PARIS (AFP) - Le XVIIe Championnat du monde de soccer a sacré dimanche avec le Brésil un champion hyper classique qui établit un nouveau record avec cinq titres au terme d'une compétition qui a paradoxalement confirmé le resserrement de l'élite et la mondialisation du sport le plus populaire de la planète.

Cette escapade de la Coupe du monde en Asie, première étape de la rotation désormais prônée par la Fédération internationale (FIFA), a également été marquée par l'usure physique de la majorité des grands joueurs évoluant en Europe alors que certaines "présumées" petites nations ont pu gommer un certain handicap technique en arrivant en pleine condition physique.

Enfin, en marge du caractère sportif, les organisateurs sud-coréens et japonais ont maîtrisé avec efficacité les problèmes de sécurité mais connu quelques problèmes de billetterie inhérents à la double organisation. En revanche, les éternels problèmes d'arbitrage, qui "font partie du jeu" selon le président de la FIFA Joseph Blatter, ont eu cette année une répercussion plus importante dans la mesure où ce sont de puissantes équipes du Vieux continent (Italie, Espagne) qui estiment avoir été lésées.

Coups de théâtre

Le Sénégal, vice-champion d'Afrique, a donné d'entrée le ton à ce Mondial en donnant la leçon aux champions du monde en titre, une équipe de France orpheline de Zinédine Zidane mais dont le ressort était cassé avant même le début du tournoi.

La première phase a ensuite donné lieu à toute une série de surprises, au terme de rencontres rythmées et nivelées, avec une bonne moyenne de 2,71 buts par match, supérieure à celle du dernier Mondial (2,62).

L'Argentine, dont la quasi totalité de l'effectif évolue en Europe, le Portugal, avec un Figo transparent, et même le Cameroun, champion d'Afrique, ne passaient pas le cap du premier tour en raison d'une préparation mal dosée et sacrifiée sur l'hôtel des compétitions de la puissante Confédération européenne.

Ainsi, la finale de la Ligue des champions s'est disputée quinze jours à peine avant le début de la plus importante compétition sportive au monde après les jeux Olympiques, avancée cette année de quinze jours en raison de la mousson. Dans cette optique, la trêve hivernale de deux mois en Bundesliga n'est sûrement pas étrangère à la bonne performance de la Mannschaft. "Pourtant les dates étaient connues depuis deux ans", ne manque pas de souligner Michel Platini, conseiller du président Blatter. Cette harmonisation du calendrier international et l'équilibre entre les clubs et l'équipe nationale va d'ailleurs être un des grands chantiers dans les prochains mois.

A l'inverse, la Corée du Sud, le Japon, les Etats-Unis et le Mexique ont tiré profit d'une préparation rigoureuse alors que le Sénégal, le Brésil de l'Afrique, se complaisait dans le rôle d'exception confirmant la règle.

Austérité

Le retour programmé à l'austérité offensive, à l'image des éditions précédentes, s'est bien produit à partir des rencontres à élimination directe (cinq buts en quarts de finale et deux en demi-finales) mais l'émotion est restée très présente avec trois matches se jouant au but en or et deux autres au terme de spectaculaires séances de tirs au but.

La Corée du Sud, portée par une immense vague rouge, et la Turquie, qui alignait peut-être le meilleur milieu de terrain du tournoi, ont cultivé jusqu'à l'avant-dernière marche le côté exotique de ce premier Mondial décentralisé.

Mais le Brésil et l'Allemagne, deux très bons élèves du soccer pourtant qualifiés comme des cancres, sont régulièrement montés en puissance pour offrir finalement une finale aussi inédite qu'attendue entre deux formations totalisant sept titres et douze finales.

En finale, l'Allemagne s'est longtemps mise à l'abri des artistes brésiliens, forçant sa nature en prenant le jeu à son compte. Mais finalement, le grand perdant de la finale de 1998, Ronaldo, est devenu l'héritier de Zidane, réussissant lui aussi un doublé en finale, quatre ans après son "bourreau".

Avec cinq titres gagnés dans quatre Confédérations différentes, alors qu'aucun européen ne s'est imposé en dehors du Vieux continent, le Brésil, qui a disputé dimanche sa troisième finale consécutive, domine donc plus que jamais la planète soccer.

Nouvelle ère

Mais la forte poussée de nations ne figurant pas jusqu'à présent dans le gotha du soccer mondial laisse pourtant augurer du début d'une nouvelle ère. Bien sûr, l'Allemagne sera difficile à battre lors de la prochaine Coupe du monde, qu'elle va organiser en 2006. Mais, le soccer européen, grand consommateur et formateur de vedettes étrangères, va devoir se ressaisir.

Par ailleurs, ce Mondial marque la fin d'une carrière pour des vedettes, comme l'Argentin Gabriel Batistuta, l'Italien Paolo Maldini, l'Espagnol Fernando Hierro, le Nigérian Jay Jay Okocha et le Français Youri Djorkaeff.

En revanche, le Coréen Ahn Jung-hwan et le Sénégalais El Hadji Diouf, révélations du tournoi, ont déjà pris rendez-vous pour 2006, comme un certain Michael Ballack, contraint dimanche en finale de ronger son frein sur le banc allemand pour cause de suspension.