ALGER, Algérie - Les pierres ont été lancées après le sifflet final d'un match de soccer en Algérie, un triste spectacle à la fréquence en hausse. Mais cette fois, une tragédie en a résulté : atteint à la tête, Albert Ebossé, meilleur marqueur de la ligue la saison dernière, s'est écroulé au sol puis est mort à l'hôpital.

La jeunesse algérienne a recours aux pierres et cause des confrontations dans et hors des stades, dans une vague d'hooliganisme vu comme échappatoire des frustrations quotidiennes : chômage, institutions déficientes et pur ennui. Les joueurs disent que la mort d'un des leurs, tué par ses propres partisans, n'était qu'une question de temps.

L'Algérie est l'un des plus grands fournisseurs de gaz naturel aux pays européens, mais certains disent que cette richesse ne se transforme pas en de meilleures conditions de vie pour les jeunes, qui se tournent vers la violence au soccer.

« La violence en Algérie est devenue ordinaire et banale », a dit Mahmoud Boudarène, un éminent psychiatre.

Selon lui, l'hogra, mot qu'utilisent les Algériens en référence au mépris qu'ils perçoivent du gouvernement, a contaminé la société algérienne. Les gens en viennent à croire que la seule façon de faire bouger les choses, c'est de connaître les bonnes personnes ou de troubler la paix.

« C'est le règne de l'hogra et de l'injustice sociale, a dit Boudarène, qui est originaire de Tizi Ouzou, où s'est déroulé l'incident mortel au soccer, le 23 août. La violence est devenue le mode de communication privilégié entre le citoyen et la république. Dans l'Algérie d'aujourd'hui, tout s'obtient par une émeute. »

Le taux de chômage des jeunes est d'au moins 25 pour cent, et plus de 60 pour cent des emplois viennent du gouvernement. Le secteur privé embauche peu et les hydrocarbones amènent des milliards $, mais ils ne génèrent pas beaucoup d'emplois.

Et les options pour s'évader temporairement du sombre tableau sont limitées en terme de cinémas, de centres commerciaux et de clubs sociaux.

Le soccer est donc devenu la passion nationale. Quand les Fennecs ont atteint la phase éliminatoire du récent Mondial au Brésil, le pays a explosé de joie. Dans ce contexte, plusieurs se demandent pourquoi, dans un pays où tant de choses sont contrôlées, pourquoi on laisse de telles turbulences éclore dans les stades.

Le corps d'Ebossé, qui avait 24 ans, devrait arriver dans son Cameroun natal jeudi, par avion.

« Il y a une pression terrible à chaque match. Ce qui est arrivé à Albert Ebossé nous concerne tous, a dit Malik Ferhat, capitaine du Mouloudia Olympique, de Béjaïa. Il n'y a pas encore de sécurité suffisante dans les stades. Des gens y entrent avec des couteaux et les agents de sécurité les laissent faire. »

En mars, on a dû évacuer rapidement les joueurs quand des supporters en colère ont envahi le terrain. En 2012, Abdelkader Laifaoui a été poignardé près d'un rein par un partisan.

Hugo Broos, l'entraîneur du JS Kabylie, pour lequel jouait Ebossé, est retourné dans sa Belgique natale après la mort de son joueur vedette et a promis de ne pas revenir, à moins que de sévères mesures soient prises pour changer les choses.

En mai, la police a rapporté qu'il y a eu 142 incidents violents pendant la dernière saison de soccer, causant des blessures à 600 personnes, dont 400 policiers. Un total de 151 véhicules ont été détruits, et plus ou moins 315 personnes ont été arrêtées, dont 47 d'âge mineur.