LONDRES (AFP) - Le Championnat d'Angleterre de soccer, envié pour son opulence, s'inquiète de la désaffection de ses stades, manifestation de la colère des supporteurs face au coût des tickets et à un spectacle de moins en moins excitant, et conséquence de l'abondance des retransmissions télévisées.

Les stades anglais se dépeuplent. Le constat est si frappant qu'il entraîne un véritable débat national. Depuis la fin des années 80, la fréquentation n'avait cessé d'augmenter (+60%), mais un tassement a été observé ces deux dernières saisons.

Neuf des dix-sept clubs qui fréquentaient la Premier League l'an passé ont connu sur les six premières journées de la saison 2005-2006 une baisse de la fréquentation. Selon une étude du Times, elle avoisine les 4,5%.

"La Premier League a eu dix grandes années, une fantastique +success story+, mais nous allons vers le marasme. Nous devons faire quelque chose, avant qu'il ne soit trop tard", a estimé John Williams, le président de Blackburn, dont le match contre Newcastle a été suivi par 9000 personnes de moins (20.725) que la saison passée.

La Premier League refuse de tirer la sonnette d'alarme. "Il est encore bien trop tôt dans la saison pour tirer une analyse significative des statistiques", estime un de ses porte-parole. Mais elle a tout de même décidé de créer une commission en charge de la question.

Débat

Lors de la première journée de Ligue des champions, l'affluence à Chelsea, pour la venue d'Anderlecht, n'était que de 29.575 personnes, la pire de tous les matches de C1, hormis à Artmedia Bratislava (27.000).

"Je pense que nous avons vu les premiers signes d'une révolte des supporteurs contre le prix des tickets et ce n'est pas seulement à Chelsea", a estimé Toby Brown, porte-parole d'un groupe officiel de supporteurs des "Blues".

Mais le club londonien refuse de revoir sa politique. Le prix minimal d'un ticket y est pourtant de 45 livres (66 euros), soit environ quatre fois plus que ce qu'il en coûte pour aller voir le Bayern Munich, champion d'Allemagne.

Longtemps, le soccer en Angleterre a été le sport des petites gens. Et il n'est pas étonnant de voir que Liverpool, club de tradition ouvrière, où le prix du billet (32 livres/47 euros maximum) est le moins élevé, est l'un des rares à connaître une hausse de la fréquentation.

Le rôle de la télévision est également remis en cause. Richard Caborn, le ministre des Sports, est même entré de plain-pied dans le débat, affirmant: "Il faut se demander combien il y a de soccer à la télévision et voir si cela entraîne une baisse des affluences. Je crois que c'est clairement le cas".

"Responsabilité"

Un dernier facteur explique ce nouveau manque d'engouement: le sentiment que le sort en est déjà jeté. Difficile d'argumenter autrement alors qu'après six journées, Chelsea compte six victoires, pour aucun but encaissé.

"Les journalistes disent que c'est mieux aujourd'hui car il y a trois clubs au top plutôt que deux. Nous ne voyons pas les choses ainsi. Il n'y a qu'un seul club au sommet. Nos supporteurs sentent que le Championnat est déjà joué", résume Richard Murray, le président de Charlton.

En ce début de saison, la moyenne de buts inscrits est la plus basse de l'histoire de la Premier League (depuis 1992) - tout juste 2, alors qu'elle n'était encore jamais passé sous la barre des 2,5- mais Jose Mourinho, le manageur de Chelsea, considère toujours qu'il n'a pas vocation à faire plaisir aux spectateurs.

"Bien sûr, nous avons la responsabilité de remporter des matches (...), mais ça ne signifie pas que notre but doit être d'être ennuyeux. Le but pour tout manageur et pour Mourinho aussi, c'est d'essayer de proposer du spectacle aux gens", rétorque Arsène Wenger, le manageur d'Arsenal.