BERLIN (AFP) - Dès le coup d'envoi du Mondial 2006 de football le 9 juin, toute l'Allemagne est devenue une marée noire-rouge-or aux couleurs de son drapeau. Mais que restera-t-il de cet esprit de fête et de patriotisme au lendemain du 9 juillet quand le rideau tombera sur la 18e Coupe du monde?

Malgré l'amertume de la défaite de l'Allemagne en demi-finale contre l'Italie (0-2 après prolongation), en partie compensée par la victoire sur le Portugal (3-1) dans "la petite finale" pour la 3e place, le sélectionneur national Jürgen Klinsmann a résumé "l'esprit" de ce Mondial: "Cette équipe d'Allemagne a rendu fier tout un pays", a-t-il lancé.

De fait, pour chaque apparition de la Nationalmannschaft sur le terrain, des millions de supporteurs sont descendus dans les rues du pays -- encore près d'un million dimanche à Berlin lors de la manifestation de remerciements de la Mannschaft à ses fans -- arborant à chaque fois les couleurs du drapeau national et chantant, paradant, s'enivrant jusqu'à plus soif.

L'Allemagne n'avait pas vécu une telle ferveur populaire depuis la chute du Mur de Berlin en 1989 et la Réunification l'année suivante.

Et jamais depuis la chute du régime nazi, les Allemands n'avaient osé manifester comme cela leur identité nationale, se risquant même à chanter l'hymne national dans les stades surchauffés.

"Miracle de Berlin"

"Nous sommes sur la bonne voie pour être fiers de ce que nous avons accompli depuis 1945", a assuré le président fédéral, Horst Köhler, dans un entretien au quotidien le plus lu en Allemagne, Bild.

L'enthousiasme des foules a d'autant plus surpris que l'on disait les Allemands déprimés par une situation économique délicate, un chômage important et des réformes sociales qui se sont traduites pour eux par des sacrifices financiers.

L'étonnement est tel, d'ailleurs, que l'Allemagne parle désormais du "miracle de Berlin", comme elle parlait en 1954 du "miracle de Berne": cette année-là, dans la capitale suisse, la RFA avait remporté sa première Coupe du monde de football alors que le pays était encore moralement au ban des nations après l'effrondrement de la dictature nazie.

"Personne ne peut dire ce qu'il restera" de cette atmosphère festive, analyse Miriam Hollstein, éditorialiste du journal Welt am Sonntag. "Peut-être que le 'miracle de Berlin' sera le début d'un nouveau sentiment national. Peut-être que cela sera terminé quand le dernier but aura été marqué", ajoute-t-elle. Mais, quoi qu'il arrive, "nous ne savions pas du tout que nous pouvions nous réjouir ainsi".

"Nouveau patriotisme"

"Je pense que ce Mondial a fait du bien à notre pays", a pour sa part souligné le député social-démocrate Peter Danckert, président de la commission des sports de la chambre des députés (Bundestag). "Il a créé une atmosphère qui, j'espère, va se perpétuer", a-t-il ajouté.

"Il n'y aura pas de phénomène de dépression collective, estime l'historien Wolfram Pyta de l'Université de Stuttgart (sud-ouest). Ce nouveau patriotisme va demeurer", pronostique-t-il également. "Les Allemands ont montré qu'ils n'étaient pas des hordes de combat germaines ou des panzers", ajoute-t-il.

Mieux, assure le président Köhler, "nous pouvons aller loin si nous avons le courage d'oser entreprendre quelque chose de nouveau. Nous devrions nous en souvenir également après le Mondial".

D'autres se montrent plus modérés: "Après la finale, le soufflé va retomber, prédit l'historien Hans-Ulrich Wehler de l'Université de Bielefeld. Alors on se souviendra comment on a fait la fête joyeusement". Tout simplement.