LISBONNE (AFP) - Pour Luiz Felipe Scolari, l'entraîneur brésilien de la sélection portugaise finaliste de l'Euro-2004 de soccer, les succès se suivent et se ressemblent: plus il gagne, plus il surprend, plus il confond ses éternels détracteurs.

Deux ans jour pour jour après avoir mené le Brésil à la conquête de sa cinquième couronne mondiale, "Felipao" a savouré mercredi à Lisbonne une énième revanche, après la victoire (2-1) du Portugal sur les Pays-Bas en demi-finale du tournoi européen.

Depuis ses débuts d'entraîneur en 1982, partout où il passe, le scénario tend à se répéter: on le sous-estime, on le brocarde, on s'étonne, on s'excuse, on le complimente. Car, à la fin, il gagne.

"C'est de la chance!", ironisait-il, provocateur, après la victoire (1-0) des Portugais contre l'Espagne en match déterminant pour l'accession aux quarts de finale. "Mais, vous savez, grâce à cette chance, j'ai déjà conquis seize titres dans ma carrière".

A 55 ans, il est en position d'en ajouter un autre dimanche avec la sélection portugaise. Il deviendrait alors le premier entraîneur à réaliser le doublé Mondial-Euro, les deux tournois majeurs du soccer international, qui plus est à la tête de deux sélections nationales différentes.

Gene Hackman

Sa carte de visite fait également état d'une Coupe du Golfe avec le Koweït en 1990, de deux Coupe Libertadores (la Ligue des Champions d'Amérique latine) avec les clubs brésiliens de Gremio Porto Alegre (1995) et Palmeiras (1999).

Son CV de joueur est plus succinct. "Je n'ai pas été un défenseur très technique, pour ne pas dire que j'ai été tout simplement mauvais", a-t-il plusieurs fois admis. Ce qui ne l'a pas empêché de faire la leçon, y compris technique, à Ronaldo, Ronaldinho et autres Figo.

Une affaire de caractère. Sa ressemblance avec l'acteur américain Gene Hackman, spécialiste des rôles de méchant, a peut-être contribué à lui faire une réputation de "vrai dur", insensible, d'un pragmatisme impitoyable.

Il s'y est employé aussi, comme il s'est attaché à montrer une vraie sensibilité humaine. Selon les circonstances.

Dans le feu de l'action, quand il s'agit d'aller à l'essentiel, la victoire, pas de sentiments. Luis Figo, vedette et capitaine de la Selecçao, en a fait l'expérience lorsque, en quart de finale face à l'Angleterre, il s'est retrouvé sans ménagement au vestiaire un quart d'heure avant la fin du temps réglementaire.

Sun Tzu

A froid, deux jours plus tard, il déborde au contraire de sensiblerie. "J'admirais Figo comme joueur, maintenant j'apprécie l'homme. Quand il n'est pas là, il nous manque, lui qui défend sa sélection et son pays, qui fait beaucoup de choses pour les personnes défavorisées".

Rambo lorsqu'il déclare "l'état de guerre" avant le début de l'Euro, qu'il s'affirme "Portugais, venu dans ce pays pour tuer ou mourir", il a des lendemains de midinette quand il jure que ses "battements de coeur sont les mêmes que ceux de tous les Portugais" ou qu'il dédie une victoire aux "pêcheurs d'Alcochete", la bourgade ou la Selecçao a installé son camp de base.

Spontanéité à la brésilienne ou jeu de rôles soigneusement étudié?

Dans sa valise, lors du Mondial-2002, à côté du drapeau brésilien et d'un fanion de son état natal de Rio Grande do Sul, il avait un livre: "L'art de la guerre" du général chinois Sun Tzu.

Ecrit il y a quelque 25 siècles, l'ouvrage analyse les facteurs clés de la victoire: la politique, le climat, le terrain, le chef et la doctrine.

Et, à la fin, le général Scolari gagne.