BERLIN (AFP) - L'Argentine est toujours orpheline de Diego Maradona: depuis les finales de 1986 et 1990 atteintes sous son génial magistère, elle n'a plus retrouvé le dernier carré d'une Coupe du monde, éliminée aux tirs au but par l'Allemagne en quart du Mondial-2006 de soccer.

L'Albiceleste semble tomber dans le même syndrome que le Brésil naguère: la Seleçao a connu une traversée du désert de 24 ans sans la moindre finale, de la 3e et dernière couronne mondiale de l'ère Pelé en 1970 à la World Cup américaine de 1994.

"El Pibe de oro" (le gamin en or) a remporté à lui tout seul ou presque le Mundial mexicain de 1986, décrochant alors ses galons de meilleur joueur de l'histoire de l'Argentine et sacré Dieu du soccer. En 1990, elle occupe la deuxième marche, l'Allemagne ayant pris sa revanche.

L'Albiceleste n'a ensuite plus gagné de titre majeur, invariablement placée parmi les favoris, mais toujours éliminée avant le dernier carré.

Depuis 1994 et son exclusion du Mondial US pour dopage à l'éphédrine, de frasques en come-back, de rechutes en résurrections, Maradona est devenu l'idole absolue, et la légende s'est épaissie au gré des variations de sa ligne. Le maillot bleu et ciel sur son embonpoint affiné, l'homme a bruyamment soutenu son équipe de coeur depuis les travées allemandes, mais l'ombre du joueur planait toujours sur le terrain.

La promesse Messi

Qui est le nouveau Maradona ? C'est la question récurrente qui depuis 20 ans agite Buenos Aires: Pablo Aimar, Javier Saviola ou Carlos Tevez ont tour à tour été présentés comme les dignes héritiers du "Diez" (dix). C'est surtout Juan Roman Riquelme, en tant que récipiendaire du fameux numéro, qui était censé faire chavirer l'Argentine comme son glorieux aîné, passé lui aussi par Boca Juniors.

Le meneur de jeu de Villarreal aura été élu homme d'un match (pour la "goleada" sur la Serbie-Monténégro, 6-0) quand tout un peuple l'attendait homme du tournoi. Son niveau, pâlissant au fil de la compétition, s'est révélé à des années-lumière des éclats chaloupés de "Dieguito".

Le syndrome s'effilochera-t-il avec l'avènement de Messi ? Le jeune prodige, auteur de son premier et unique but en Coupe du monde huit jours avant ses 19 ans, a en effet été adoubé par le Dieu lui-même, qui a préfacé l'autobiographie du "Trésor du Barça". "Je vois beaucoup de similitudes. Messi occupera ma place dans le football", avait déclaré Maradona à son sujet.

Le sélectionneur José Pekerman ne l'a fait jouer qu'avec parcimonie, le confinant sur le banc lors du quart de finale contre l'Allemagne, et "la Puce atomique" n'a pu exploser.

Banc d'essai

L'entraîneur a pourtant été sacré trois fois champion du monde avec les sélections des moins de 20 ans, mais la génération Riquelme n'a pu convertir ces succès dans les tournois seniors.

Pekerman a annoncé sa démission vendredi après l'élimination, et l'ombre de Maradona venait à nouveau planer sur la "Seleccion", d'autant qu'il a explicitement fait acte de candidature.

La légende vivante a pourtant le banc malheureux, en témoignent ses expériences d'entraîneur avortées à Mandiyu de Corrientes (octobre-décembre 1994) et au Racing Club Avellaneda (mai-septembre 1995).

Et curieusement, le recours Maradona ne fait pas l'unanimité dans son pays: selon les votes de lecteurs publiés samedi dans la presse argentine, trois quarts des personnes interrogées penchent pour un maintien au poste de Pekerman. Et si ce dernier partait, c'est Carlos Bianchi qu'elles plébiscitent, devant "Dieguito".

Le grand buteur albiceleste des années 1990 Gabriel Batistuta a également son idée sur la question: "Je crois que (Julio) Grondona (le président de la Fédération argentine) va essayer de retenir Pekerman", a confié samedi "Batigol".

Qu'il soit ou non nommé sélectionneur, la déflagration Maradona n'a pas fini de faire des vagues.