JERUSALEM (AFP) - "Pas d'Arabes pas de buts": Parodiant le slogan extrémiste "Pas d'arabes pas d'attentats", le député Ahmad Tibi estime que les joueurs arabes d'Israël, qui ont marqué deux précieux buts en autant de matches de qualification au Mondial-2006 de soccer, contribuent à lutter contre la discrimination dont est victime la minorité arabe d'Israël.

Abbas Suan et Walid Badier ont tour à tour marqué le but d'égalisation en fin de rencontre contre l'Eire samedi et la France mercredi, permettant à l'équipe nationale d'Israël de rester dans la course à une qualification au Mondial-2006 en Allemagne.

Le quotidien de droite Maariv a jugé le slogan lancé par M. Tibi suffisamment pertinent pour en faire un titre à sa Une.

"Toute la semaine, Tibi a rêvé de ce scénario. Comment Abbas Suan et Walid Badier vont sauver la patrie", écrit ironiquement le journal.

Une patrie dont les quelque 1,2 million d'Arabes, Israéliens de nationalité mais Palestiniens de coeur, sont les mal-aimés, souffrant de discriminations qu'ils ne cessent de dénoncer.

Impact

Ils sont les descendants de 160 000 Palestiniens restés sur leurs terres après la création de l'Etat juif en 1948.

"La formule +Pas d'Arabes pas de buts+ est ma réponse aux racistes en Israël. Ces deux buts ont plus d'impact que tous les discours politiques", affirme M. Tibi à l'AFP.

"Le fait que ces deux joueurs arabes fassent bondir de joie plus de 40 000 spectateurs au stade est un sévère coup pour tous les extrémistes en Israël. Je suis sûr que cela doit déranger certains responsables en Israël", affirme-t-il.

Et d'ajouter, moqueur: "Heureusement que le plan de transfert d'Avigdor Lieberman n'a pas été appliqué la semaine dernière, sinon Israël aurait perdu les deux matches."

Ancien ministre et député d'extrême-droite, Avigdor Lieberman préconise le transfert des Arabes israéliens vers les territoires palestiniens.

Ironie du sort, Walid Badier a marqué le but d'égalisation contre la France mercredi alors que les siens marquaient la journée de la Terre, commémorant la mort le 30 mars 1976 de six Arabes israéliens tués par les forces de l'ordre en manifestant contre des confiscations de leurs terres par l'Etat.

"Après Abbas Suan contre l'Eire, Walid Badier sauve la sélection israélienne face à la France", fanfaronne en Une le journal arabe israélien Al-Ittihad.

Première

En trouvant le chemin des filets à deux reprises "Suan et Badier ont maintenu la sélection israélienne dans la course au Mondial en lui donnant une lueur d'espoir", souligne-t-il.

Abbas Suan estime que les exploits des joueurs arabes "renforcent la coexistence pacifique (entre Arabes et Juifs) en Israël."

"J'espère que nous allons pouvoir réaliser ce dont les politiques n'ont pas été capables: réduire par le biais du football le fossé existant entre Arabes et Juifs en Israël", confie-t-il.

"Pour la première fois dans l'histoire d'Israël, Juifs et Arabes s'unissent pour une même cause, celle de la sélection", ajoute Abbas, qui évolue à Sakhnine, devenue l'année dernière la première équipe arabe d'Israël à remporter la Coupe nationale.

S'il "rêve" de disputer avec Israël la Coupe du monde en Allemagne, il forme l'espoir que les prestations des joueurs arabes contribueront aussi à mettre fin aux injures racistes dont est victime l'équipe de Sakhnine dans les stades israéliens.

Pour Mazen Ghanayem, patron de Sakhnine, les joueurs arabes de l'équipe nationale "sont nos ambassadeurs dans le monde."

"Grâce a eux, le monde saura que la population d'Israël est composée de 18% d'Arabes qui font leurs devoirs mais qui n'ont pas obtenu tous leurs droits", dit-il à l'AFP.