel de façon rocambolesque, via un communiqué du Sénégalais Abdoulaye Diop, membre de la commission, publié lundi à Dakar mais passé complètement inaperçu jusque là!

La nouvelle est pourtant d'importance. Véritable tribunal de la FIFA, la commission d'éthique, qui examine aussi depuis lundi à Zurich le cas d'un autre candidat à la présidence, le Sud-Coréen Chung Mong-joon, pourrait en théorie suspendre les trois hommes.

Un coup de tonnerre qui bouleverserait la donne pour l'élection du prochain président de la FIFA, le 26 février, avec la mise hors jeu du sortant Blatter, du principal prétendant à sa succession Platini, et du négligé sud-coréen. La date limite pour le dépôt des candidatures est fixée au 26 octobre.

Platini pas encore entendu 

Le président démissionnaire fait l'objet d'une procédure pénale suisse, notamment pour un versement en 2011 de 2 M CHF (1,8 millions d'euros) à Michel Platini, président de l'UEFA. Déjà entendu par la justice dans le cadre de ce dossier, l'ancien capitaine de l'équipe de France ne l'avait toujours pas été par la commission d'éthique mercredi soir et n'avait même pas reçu de convocation, selon son entourage, contacté par l'AFP.

Blatter est également accusé par la justice d'avoir « signé un contrat défavorable » à la FIFA avec l'Union caribéenne de football. Le Suisse aurait vendu très en-dessous des prix du marché les droits de diffusion TV des Mondiaux 2010 et 2014.

Quant à Chung, on lui reproche d'avoir voulu favoriser la Corée du Sud dans l'attribution du Mondial 2022, finalement octroyé au Qatar. De son propre aveu, il est sous la menace d'une suspension de 19 ans.

Mercredi soir, un porte parole du milliardaire sud-coréen a indiqué à l'AFP qu'à sa connaissance, aucune sanction n'avait encore été prise.   

Les décisions de la commission d'éthique revêtent un énorme enjeu. Une suspension serait certes susceptible d'appel devant la commission des recours de la FIFA, puis devant le Tribunal arbitral du sport (TAS), mais sans effet suspensif. Objets d'une telle sanction, Platini et Chung ne pourraient alors pas se présenter à l'élection du 26 février.

Ce qui ne laisserait plus sur le terrain que des postulants de second ordre, comme le prince jordanien Ali bin Al Hussein, l'ancienne star du football brésilien Zico et le président de la Fédération du Liberia, Mussa Bility.

Un autre pourrait également se déclarer : le Sud-Africain Tokyo Sexwale, ancien compagnon de cellule de Nelson Mandela, nommé récemment à la tête du Comité de surveillance de la FIFA pour Israël et la Palestine.

« Tueur à gages de Blatter »

Président de la FIFA depuis 1998, Blatter, 79 ans, dont 40 ans à la FIFA, avait remis son mandat à disposition le 2 juin, quatre jours après sa réélection, en raison du scandale de corruption qui venait d'éclabousser la FIFA.

« J'arrêterai le 26 février. Après ce sera terminé. Mais pas un jour plus tôt », a-t-il encore martelé dans une entrevue au magazine allemand Bunte mercredi, rejetant une nouvelle fois l'idée d'un départ prématuré.

Le 29 septembre, dans un entretien à l'AFP, Platini avait de son côté affirmé avoir « personnellement pris l'initiative de contacter la commission d'éthique » pour s'expliquer. « Je ne crains aucune suspension car je n'ai rien à me reprocher. »

Pour Chung, membre de la dynastie Hyundai, les dés seraient de toutes façons pipés. Selon lui, la commission d'éthique, « tueur à gages de M. Blatter », est téléguidée par ce dernier pour torpiller sa candidature.

La FIFA fait actuellement l'objet de deux enquêtes judiciaires, aux États-Unis et en Suisse. L'une contre la supposée corruption au coeur de la FIFA, l'autre autour de l'attribution des Mondiaux 2018 et 2022 à la Russie et au Qatar.