HAMELIN (AP) - Lilian Thuram, qui devrait logiquement égaler le record de 116 sélections en équipe de France détenu par Marcel Desailly dimanche soir à Leipzig contre la Corée du Sud, a encore des "obligations" à remplir.

En dépit de son immense palmarès, en club comme en équipe de France, l'ancien champion du monde et champion d'Europe n'a pas totalement convaincu dans son association avec William Gallas en défense centrale lors du premier match des Bleus dans le Mondial allemand contre la Suisse (0-0).

Le sélectionneur Raymond Domenech reproche notamment aux deux hommes de ne pas être monté assez haut balle au pied pour participer à la construction offensive et compte bien y remédier avant d'affronter la Corée du Sud dans un match couperet.

"Ils doivent aller plus haut, car on peut aller plus haut dans les actions", a déclaré Domenech. "C'est une obligation. Pour être solide, il ne faut pas avoir un bloc qui s'étire."

A son poste de prédilection, Thuram, cantonné pendant près de 100 sélections sur le côté de la défense tricolore en raison de la présence dans la charnière centrale de Laurent Blanc et Marcel Desailly, ne fait pas l'unanimité cet été.

Arrière droit incontournable pendant de longues années, Thuram arrive probablement un peu tard à un poste où les relances du libéro Blanc sont restées sans succession.

"A un moment, j'ai vu Gallas et (Eric) Abidal revenir en sprintant tous les deux et là j'ai mesuré à quel point le temps passait vite", avait reconnu Thuram après le match amical France-Danemark. "Dire qu'à un moment, je courais aussi à cette vitesse là".

Sélectionné pour la première fois en équipe de France contre la République tchèque le 17 août 1994 (2-2), comme Zinédine Zidane, Thuram mettra un terme définitif à sa carrière internationale après le Mondial. En Allemagne, il devrait au moins atteindre la barre des 117 sélections et effacer des tablettes un record qui ne l'intéressait pas.

Thuram avait en effet décidé de ne plus jouer en sélection après l'échec des Bleus en quart de finale de l'Euro 2004 avant de revenir sur sa décision l'été dernier devant l'insistance de Zidane et de Domenech.

Le Guadeloupéen de 34 ans a été de toutes les aventures de la génération des champions du monde 98, les bonnes comme les mauvaises. La plus belle, la victoire en Coupe du monde, lui a permis d'éblouir le monde.

Cette année-là sur leur sol, les Bleus n'avaient encaissé que deux buts pendant tout le tournoi. Thuram avait largement contribué à cadenasser la défense française, mais c'est en buteur décisif qu'il avait marqué le Mondial de son empreinte.

En demi-finale, les Bleus sont menés 1-0 par la Croatie après un but de Davor Suker inscrit juste après la pause. Fautif sur l'action, Thuram, dans la minute suivante, perce la défense croate après une montée dans son couloir et égalise d'une frappe du gauche. Vingt-deux minutes plus tard, il trompe de nouveau le gardien Drazen Ladic et offre la victoire à la France. Le Parmesan s'agenouille, incrédule, l'index sur la bouche. Des images inoubliables gravées à jamais dans la conscience collective de la France.

Thuram, qui n'avait jamais marqué en équipe de France avant cette divine soirée de juillet, ne l'a plus jamais fait ensuite.

"C'est encore un truc de fou auquel je suis lié pour l'éternité", a déclaré Thuram à ce propos. "Je pense que le jour de ma mort, on diffusera ces images à la télé."

En clubs, c'est en Italie que la carrière de Thuram a pris toute son envergure, à Parme d'abord, puis à la Juventus à partir de la saison 2001-2002. A Turin, où il a perdu sa place de titulaire en fin de saison, son association avec Fabio Cannavaro a fait le bonheur de la "Vieille Dame" et suscité l'admiration de ses équipiers.

"Thuram et Alessandro Nesta sont deux très grands joueurs, mais Lilian fait vraiment partie d'une autre planète", a déclaré un jour Cannavaro.

Ces dernières années, Thuram, "un bout de bois sur qui on se fait mal si on tape dessus" selon son ami Claude Puel, s'est également beaucoup fait entendre en dehors des terrains. Homme de convictions engagé dans la lutte contre le racisme et membre du Haut conseil à l'intégration, "Tutu" n'a pas hésité à affronter le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy.

"Quand Sarkozy prétend qu'il faut nettoyer au Karcher, il ne sait peut-être pas ce qu'il dit. Moi, j'ai grandi en banlieue et je le prends pour moi! L'insécurité, personne n'est pour, mais il faut comprendre d'où vient le malaise. Si l'on parlait un peu de justice sociale?"

A l'arrêt de sa carrière, l'ancien champion d'Italie continuera à défendre les faibles et les défavorisés, lui qui avait failli opter pour la prêtrise dans sa prime jeunesse. "C'est inscrit dans mes gènes, car je viens d'Anse-Bertrand, un endroit de Guadeloupe où se sont déroulées des choses pas très jolies, où l'on a parqué des Indiens et des esclaves africains", a-t-il déclaré. "Inconsciemment, cela m'a marqué. Mon engagement vient peut-être de cette page de l'histoire."

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