TROIS-RIVIÈRES - Dans les rues poussiéreuses du bidonville de Munsieville, en Afrique du Sud, les jeunes Sud-Africains, Mozambicains, Zimbabwéens et Congolais trépignent à l'idée d'assister ou, pour les plus chanceux, de participer à la finale de la Coupe du monde opposant le Brésil et l'Allemagne. Le seul Blanc de la place, le Trifluvien Martin Lafontaine, ne manquera cette occasion pour rien au monde.

L'Espagne et les Pays-Bas disputeront bel et bien dimanche la véritable finale de la Coupe de la FIFA. Mais ce samedi, à 50 kilomètres de Johannesburg, toute la communauté de Munsieville, un township de 35 000 habitants, n'aura de yeux que pour les enfants qui s'adonneront au sport qui les a uni dans l'espoir.

Depuis deux mois et demi, Martin Lafontaine, directeur des vaccins auprès de la compagnie pharmaceutique GlaxoSmithKline, travaille de pair avec les habitants pour organiser la Coupe du monde des enfants de Munsieville. Une réplique de la vraie Coupe, pendant laquelle 500 jeunes du bidonville, âgés de 13 à 18 ans, se sont affrontés en portant fièrement les couleurs des 32 équipes officielles. Depuis le 11 juin, chacun des 64 matchs a eu lieu une journée avant celui des Dieux du stade, pour s'y mesurer évidemment.

Cette initiative sportive est la prémisse du projet d'une ONG britannique qui, sur dix ans, souhaite bâtir un modèle d'excellence pour venir en aide et pour apporter des soins aux enfants vulnérables et orphelins à travers le globe.

Munsieville a été ciblé pour faire décoller le projet. Le Québécois Martin Lafontaine, lui, a été choisi pour ses compétences en marketing et en lancement de produits internationaux. Débarqué à la fin février dans le township où 60 pour cent de la population est infecté ou affecté par le sida, il avait d'abord comme mission de gagner la confiance de cette communauté maintes fois abandonnée par d'autres ONG.

Une lueur d'espoir scintillait toutefois à travers la misère, les crimes, la violence et la drogue: la fièvre de la Coupe de monde. "Dès que je suis descendu de l'avion, je l'ai senti. Le but était donc de prendre cette folie qui ne leur est pas accessible et de l'amener dans leur communauté par le biais des enfants. Il n'y avait pas de meilleure façon pour donner le ton au projet", a expliqué M. Lafontaine, au bout du fil.

Ne se disant pas fan du ballon rond, mais plutôt de la rondelle, il a vite été conquis par la fébrilité du continent africain. "T'as juste à marcher dans les rues pour voir l'attrait des gens pour le soccer. Les jeunes jouent avec des roches. C'est un mode de vie", s'est-il émerveillé.

Le tournoi auquel personne ne croyait au départ a réussi l'impossible: réconcilier les deux clans du township, qui entretiennent entre eux la zizanie depuis belle lurette. Comme d'un côté on retrouve les "shacks" faits de morceaux de tôle et de l'autre, les habitations plus aisées, les matchs étaient joués en alternance sur les terrains de chaque secteur. De sorte que les enfants se sont faits de nouveaux amis, avec qui ils étaient défendus de fraterniser jusqu'alors. Maintenant, les villageois du township ont bien l'intention de créer une ligue pour les gamins.

Martin Lafontaine se réjouit d'autant plus à l'idée que pour une fois, les enfants ont été au centre de l'attention de la communauté. À l'accoutumée, ceux-ci sont confinés à des matchs de soccer dans lesquels ils sont "utilisés" par les adultes qui misent sur l'issue des compétitions, a-t-il relaté.

Son implication ne l'a toutefois pas empêché de prendre part à l'un des matchs de la FIFA, en l'occurrence celui qui mettait aux prises les États-Unis et le Ghana. "Mais les matchs où j'ai vu le plus de passion, d'intensité et de fous rires, c'était à Munsieville", a-t-il soutenu.

Au moment où la finale de la Coupe du monde 2010 se dessinera non loin de Munsieville, le Trifluvien sera sur son chemin de retour. Après son arrivée à Montréal, il prévoit s'arrêter quelque temps à Trois-Rivières vers la fin du mois, chez ses parents et amis.

"C'est sûr que de vivre une telle expérience, ça va mettre de la perspective, a mentionné celui qui dit avoir été choqué par une pauvreté et une richesse qui cohabitent étroitement. Je veux vraiment prendre mon temps pour mettre tout ça dans son contexte. J'ai hâte de voir les belles surprises que ça va créer."