Nick De Santis a quitté l’Impact en août dernier, après 26 ans avec l’organisation. Vingt-six ans, la moitié de sa vie. Même si c’était la « bonne décision », il ne l’a pas prise aisément, mais il sentait qu’il n’avait plus sa place. Les choses avaient changé...

De Santis a accepté de nous rencontrer dans un restaurant de la rue Laurier, à Montréal. Il était hésitant à accepter. Non pas qu’il ne voulait pas parler. Il ne veut pas se lancer dans un règlement de comptes; il ne veut pas jouer à la belle-mère. C’est pourquoi il était demeuré discret après son départ, n’accordant que quelques entrevues.

De Santis : une décision difficile, mais réfléchie

De Santis insiste, il est « reconnaissant envers Joey (Saputo) pour l’opportunité ». Après tout, comme il le dit lui-même, « de passer 26 ans dans un club professionnel, dans sa propre ville, où je suis né et j’ai grandi, c’est une chance exceptionnelle et je serai toujours reconnaissant pour ça ». Mais ça fait mal, et il l’avoue.

« L’Impact, c’est comme une famille pour moi.  Ça fait mal de quitter. Mais c’est mieux comme ça parce qu’en allant travailler chaque jour, je ne me sentais pas bien dans ma peau. Chaque jour, je me demandais, ça va être comment aujourd’hui? C’était le moment pour moi. Oui ça faisait mal, oui j’y pense encore, mais je pense que c’était la meilleure décision. »

Avant d’en arriver à ce constat, De Santis a pris le temps. Il ne voulait pas claquer la porte et prendre une décision sur un coup de tête. « En janvier, au moment de l’arrivée de Kevin Gilmore comme président, j’ai fait une grande évaluation. Je me suis dit, je vais évaluer les prochains mois pour voir où le club s’en va et voir comment je me sens dans tout ça », explique De Santis. Il se sentait moins à l’aise dans cet environnement que lui et d’autres avaient bâti. Mais on comprend que le malaise s’était déjà installé dans les mois précédents. Depuis quelques années, on le voyait moins. Il n’accordait plus d’entrevues. Une situation qu’il acceptait et respectait, mais qui devenait difficile pour lui.

Et un changement de culture s’opérait au sein de l’Impact. « J’accepte que l’Impact veuille que ça devienne plus business », reconnaît De Santis, avec un brin de nostalgie. « Avant, vraiment, c’était comme une famille et quand je dis que c’était comme une famille, c’était du monde qui a tout donné à l’Impact, mais ils étaient qualifiés aussi pour donner tout. Aujourd’hui, je comprends qu’ils s’en vont dans une autre direction, c’est du business. It’s OK. »

Il accepte toutefois mal que certains disent que l’équipe n’avait pas d’identité. « Moi, personnellement, de dire qu’il n’y avait d’identité avant, c’est faux », réplique-t-il en énumérant les moments marquants de l’équipe. « Si l’on pense aux moments clés, même dans la défaite, toutes les émotions qu’on a vécues, que ce soit la demi-finale épique contre Toronto, où nous étions à 10 minutes d’aller en finale de la MLS; soit en gagnant des Coupes du Canada; soit en jouant devant 60 000 personnes la finale de la Champions League, où on menait 1-0 à la mi-temps. On a vécu des moments incroyables, et de dire qu’on n’avait pas d’identité dans ces années-là, c’est faux. »

De Santis a consacré 26 ans de sa vie à l’Impact. Il a tout fait, ou presque : joueur, capitaine, entraîneur-chef, directeur sportif et vice-président. Et tout ce qu’il a fait, il l’a fait avec passion. Il s’est investi énormément dans l’équipe. C’est là que ça fait mal. Vingt-six ans à bâtir une organisation et réaliser qu’on n’a plus sa place, que c’est la fin. Et que l’équipe va continuer. Un constat difficile à faire.

Cela fait maintenant six mois qu’il a quitté. On le sent, il a beaucoup réfléchi à la situation. Il refuse de parler d’amertume ou de rancœur ni même de regrets. Il préfère voir comment il peut faire les choses différemment à l’avenir, pour lui. « En prenant ce recul, j’ai vécu 26 ans avec l’Impact et je l’ai toujours fait avec des responsabilités et une pression que je me suis moi-même imposées comme capitaine, comme entraîneur », avoue De Santis. « Je suis maintenant dans une position où, oui je veux rester dans le soccer, mais je veux faire les choses plus tranquille et passer plus de temps avec la famille. » 

Pour le moment, il écoute, discute et évalue ses options. Il aimait bien son rôle de vice-président aux relations internationales. Établir des contacts avec des formations ou des joueurs à l’étranger pour une autre formation de la MLS pourrait être une de ces options, surtout qu’il n’aurait pas à quitter Montréal. De Santis se laisse encore quelques mois avant de prendre sa décision. À court terme, il se consacre à sa famille et à son rôle d’entraîneur de l’équipe U10 de son fils.

Relation avec Joey Saputo

De Santis ne veut pas trop aborder le sujet, spécifiant que son ancien patron voyage beaucoup et passe énormément de temps à Bologne. Tout en ajoutant que Saputo et lui discutaient souvent du moment où ils devraient mettre fin à leur collaboration. « On savait qu’un jour, la confiance ne serait plus la même », précise De Santis. 

Un seul regret

De Santis a un seul regret, même s’il ne le nomme pas ainsi. Ne pas avoir réussi à créer un sentiment d’appartenance, d’attachement entre l’Impact et le public. « C’est ça qui me fait mal des fois, et c’est dommage, le monde ne s’est pas attaché à 100% », avoue De Santis. « Quand tu t’attaches à 100%, tu t’attaches dans le bien et le mal. En ce moment, avec l’Impact, quand ça va mal, le monde s’éloigne, c’est dommage. »

Pour y parvenir, De Santis croit que l’organisation devra « être clair dans sa philosophie », avant d’ajouter, « la philosophie peut être de développer des jeunes, amener des joueurs importants, gagner aujourd’hui ou encore on est prêt à être patient pour bâtir et gagner dans trois ans. Ça n’a jamais été très clair. Et je sais comment Joey était avant, il voulait gagner. Il n’y a rien contre ça, et on a toujours essayé de bâtir des équipes pour gagner tout de suite. Mais en bâtissant de telles équipes, tu embauches des joueurs un peu plus âgés, pour qui c’est terminé dans 2-3 ans. Il faut que l’organisation établisse qui elle veut être, avoir une philosophie, être clair avec tout le monde et surtout la respecter », précise De Santis, tout en admettant que ça n’a pas été fait par le passé.

Retour avec l’Impact?

L’Impact sera toujours en lui, il l’admet. Mais il est bien trop tôt pour envisager un éventuel retour avec l’équipe. « Est-ce que la porte est toujours ouverte? », lui a-t-on demandé. « Ce n’est pas à moi à y répondre. » C’est encore trop tôt.