MONTREUX, Suisse - La Super Ligue, lancée par douze équipes de football dissidentes, est « une proposition honteuse » de quelques clubs « guidés par l'avidité », a réagi lundi le président de l'UEFA Aleksander Ceferin, annonçant l'adoption de la réforme de la Ligue des champions à partir de 2024.

Le patron de l'instance européenne du football, organisatrice de la prestigieuse Ligue des champions, a fustigé le projet annoncé quelques heures plus tôt par douze grands clubs européens, le comparant à « un crachat au visage de tous les amoureux du football », en opposition aux « compétitions ouvertes » qu'il entend prôner. 

Le comité exécutif de l'UEFA a adopté la réforme de sa compétition phare à partir de 2024, impliquant le passage de 32 à 36 clubs avec un mini-championnat en guise de phase de groupes. 

« Nous sommes tous unis face à ce projet de non-sens », a-t-il encore repris au sujet de la Super Ligue, dont l'annonce a bouleversé le monde du football européen dans la nuit de dimanche à lundi. 

Ce projet, emmené par le président du Real Madrid Florentino Perez, implique la participation permanente de 15 clubs fondateurs à une compétition quasiment fermée. Parmi ces 15 équipes, 12 sont connues (6 anglaises, 3 espagnoles, 3 italiennes).

Le président slovène de l'UEFA a aussi réaffirmé que les joueurs évoluant dans les clubs fondateurs de cette ligue privée « seront bannis » des compétitions internationales telles que la Coupe du monde ou l'Euro et « ne pourront pas représenter leurs équipes nationales ».

À l'opposé, il a vanté les mérites de la réforme de l'UEFA, qui « préserve l'importance des compétitions domestiques » selon lui.

Son secrétaire général adjoint Giorgio Marchetti a précisé les modalités de cette réforme, confirmant qu'un BILLET supplémentaire serait attribué à la cinquième nation la plus en réussite sportivement, en l'occurrence la France qui aura donc trois représentants minimum assurés dès 2024.

Cette réforme, à l'étude de longue date, et plusieurs fois repoussée, avait initialement été imaginée pour contenter les plus gros clubs, dont certains ont désormais rejoint le camp des dissidents.

L'UEFA a enfin annoncé avoir repoussé à vendredi sa décision finale sur les villes-hôtes de l'Euro de football (11 juin-11 juillet), alors que la compétition pourrait être retirée à Munich, Bilbao et Dublin si elles ne peuvent accueillir de spectateurs.

Indignation

Au moment où quelques-uns des clubs européens parmi les plus riches ont annoncé leur intention de former la Super Ligue, l'équipe détenue par des acteurs américains était heureuse d'annoncer son intention de maintenir le statu quo.

« Malgré les deux victoires 4-0 du club cette semaine, nous pouvons confirmer que nous ne chercherons pas à joindre la 'Super Ligue européenne' nouvellement annoncée », lit-on dans un gazouillis du club gallois de Wrexham, qui joue en cinquième division anglaise et a récemment été acheté par les acteurs Ryan Reynolds et Rob McElhenney.

« Le club ne fera aucun autre commentaire. »

Douze clubs, et pas des moindres (Real Madrid, Barcelone, Juventus Turin, Manchester United, Manchester City, Liverpool) ont annoncé qu'ils comptaient lancer une nouvelle compétition. Ce serait leur propre Coupe d'Europe, privée, concurrente directe de l'actuelle Ligue des champions, organisée par l'UEFA.

Les réactions à cette annonce allaient de l'humour au sarcasme en passant par la condamnation et la colère.

« Nous avons remporté le même nombre de titres de Premier League que Tottenham », a déclaré le club irlandais Bray Wanderers, après un gazouillis initial – « Nous souhaitons confirmer que nous ne participerons à aucune Super Ligue européenne » – qui a reçu plus de 100 000 j'aime.

Aucun des deux clubs n'a jamais remporté le titre en Premier League, bien que Tottenham ait remporté le titre de la ligue anglaise à deux reprises avant la création de la Premier League en 1992.

Le club russe Spartak Moscou s'est tourné directement vers les partisans des 12 clubs séparatistes qui pourraient être mécontents des développements.

« Si vous avez besoin d'un nouveau club à soutenir, nous sommes toujours là pour vous, a fait savoir le Spartak. Cordialement, FC Spartak Moscou. »

Le ton général des réactions était tranchant, du partisan moyen à ceux qui ont des liens étroits avec un groupe que beaucoup appellent maintenant « la sale douzaine ».

« Hier, le conseil d'administration actuel de (Tottenham) a trahi le club, son histoire et la magie qui rend ce sport si spécial quand ils ont apposé leur nom sur une déclaration annonçant la formation d'une Super Ligue européenne séparatiste », a mentionné le Tottenham Hotspur Supporters' Trust dans un communiqué.

Le groupe a ajouté que le conseil d'administration de Tottenham était « prêt à risquer la réputation du club et son avenir dans la poursuite opportuniste de la cupidité » et a appelé à un changement de propriétaire si Tottenham ne se dissociait pas immédiatement de cette ligue séparatiste.

Gary Neville, l'ancien défenseur de Manchester United qui est maintenant commentateur et propriétaire du club anglais de quatrième division Salford, a décrit les dirigeants des clubs séparatistes comme des « imposteurs » et a appelé la Premier League à sanctionner les six clubs anglais impliqués avec des déductions de points.

« Ils sont en train de rompre avec une compétition dont ils ne peuvent pas être relégués? C'est une honte absolue, a confié Neville dans une diatribe passionnée sur Sky Sports.

« Nous devons lutter contre le retour du pouvoir dans ce pays des clubs au sommet de cette ligue – et cela inclut mon club », a-t-il déclaré, faisant référence à United, propriété américaine.

L'ancien milieu de terrain de United Ander Herrera est l'un des rares joueurs actuels à se prononcer contre la proposition. Herrera joue pour le Paris Saint-Germain, le champion de France qui refuse jusqu'à présent de participer à la Super Ligue aux côtés de grands clubs allemands comme le Bayern Munich et le Borussia Dortmund.

« Je crois en une Ligue des champions améliorée », a-t-il annoncé à ses 2,7 millions d'abonnés sur Twitter, « mais pas au fait que les riches volent ce que les gens ont créé, ce qui n'est rien d'autre que le plus beau sport de la planète ».

Les clubs français ont reçu une petite tape dans le dos du président du pays, Emmanuel Macron, dont le bureau a déclaré que la ligue proposée « menace le principe de la solidarité et du mérite sportif. » La ministre des Sports du gouvernement français, Roxana Maracineanu, a critiqué cette initiative comme « un club VIP pour conquérir le monde, mais une conquête mondiale basée uniquement sur le marketing et les ventes, pas sur le sport. »

En Espagne, le Real Betis a publié sa propre version mise à jour du classement de la ligue sur la page d'accueil de son site Web, supprimant les trois équipes qui se sont inscrites pour rejoindre la Super Ligue: les trois premières au classement, soit l'Atlético Madrid, le Real Madrid et le FC Barcelone. Cela a laissé le Betis à la troisième place de ce classement révisé.