La chute d'un homme de convictions
Soccer vendredi, 5 juil. 2002. 14:54 dimanche, 15 déc. 2024. 02:53
LYON (AP) - Roger Lemerre a perdu son poste de sélectionneur vendredi à l'issue du Conseil fédéral de la Fédération française de soccer (FFF). Une sortie improbable avant le Mondial 2002, qui a mis un point final, sur une terrible désillusion, à quatre années de douce euphorie.
Homme de convictions, Lemerre, champion du monde militaire en 1995 puis champion d'Europe en 2000 avec les Bleus, a payé à Lyon l'élimination sans gloire de l'équipe de France au Mondial asiatique, et sa confiance inébranlable dans des schémas tactiques qui n'ont pas fonctionné en Corée du Sud.
"Déchargé de sa mission de sélectionneur" par le Conseil fédéral, Lemerre, qui n'a jamais reconnu "sa faute", est tombé pour ses idées, préférant se faire débarquer, ce qui n'était plus arrivé à un sélectionneur depuis 1988 (Henri Michel), plutôt qu'abdiquer.
Il emporte avec lui un bilan favorable (34 victoires, 11 nuls et huit défaites), un titre de champion d'Europe et une Coupe des Confédérations que les encyclopédies du football, au contraire de ses détracteurs, ne pourront oublier.
Roger Lemerre, qui avait fait montre il y a deux ans à Rotterdam de toutes ses qualités de stratège en permettant à la France de battre l'Italie en finale de l'Euro, n'a pas trouvé en Asie le moindre embryon de solution, malgré un effectif présenté comme le plus riche du monde.
Adjoint d'Aimé Jacquet lors du Mondial remporté par les Tricolores il y a quatre ans, ce Normand aujourd'hui âgé de 61 ans, avait officiellement été nommé sélectionneur national le 27 juillet 1998.
Fidèle à "Mémé", il avait logiquement opté en prenant ses fonctions pour le changement dans la continuité. Pas de grandes révolutions, mais plutôt de petites touches pointillistes, qui portent la véritable "griffe Lemerre". Un style plus offensif, loué par tous les observateurs au moment du titre européen, qui l'avait vu progressivement abandonner le trio de demi-récupérateurs cher à son prédécesseur pour un 4-2-3-1 plein d'allant, favorisant l'utilisation maximale de la largeur du terrain.
Un système qui a fait pendant trois ans la force des Bleus et qui s'est enrayé en Asie, pénalisé par le forfait de Robert Pires et la blessure de Zinedine Zidane. Favoris du tournoi avant le début de la compétition, les Bleus ont livré en Corée du Sud une partition lamentable, éliminés au premier tour après deux défaites et un match nul. Pire, les anciens champions du monde n'ont pas marqué le moindre but, ce qui n'était jamais arrivé à un tenant du titre.
Face à cet échec patent, Lemerre, s'est entêté dans ses convictions, persuadé d'avoir raison seul contre tous.
Le passage à la tête des Bleus de Lemerre, homme de dialogue même si certains trouvaient sa communication embrouillée, restera marqué par sa relation particulière avec ses joueurs, auxquels il voue respect et admiration. Proche du terrain, l'ex-pro aux 414 matches de Division-1 (avec Sedan, Nantes, Nancy, Lens) et aux six sélections internationales, a en effet gardé une âme d'enfant. Toujours en short aux entraînements, il ne s'épargnait aucun footing et adorait les jeux de ballons, notamment avec Fabien Barthez.
Né le 18 juin 1941 à Bricquebec (Manche), le Normand s'était jusqu'à présent montré intransigeant avec lui-même comme avec les autres. "A partir d'aujourd'hui, je reste et je resterai le premier supporter du football français", avait-il indiqué après le France-Islande (3-2) du 9 octobre 1999. La France venait de se qualifier difficilement pour l'Euro 2000, après avoir frisé l'élimination. Lemerre avait envisagé l'échec. Il était donc prêt à démissionner, et avait prévu un discours de circonstance. Qu'il avait lu en semant le trouble.
Le paradoxe est en tout homme, et Roger Lemerre n'échappe pas à la règle. Droit, intègre, exigeant de part une éducation catholique stricte qui devait faire de lui un instituteur, il s'est pourtant refusé à endosser sa part de responsabilité dans l'échec tricolore au Mondial et s'est accroché à son poste.
Habité par le doute qui fait progresser, Lemerre n'a jamais caché ses interrogations. "Si mon chapeau savait pour qui je vote, je mangerais mon chapeau", avait déclaré le fin lettré, au lendemain du fameux France-Islande. Avant de confirmer finalement qu'il restait bien à la tête de l'équipe nationale.
