PARIS - Saisines des cours sportives et civiles, plainte auprès de la Commission européenne, audition du président de l'UEFA Michel Platini par un tribunal cantonal suisse : l'Affaire du FC Sion n'en finit plus, et c'est au tour du Tribunal arbitral du sport (TAS) de s'en mêler jeudi.

Au départ, c'est un litige contractuel classique. La Fédération internationale de football (FIFA) en traite 3500 de ce type chaque année.

L'instance juge qu'au printemps 2008, le club suisse de Sion « a incité le gardien de but Essam El-Hadary à rompre son contrat avec Al Ahly (Égypte) », et lui interdit, par décision du 16 avril 2009, de recruter pendant deux périodes de transfert consécutives.

Après une première série de recours de Sion, tous rejetés, cette décision est devenue « ferme et définitive » à compter de janvier 2011. Sion était donc interdit de recrutement au mercato hivernal et estival 2011.

Pourtant, le 5 juillet 2011, Sion a demandé à la Ligue de football suisse (SFL) d'enregistrer six recrues, entamant un nouveau bras de fer devant plusieurs juridictions, sportive et civiles (cour cantonale ou fédérale suisse).

En multipliant les procédures, le bouillant et médiatique président de Sion Christian Constantin finit par trouver une faille. Ses recrues estivales ont alors profité d'une possibilité de jouer accordée à titre superprovisoire par un tribunal cantonal suisse.

Les joueurs incriminés évoluent alors, entre autres, en Europa League, compétition organisée par l'UEFA. Le FC Sion élimine le Celtic Glasgow en barrages de l'épreuve. L'affaire commence vraiment.

Le chaos menace

Le Celtic proteste. Au lendemain des barrages, Michel Platini lance devant la presse : « Ce qui se passe là n'est pas correct, Sion n'a pas respecté l'interdiction de recruter, ils vont au devant des problèmes ».

Le Celtic, qui avait déposé une réserve pour non-éligibilité de joueurs devant l'UEFA (l'Union européenne de football), est alors repêché en septembre. Glasgow intègre le groupe I (avec Rennes, l'Atletico Madrid et Udinese). Sion, exclu, multiplie encore les recours. Mais la compétition commence sans lui.

Et le dossier prend alors une tournure hors normes. L'UEFA est basée à Nyon, commune du canton de Vaud, qui dépend donc de sa justice cantonale. Or, le tribunal cantonal vaudois est saisi par Sion.

Dans la mécanique judiciaire civile suisse, Platini, président de l'UEFA, et le secrétaire général de l'instance, Gianni Infantino, sont tenus de répondre en personne aux questions de la justice cantonale. Et, surprise pour eux, M. Constantin assiste à leurs auditions en tant que partie adverse!

Si le FC Sion obtient gain de cause, les conséquences à long terme pourraient être dévastatrices pour le monde du football. À brève échéance, une réintégration du FC Sion serait un casse-tête pour l'UEFA.

Plus grave pour l'instance européenne, Sion fournirait ainsi le mode d'emploi, avec les cours de justice cantonales de Suisse, pour contester le principe du « fair-play financier » (un club dépensant plus qu'il ne gagne pourrait être exclu de la Ligue des champions) qui sera bientôt mis en oeuvre.

La menace d'un nouvel arrêt Bosman plane aussi. Le FC Sion vient d'ailleurs de recruter un avocat belge, Me Jean-Louis Dupont, à l'origine de ce célèbre arrêt portant le nom de son compatriote, l'ancien joueur Jean-Marc Bosman.

Pour la FIFA, le danger est là, comme l'a récemment souligné Marco Villiger, son directeur des services juridiques, sur le site de l'instance : « C'est le chaos! Si tout le monde consultait les tribunaux locaux, aucune compétition internationale ne pourrait avoir lieu ».