ISTANBUL (AFP) - Liverpool, superpuissance continentale entre 1977 et 1985 avec quatre Coupes des clubs champions, s'est remis à marcher seul sur le toit de l'Europe après son éblouissant succès sur le Milan AC (3-3 a.p. 3 tab à 2), mercredi à Istanbul, en finale de la Ligue des champions de soccer.

"You'll never walk alone" (vous ne marcherez jamais seuls), chantent à plein poumons les fans des Reds. Seul, Liverpool l'est pourtant, indéniablement. Les protégés de Rafael Benitez se sont hissés tout en haut, au mental et à l'envie, à l'issue d'un match d'anthologie où le Milan AC, qui menait 3 à 0 à la pause, a sombré en six minutes (54e-60e).

Nul doute que cette rencontre trouvera place au firmament des finales à couper le souffle, en bonne place avec l'édition 1999, qui avait vu une autre équipe anglaise, Manchester United, renverser une situation tout aussi impossible en une seule minute contre le Bayern Munich (2-1).

"Cela doit être la plus grande finale de tous les temps", juge même le +Scouser+ (habitant de Liverpool) Jamie Carragher.

Grobbelaar: l'exemple

Carragher, fan d'Everton quand il était gamin, a ainsi donné une leçon de "Liverpoolisme" à son gardien Jerzy Dudek avant les tirs au but. "Il est venu me voir pour me demander si je me souvenais de Grobbelaar et de la finale de 1984 à Rome", a raconté Dudek. Avec d'étranges mouvements des genoux, le gardien dégingandé avait décontenancé les tireurs de l'AS Rome, un autre club italien, permettant aux "Reds" d'enlever leur quatrième C1 en sept ans.

"Je m'en suis inspiré": Dudek le Polonais a donc imité le Zimbabwéen Grobbelaar pour annihiler Serginho, Pirlo et Shevchenko. Le miracle de Liverpool est un peu résumé ici: des joueurs et un entraîneur étrangers (onze nationalités dans l'effectif) parfaitement imprégnés de la dimension culturelle d'un club typiquement britannique, et guidés par deux gardiens de l'orthodoxie rouge, Gerrard et Carragher.

Car Liverpool est avant tout un passé, une histoire, qui donne au présent une autre dimension et aux joueurs un supplément d'âme. "Comment partir après ça ?", se demande d'ailleurs le capitaine Steven Gerrard, tenté par une aventure ailleurs mais aujourd'hui sûrement tiraillé.

"Bon sens"

"Ca", c'est la cinquième C1 de l'histoire d'un club vénérable, âgé de 113 ans, 18 fois sacré champion d'Angleterre, mais aussi inattendu que Porto l'an passé. Les "Reds" auraient pu enlever ce cinquième trophée en 1985. Mais l'idée que les hooligans anglais -qui venaient de tuer 39 personnes au Heysel avant la finale contre la Juventus Turin- rentrent en Angleterre avec une Coupe tâchée de sang aurait été insupportable.

Maintenant que les "Reds" se sont appropriés pour toujours les 7,5 kg et 62 cm de cette "Coupe aux grandes oreilles", si disgracieuse mais tellement convoitée, il leur faut confirmer. Mais défendront-ils seulement ce titre chèrement et spectaculairement acquis ?

Normalement non, car ils ont terminé 5e en Championnat d'Angleterre. L'UEFA pourrait toutefois prochainement faire une fleur au club de la Mersey et l'intégrer à la liste des engagés, sur décision du comité exécutif. "Le bon sens veut que nous la défendions", souligne ainsi l'entraîneur Rafael Benitez.

Avec leur générosité, les "Reds" ont en effet fait mentir ceux qui prédisaient une finale fermée et prudente, offrant un des plus beaux spectacles de ces dernières années. Un exploit qui mérite récompense...