Depuis son retour d'Asie, Lemerre avait rencontré les responsables de la Fédération et de la Ligue professionnelle, qui lui avaient laissé "le temps de la réflexion". Ses hésitations et son silence avaient surpris, même énervé, mais Lemerre avait eu le temps de réfléchir. Vendredi, à Lyon, il s'en est allé, sans commentaires. Peut-être n'avait-il plus le coeur à parler.
Homme de convictions, Lemerre, champion du monde militaire en 1995 puis champion d'Europe en 2000 avec les Bleus, a payé à Lyon l'élimination sans gloire de l'équipe de France au Mondial asiatique, et sa confiance inébranlable dans des schémas tactiques qui n'ont pas fonctionné en Corée du Sud.
"Déchargé de sa mission de sélectionneur" par le Conseil fédéral, Lemerre, qui n'a jamais reconnu "sa faute", est tombé pour ses idées, préférant se faire débarquer, ce qui n'était plus arrivé à un sélectionneur depuis 1988 (Henri Michel), plutôt qu'abdiquer.
Il emporte avec lui un bilan favorable (34 victoires, 11 nuls et huit défaites), un titre de champion d'Europe et une Coupe des Confédérations que les encyclopédies du football, au contraire de ses détracteurs, ne pourront oublier.
Roger Lemerre, qui avait fait montre il y a deux ans à Rotterdam de toutes ses qualités de stratège en permettant à la France de battre l'Italie en finale de l'Euro, n'a pas trouvé en Asie le moindre embryon de solution, malgré un effectif présenté comme le plus riche du monde.
Adjoint d'Aimé Jacquet lors du Mondial remporté par les Tricolores il y a quatre ans, ce Normand aujourd'hui âgé de 61 ans, avait officiellement été nommé sélectionneur national le 27 juillet 1998.
Fidèle à "Mémé", il avait logiquement opté en prenant ses fonctions pour le changement dans la continuité. Pas de grandes révolutions, mais plutôt de petites touches pointillistes, qui portent la véritable "griffe Lemerre". Un style plus offensif, loué par tous les observateurs au moment du titre européen, qui l'avait vu progressivement abandonner le trio de demi-récupérateurs cher à son prédécesseur pour un 4-2-3-1 plein d'allant, favorisant l'utilisation maximale de la largeur du terrain.
Un système qui a fait pendant trois ans la force des Bleus et qui s'est enrayé en Asie, pénalisé par le forfait de Robert Pires et la blessure de Zinedine Zidane. Favoris du tournoi avant le début de la compétition, les Bleus ont livré en Corée du Sud une partition lamentable, éliminés au premier tour après deux défaites et un match nul. Pire, les anciens champions du monde n'ont pas marqué le moindre but, ce qui n'était jamais arrivé à un tenant du titre.
Face à cet échec patent, Lemerre, s'est entêté dans ses convictions, persuadé d'avoir raison seul contre tous.
Le passage à la tête des Bleus de Lemerre, homme de dialogue même si certains trouvaient sa communication embrouillée, restera marqué par sa relation particulière avec ses joueurs, auxquels il voue respect et admiration. Proche du terrain, l'ex-pro aux 414 matches de Division-1 (avec Sedan, Nantes, Nancy, Lens) et aux six sélections internationales, a en effet gardé une âme d'enfant. Toujours en short aux entraînements, il ne s'épargnait aucun footing et adorait les jeux de ballons, notamment avec Fabien Barthez.
Né le 18 juin 1941 à Bricquebec (Manche), le Normand s'était jusqu'à présent montré intransigeant avec lui-même comme avec les autres. "A partir d'aujourd'hui, je reste et je resterai le premier supporter du football français", avait-il indiqué après le France-Islande (3-2) du 9 octobre 1999. La France venait de se qualifier difficilement pour l'Euro 2000, après avoir frisé l'élimination. Lemerre avait envisagé l'échec. Il était donc prêt à démissionner, et avait prévu un discours de circonstance. Qu'il avait lu en semant le trouble.
Le paradoxe est en tout homme, et Roger Lemerre n'échappe pas à la règle. Droit, intègre, exigeant de part une éducation catholique stricte qui devait faire de lui un instituteur, il s'est pourtant refusé à endosser sa part de responsabilité dans l'échec tricolore au Mondial et s'est accroché à son poste.
Habité par le doute qui fait progresser, Lemerre n'a jamais caché ses interrogations. "Si mon chapeau savait pour qui je vote, je mangerais mon chapeau", avait déclaré le fin lettré, au lendemain du fameux France-Islande. Avant de confirmer finalement qu'il restait bien à la tête de l'équipe nationale.
Depuis son retour d'Asie, Lemerre avait rencontré les responsables de la Fédération et de la Ligue professionnelle, qui lui avaient laissé "le temps de la réflexion". Ses hésitations et son silence avaient surpris, même énervé, mais Lemerre avait eu le temps de réfléchir. Vendredi, à Lyon, il s'en est allé, sans commentaires. Peut-être n'avait-il plus le coeur à parler.