Les Russes se mobilisent contre la répression
Soccer dimanche, 8 déc. 2019. 13:44 samedi, 14 déc. 2024. 01:21L'esprit de la Coupe du monde 2018 a disparu, les mauvaises habitudes sont revenues: confrontés à la « brutalité » policière et aux pressions grandissantes des autorités, les supporters de foot russes ont affiché une union rare ce week-end en signe de protestation.
A la 30e minute de chaque match de première division, les kops des « ultras » se sont vidés, ceux-ci quittant les stades en réponse à l'appel lancé vendredi par « Fratria », la principale association de supporters du club le plus populaire du pays, le Spartak Moscou.
L'électrochoc date de la semaine dernière. Le 1er décembre, dans les heures précédant le match le plus attendu de la saison entre le Zenit Saint-Pétersbourg et le Spartak Moscou, entre 150 et 200 supporters du club moscovite ont été interpellés dans les rues de la seconde ville de Russie.
« Des arrestations arbitraires, sans explications », dénonce Fratria dans un communiqué. Si les supporters des deux clubs sont connus pour leur animosité et que le match était considéré à risque, aucun acte violent n'avait pourtant été signalé.
Un témoin, cité par l'agence de presse R-Sport, raconte « des descentes de police dans les bars, dans les rues de la ville. Les personnes résidant à Moscou étaient arrêtés et emmenées aux commissariats où ils étaient incriminés pour hooliganisme ».
Parmi les supporters arrêtés, le responsable d'un autre groupe de fans du Spartak a été condamné à un an et demi d'interdiction de stade pour des insultes envers Artem Dzyuba, l'une des stars du Zenit Saint-Pétersbourg et de la sélection russe devenu la bête noire du club moscovite.
Si le mouvement hooligan russe a causé de véritables batailles de rues dans les années 1990, les forces de l'ordre ont pris le phénomène à bras le corps ces dernières années.
Alors que des hooligans russes avaient dévasté le centre-ville de Marseille durant l'Euro-2016, le Kremlin a voulu « nettoyer » ses stades avant le Mondial-2018. Avec succès, puisque la Coupe du monde a pu avoir lieu dans une ambiance chaleureuse unanimement saluée.
Aujourd'hui, les incidents sont rares dans ou autour des stades et le phénomène du « Okolo-Football », le « quasi-football » dans lequel des groupes de supporters se battent par petits groupes dans des endroits isolés, reste circonscrit. Mais la pression policière n'a pas diminué pour autant.
"Point de rupture"
« Le Mondial a eu lieu, et le pouvoir a seulement renforcé la pression sur les fans en utilisant des méthodes de répression de plus en plus cyniques », ont dénoncé les supporters du CSKA Moscou dans un communiqué de soutien à ceux du Spartak.
«Ce qui s'est passé à Saint-Pétersbourg, c'est simplement le point de rupture », assure à l'AFP un responsable de « Fratria » qui souhaite être identifié par son prénom, Anton: « Avant cela, de nombreux supporters de différentes équipes avaient déjà subi des actes incompréhensibles des représentants de police ».
En juillet, les policiers anti-émeutes OMON avaient déjà violemment pris à partie les fans du Spartak Moscou attendant de sortir du stade, après un match à Rostov (sud), les images de policiers frappant des supporters à terre ayant choqué en Russie. « Chaque supporter, à des degrés divers, a connu une histoire similaire cette saison », poursuit Anton.
« Le problème des actions illégales de la police, ça se passait déjà à l'époque de l'Union soviétique, quand des policiers frappaient des enfants de 13-14 ans », se souvient Alexeï, un mécanicien de 40 ans qui a participé à l'action des supporters lors du match du Spartak Moscou contre Rostov dimanche soir.
L'appel de « Fratria » a reçu un écho considérable en Russie et a été suivi par tous les clubs de première division. Il a aussi reçu le soutien de nombreuses personnalités du foot russe, comme l'entraîneur du Zenit Saint-Pétersbourg Sergei Semak qui a considéré que c'était "un appel à un dialogue constructif avec les autorités".
Éditorialiste d'un des principaux sites internet sportifs de Russie, Sports.ru, Alexandre Polivanov a lui comparé les arrestations des supporters du Spartak à celle d'Egor Joukov, un étudiant et blogueur récemment condamné à trois ans de prison avec sursis pour « extrémisme », estimant que les autorités cherchaient à faire « peur » pour faire taire toute voix potentiellement critique.