CHARLEROI (AFP) - Charleroi (1re div. belge) et le G14, groupement de clubs parmi les plus puissants d'Europe, ont sèchement malmené la Fédération internationale de football (Fifa), lors de l'audience du procès dit Oulmers, lundi devant le tribunal du commerce de Charleroi (sud).


Fustigeant "l'abus de position dominante de la Fifa", Charleroi, mais surtout le G14, partie civile aux côtés du club belge, ont mis en évidence le problème des internationaux qui se blessent en équipe nationale sans que le club qui les rémunère puisse ensuite être indemnisé.

L'enjeu financier, énorme, de cette affaire a rapidement été mis en lumière par les plaignants, qui ont "contesté l'obligation pour les clubs de mettre gratuitement leurs joueurs à disposition des équipes nationales".

"Le G14 réclame 860 millions d'euros à la Fifa pour dommage subi par les dix-huit clubs du G14 ces dix dernières années", a annoncé d'emblée l'avocat du Jean-Louis Dupont.

"Ce montant inclut le coût de la mise à disposition et celui de l'indisponiblité des joueurs pour blessures encourues en équipes nationales (depuis dix ans)", a-t-il plaidé.

"La Coupe du monde cet été en Allemagne va générer des revenus de 2,5 milliards d'euros. Pas un seul euro pourtant ne sera ristourné aux clubs qui fournissent l'ingrédient indispensable à ce spectacle planétaire: les joueurs, employés des clubs", a dénoncé Me Dupont.

"Tribunal incompétent"

La demande du G14 s'est ajoutée à celle, initiale, du Sporting de Charleroi, qui réclame à la Fifa "un dédommagement de 615.955 euros" après la blessure de son milieu de terrain marocain, Abdelmajid Oulmers, avec son équipe nationale lors d'un match contre le Burkina Faso en 2004.

Le G14 demande en outre au tribunal de commerce d'interroger la Cour européenne de justice (CEJ) sur la conformité du règlement de la Fifa par rapport au droit européen. Le but de la manoeuvre: faire déclarer illégal le règlement de la Fifa.

Dans la situation actuelle, selon les articles 36 à 40, un club, même contre sa volonté, est obligé de libérer un joueur international. L'article 37 du règlement stipule que le club mettant son joueur à disposition n'a droit à aucune indemnité financière et qu'il est seul responsable pour la prise des polices d'assurance.

"Ces articles constituent un abus de position dominante et sont contraires au principe européen de libre concurrence", estiment les plaignants.

Dans la pratique, les clubs s'estiment doublement pénalisés lorsque les joueurs reviennent blessés: en plus d'être privés du joueur, ils doivent continuer à lui verser son salaire et financer sa rééducation.

Bousculés par l'attitude offensive des plaignants, les avocats de la Fifa ont d'abord demandé un ajournement de l'audience. Devant le refus du juge Jean-Philippe Lebeau, les conseils ont plaidé "l'incompétence du tribunal" et invoqué la spécificité du sport.

"Guerre commerciale"

"Le fait de se blesser est un acte inhérent au football qui ne donne pas le droit de réclamer une indemnisation", a affirmé Christophe Ronse, l'un des conseils de la Fifa.

Par ailleurs, la Fifa a insisté sur "l'augmentation, au bénéfice des clubs, de la valeur marchande des joueurs lorsqu'ils deviennent internationaux".

La Fifa a également "rappelé que son but est d'organiser le football mondial et non de faire le bonheur des clubs les plus riches".

"Ce procès n'est d'ailleurs qu'un moyen utilisé par le G14 pour mener une guerre commerciale", a accusé M. Ronse, qui a contesté la présence du G14 devant le tribunal.

Le jugement devrait être rendu avant l'été, probablement avant le mois de juin, a estimé le président du tribunal, Jean-Philippe Lebeau.

Ce dernier devra d'abord trancher la question de sa compétence puis de la recevabilité de la plainte, avant de prendre une décision sur le fond, en interrogeant peut-être la CEJ à Luxembourg.