MONTRÉAL – Keesean Ferdinand a les jambes fraîches et l’œil brillant, mais il a l’âme d’un vétéran. Connaissez-vous bien des jeunes de 17 ans qui se décrivent ouvertement comme des gars « très casaniers »?

Lorsque l’espoir du CF Montréal a commencé à explorer ses options pour un prêt en Première Ligue Canadienne (CPL), l’an dernier, l’Atlético Ottawa a tout de suite manifesté de l’intérêt. « Par miracle, je pourrais dire, parce que c’est près de Montréal, a réagi le résident de Rivière-des-Prairies. De temps en temps, je pourrai faire des allers-retours pour régénérer mon esprit. »

La destination venait avec d’autres avantages que celui de la proximité. Et l’un d’eux, ironiquement, forçait l’adolescent à s’éloigner de la maison pour la plus longue période de sa vie. Mais l’expérience en valait le coup : il y a quelques jours, Ferdinand et ses nouveaux coéquipiers sont revenus d’un stage de deux mois en Espagne.

Accueilli dans les installations de l’Atlético Madrid, son grand frère européen, le club ottavien a eu le luxe de traverser un camp d’entraînement exhaustif dans des conditions dont il n’aurait jamais pu rêver en restant au Canada. Ferdinand en a eu la confirmation au fil de ses conversations avec son ami Tomas Giraldo, un autre académicien du CF Montréal qui jouera en CPL en 2021.

« Lui, à Edmonton, ça doit faire un bon mois qu’il a commencé à faire des entraînements spécifiques. Mais ce n’était pas avec le groupe complet. Au début, c’était par groupes de trois, ensuite de quatre, c’est allé vraiment progressivement. Et pendant qu’il me disait ça, nous on était en train de faire des matchs. »

Sur la pelouse madrilène, Ferdinand a joué six parties contre des équipes de jeunes de clubs de la Liga et des équipes espagnoles de quatrième division. Il y a eu des victoires, il y a eu des défaites. Dans les deux cas, toujours des choses à apprendre pour le plus jeune joueur de l’histoire de l’Académie de l’Impact/CF Montréal à signer un contrat avec l’équipe première.

« On a eu la chance de jouer contre les U19 d’Atlético Madrid, avec quelques joueurs de l’équipe B, et tu voyais le haut niveau, c’était vraiment extraordinaire. Même les équipes de quatrième division jouaient bien au ballon. [...] Malgré qu’on [les] dominait dans l’intensité et le score, elles gardaient la majorité de la possession du ballon. Là-bas, c’est comme une idéologie, garder la balle. J’ai vu une différente manière de jouer. J’avais déjà fait des compétitions en Europe, mais en Espagne c’est complètement différent, la manière de jouer, de posséder la balle. C’était vraiment intéressant. »

Le camp transatlantique de l’Atlético Ottawa devait originalement durer un mois, mais devant la lenteur de l’instauration des mesures de déconfinement au Canada, le club a planifié son retour à l’oreille et a finalement étiré son exil jusqu’au 1er juin.

« Ça m’a vraiment sorti de ma zone de confort, mais en même temps, c’est ça qui faut, réalise la recrue montréalaise. Je suis un joueur professionnel et je ne sais jamais ce qui peut arriver dans l’avenir. C’est mieux que ça m’arrive jeune et que je prenne de l’expérience. Alors c’était magnifique. »

Enfin le terrain

Pour Ferdinand, les bienfaits de son déracinement n’ont pas pris fin lorsqu’il a reposé les pieds au pays. Présentement en quarantaine au domicile familial, il partira le 16 juin rejoindre sa nouvelle équipe à Winnipeg, où s’amorcera dans un environnement protégé la saison 2021 de la CPL. Et si les missions qu’il s’est vu confier en Espagne sont un indicateur de ce qui l’attend, il devrait occuper un rôle de titulaire au sein de la défense de l’entraineur Miguel Angel Ferrer Martinez.

Le contraste avec ses premières impressions de la vie de professionnel serait énorme. L’an dernier, avec l’Impact, l’ambitieux défenseur a fait la navette entre les séances d’entraînement et les gradins. L’idée de retrouver le terrain avec régularité, dans un contexte compétitif, le rend fébrile.  

« Je suis trop excité, j’ai hâte là, j’en peux plus. Ça fait je ne sais pas combien de mois de préparation... Tout le temps, quand je m’entraîne, je pense juste à ça! »

« C’est sûr que c’était une première l’an passé, enchaîne-t-il en repensant à son séjour sur les blocs. Là aussi, on était souvent amenés à aller dans des bulles, à Orlando et à New York. C’était compliqué. À un certain moment, il n’y avait même plus de place disponible dans la formation, alors je m’entraînais en sachant que c’était impossible pour moi d’aller chercher des minutes de jeu. C’était juste dans le but de progresser individuellement et me faire valoir pour l’avenir. »

C’est à ce moment qu’il a commencé à contempler la possibilité de partir en prêt.

« C’est le fun faire des pratiques à un haut niveau, mais c’est pas là qu’on se développe le plus, a-t-il conclu. C’est dans les matchs, c’est ça le bonbon du soccer. Aller chercher les matchs en tant que joueur. Je pense que j’ai pris la meilleure décision. »

Autre ajustement pour Ferdinand : c’est dans la charnière centrale qu’il amorcera la saison. L’ancien directeur de l’Académie de l’Impact, Philippe Eullafroy, l’avait utilisé brièvement à cette position chez les U19, mais il a surtout été formé comme défenseur latéral.

« Déjà, j’ai appris différentes manières de défendre, de gérer l’équipe, de communiquer. La communication, c’est quelque chose que j’ai besoin d’améliorer et le contexte s’y prêtera davantage dans ce poste-là », témoigne-t-il avec franchise.

« Parfois, je suis un peu trop dans ma bulle et je pense moins à communiquer avec le milieu de terrain qui est devant moi ou l’ailier. C’est quelque chose que je dois améliorer, je suis jeune, je le sais. C’est sûr que quand t’as des gars de 25 ans, 29 ans devant toi, tu veux moins rentrer dans leur jeu. Mais dans le fond, c’est une équipe et l’âge n’a pas d’importance. »

L’année dernière, à sa première saison en CPL, l’Atlético Ottawa a terminé au septième et avant-dernier rang d’un tournoi à la ronde de sept matchs qui a fait office de saison en contexte pandémique. Ferdinand croit que la longueur d’avance dont le club s’est dotée en Espagne lui permettra d’afficher une progression significative à son deuxième tour de piste.

 « On a des grosses attentes en tant qu’équipe. On est très confiant parce que la cohésion est vraiment bonne. »